* La donne monétaire a changé, dit Nicolas Forest (Candriam) * Les taux appelés à rester durablement bas * La Fed devrait baisser les siens de 25 points de base * La BCE se contentera de préparer le terrain par Patrick Vignal PARIS, 22 juillet (Reuters) - Une inflation introuvable et des taux appelés à rester durablement bas devraient conduire les grandes banques centrales à modifier leur mandat dans les prochaines années, dit-on chez Candriam à quelques jours d'annonces très attendues de la Banque centrale européenne et de la Réserve fédérale. La BCE et la Fed, dont le verdict est attendu respectivement pour jeudi et le 31 juillet, les marchés s'attendant au maintien par chacune d'une posture accommodante, ont pour mandat de veiller à la stabilité des prix, s'y ajoutant pour la banque centrale américaine celui d'oeuvrer pour le plein emploi. "Les mandats de politique monétaire vont changer dans les prochaines années parce que l'inflation est basse et parce que les banques centrales ont compromis leur indépendance en achetant massivement de la dette", a déclaré lundi à Reuters Nicolas Forest, responsable de la gestion obligataire chez Candriam. "Dans un contexte de faible inflation, si les taux devaient remonter, des dettes comme la dette italienne ne seraient certainement pas soutenables. Les considérations de politique monétaire aujourd'hui sont ainsi davantage liées à l'aspect politique qu'à l'aspect monétaire." La nouvelle donne monétaire s'explique également par la décorrélation entre la politique de la Fed et celle des autres banques centrales, prolonge Nicolas Forest. Cet argument est étayé par le fait que la Fed s'apprête à baisser ses taux alors que la BCE, qui a jeté ses plans de normalisation monétaire aux orties, n'a pas réussi à relever les siens. NOUVELLE DONNE "La politique monétaire a changé de configuration depuis 10 ans", souligne l'expert de Candriam. "Si vous regardez la croissance, l'emploi et l'inflation, il n'y a pas de raison de baisser les taux aux Etats-Unis. Mais il y a des facteurs qui ont évolué, notamment le fait qu'avant, la banque centrale américaine était suivie par toutes les banques centrales du monde, ce qui n'est plus le cas. Les Américains ne veulent pas être les dindons de la farce monétaire avec le risque que le dollar soit plus élevé." Le contrôle de la devise est ainsi au coeur des stratégies des deux banques centrales, conscientes qu'une monnaie trop forte pénaliserait la croissance, ajoute-t-il. "On est entré dans une nouvelle ère dans laquelle chaque banquier central est un peu seul dans son laboratoire à tester différentes formules", dit-il. LA BCE FOURBIT SES ARMES Selon Nicolas Forest, la BCE devrait se contenter jeudi de préparer le terrain à plusieurs actions à venir, dans la lignée de la position défendue le mois dernier par son président, Mario Draghi, qui s'était déclaré prêt à mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires pour relancer l'inflation et soutenir la croissance dans la zone euro. Sans se prononcer précisément sur l'arsenal que choisira la BCE, Nicolas Forest la voit à la fois agir sur les taux et relancer son programme de rachats d'actifs. "Ce qui est sûr, c'est que le marché s'attend à une baisse du taux de dépôt, qui devrait être modeste avec un système de paliers ("tiering") pour préserver les revenus des banques européennes, qui souffrent dans un environnement de taux négatifs", dit-il. "Tout l'art de la BCE, c'est de faire très peu en donnant l'impression de faire beaucoup, le but étant de maintenir les taux à des niveaux très bas mais aussi d'éviter l'appréciation de l'euro dans le sillage de la baisse des taux américains." En ce qui concerne la reprise de l'assouplissement quantitatif (quantitative easing, QE), Nicolas Forest sait que l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, qui cite des sources au sein de la BCE, parie sur le mois de novembre . Mais lui-même pense plutôt qu'elle interviendra l'année prochaine. "Sur la base de 30 milliards d'euros par mois, la BCE absorberait toutes les émissions nettes en 2020, ce qui permettra à la zone euro de rester dans un territoire de taux bas pour faire en sorte que le service de la dette demeure soutenable pour les Etats comme pour les entreprises", dit-il. Quant à la Fed, elle doit trancher entre ceux, majoritaires, qui la voient baisser ses taux de 25 points de base et les autres, relativement nombreux, qui misent sur une baisse d'un demi-point de pourcentage. "Mon avis personnel, c'est qu'il y aura une baisse de seulement 25 points de base parce que la situation économique ne justifie pas une baisse de 50 points", dit Nicolas Forest. "Le paradigme monétaire a changé et Jerome Powell (le président de la Fed, NDLR) le prend en compte avec l'éventualité d'une baisse de taux préventive. Il y a évidemment une intervention dans le débat de l'administration américaine mais je pense qu'il pilote cela de façon indépendante." Voir aussi : GRAPHES-Cinq questions avant la réunion de la BCE La BCE prépare le terrain avant de sortir son arsenal-Allianz GI (édité par Véronique Tison)
ENTRETIEN MARCHÉS-Les mandats des banques centrales vont changer-Candriam
information fournie par Reuters 22/07/2019 à 14:43
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