Atos prêt à réduire son empreinte à l’international pour se relancer
Après une restructuration financière réussie l’année dernière, Atos veut désormais se concentrer sur les marchés à fort potentiel et réduire ses effectifs. La baisse des coûts est aussi au programme du nouveau plan stratégique dévoilé ce mercredi par le groupe.
Par Joséphine Boone, Romain Gueugneau
Publié le 14 mai 2025 à 08:25 | Mis à jour le 14 mai 2025 à 12:09
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Maigrir pour être plus fort ? C’est le pari d’Atos, l’ex-fleuron tricolore de la transformation numérique, qui dévoile ce mercredi son plan stratégique pour tenter de se relancer après cinq années de crise inédites. Il vise un chiffre d’affaires compris entre 9 et 10 milliards d’euros et une marge opérationnelle de 10 % à horizon 2028.
Pour y parvenir, le groupe français, qui sort tout juste d’un processus de restructuration financière et qui a bien failli perdre pied l’année dernière, compte réduire son empreinte à l’international.
Atos s’apprête notamment à faire ses valises dans plusieurs pays d’Asie et du Moyen-Orient, où le groupe a des parts de marché trop faibles, pour se concentrer sur les régions rentables et à fort potentiel, comme les Etats-Unis. En 2024, il exerçait son activité dans 70 pays, avec en tête l’Europe et l’Amérique du Nord. Il se concentrera désormais sur « six hubs régionaux », comme indiqué dans un communiqué. Le titre chutait de près de 6 % à l’ouverture de la Bourse de Paris.
Réduction de taille
Cette réduction de l’empreinte du groupe à l’étranger s’accompagnera nécessairement d’une diminution des effectifs au global. Le nombre de salariés était déjà retombé à 74.000 au premier trimestre 2025, contre plus de 110.000 il y a trois ans. Il devrait passer sous le seuil des 60.000 personnes en 2026, une baisse de près de moitié en cinq ans.
Les effectifs pourraient néanmoins repartir à la hausse d’ici à 2028, lorsque le plan stratégique sera achevé. L’idée étant, pour Atos, de conserver une taille critique crédible sur les marchés privés et publics pour répondre aux appels d’offres face à ses deux principaux concurrents : le français Capgemini et l’américain Accenture. Les effectifs en France, qui s’élevaient à environ 10.000 personnes en 2024, ne devraient pas être significativement touchés.
Cette diminution en taille s’accompagne aussi d’un programme de réduction de coûts, « destiné à ajuster sa structure de coûts à sa taille actuelle, en cohérence avec sa nouvelle organisation ». Les frais généraux et administratifs seront ramenés à 5 % du chiffre d’affaires d’ici à 2028, soit une baisse de 2 points par rapport au niveau actuel, indique le groupe.
Ces différentes initiatives doivent permettre d’atteindre l’objectif d’une marge opérationnelle de 10 % fixé pour 2028, contre 4 % l’année passée.
Pertes de contrat
En attendant de renouer avec la croissance, Atos devrait encore voir ses revenus reculer. Le groupe vise un chiffre d’affaires de 8,5 milliards d’euros cette année, en baisse de 10 % par rapport à 2024, et au plus bas depuis 2011. De faibles prévisions notamment liées à la vente l’année dernière de Worldgrid à Alten, et à des pertes de contrats. « Nous voulons faire de la croissance rentable, pas seulement générer du chiffre d’affaires », a insisté Philippe Salle lors d’une conférence de presse mercredi matin. Une référence claire à des cycles de croissance à faible marge dans les années 2010.
L’activité a dégringolé ces trois dernières années, touchée par un marché atone, mais surtout par la perte de confiance des clients face aux déboires de la société, endettée à hauteur de 5 milliards d’euros il y a encore un an. Si l’année 2025 s’annonce difficile, le point bas pourrait n’être atteint que l’année prochaine, lorsqu’Atos se sera séparé de ses activités dans différents pays.
Simplification en interne
En termes d’organisation, le groupe reste sur une « expertise technologique de bout en bout », avec deux entités distinctes. Mais certaines activités basculent d’une filiale à l’autre.
La branche de services Tech Foundations (infogérance, infrastructure, réseaux), la plus en difficulté, sera rebaptisée pour prendre le nom officiel d’« Atos ». Elle se dote d’une nouvelle unité « Data et IA » et intègre les activités cloud et services cyber. Soit, au total, plus de 90 % des métiers du groupe.
La branche Eviden regroupe désormais les activités de produits : cybersécurité, systèmes critiques, vision par IA et calcul haute performance. Ce dernier segment, l’une des rares activités à forte marge, doit par ailleurs être en partie cédé à l’Agence des participations de l’Etat, un dossier qui n’a pas encore été bouclé.
Les négociations exclusives sur les supercalculateurs pour la dissuasion nucléaire (Advanced Computing) courent jusqu’à fin mai, pour un prix de vente fixé à 625 millions d’euros par Atos. Tech Foundations et Eviden avaient été séparées en 2022, pour un coût de près d’un milliard d’euros. La vente des systèmes de commandement des forces armées (MCS), qui intéressaient initialement l’Etat français, est quant à elle suspendue. « Avec ce qu’il se passe dans le secteur de la défense en Europe, nous pensons que ce n’est pas le bon moment pour vendre », a commenté Philippe Salle.
Miser sur l’IA et la souveraineté
Pour la nouvelle division data et IA, un marché porteur, Atos prévoit de passer de 2.000 à 10.000 collaborateurs d’ici à 2028. L’activité, identifiée comme un des principaux accélérateurs pour le groupe avec les sujets cyber, sera concentrée sur quatre offres principales, notamment les « agents IA ».
Philippe Salle veut lancer dès 2026 des acquisitions sur ce segment. Il espère aussi surfer sur la vague de « souveraineté numérique » déclenchée en Europe suite aux offensives commerciales de Donald Trump. « Il y aura une tendance à privilégier les acteurs européens, croit le patron. Mais nous restons un acteur global. »
Mais d’abord, il faudra « assainir les coûts » et retrouver un cash-flow positif en 2026, espère le patron. Ce nouveau plan stratégique devrait coûter 700 millions d’euros, dont 400 millions dès cette année.
Le plan stratégique ne nécessitera pas de lever de nouveaux fonds auprès des investisseurs. Atos a procédé fin avril à une opération de regroupement d’actions par lot de 10.000. L’action dépassait une quarantaine d’euros en début de semaine.
Joséphine Boone et Romain
Gueugneau
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