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Mersen : au cœur du tout électrique ? probablement, et plus encore
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 14/09/2023 à 08:36

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

mersen (crédit photo : Mersen /  )

mersen (crédit photo : Mersen / )

Un principe de base de l'investissement, c'est de n'acheter que ce que l'on comprend bien. Ou que l'on croit bien comprendre en tout cas puisque, à l'usage, on s'aperçoit qu'on ne prend pas que des bonnes décision, c'est un fait.

Les sociétés cotées ont donc théoriquement tout intérêt à bien expliquer ce qu'elles font pour que les investisseurs les comprennent bien. Voire soigner leur présentation, pour être le plus désirable possible aux yeux desdits investisseurs, même si la Bourse n'est peut-être pas qu'un concours de beauté, comme le prétendait M. Keynes en son temps.

On aime donc bien, en principe, qu'une société se donne du mal pour communiquer sur ce qu'elle est, et aussi communique bien, c'est-à-dire assez mais sans nous noyer dans l'information. Parce qu'un discours clair facilite grandement le travail de l'investisseur qui doit d'abord situer la société dans son métier, son environnement etc… avant de démonter sa rentabilité, et aussi et surtout parce qu'un discours clair est vraisemblablement un signe de qualité de gestion  : si la direction de la société peut parler clairement à l'extérieur, c'est vraisemblablement parce qu'elle a les idées claires à l'intérieur aussi (on se rassure comme on peut).

Pas toujours évident de décrire une société

Si tant est que l'analyse financière servent à préparer la prise de décision d'investissement (ou de désinvestissement), l'analyste se doit de décrire de la façon la plus clinique possible la société qu'il étudie. On ne peut que commencer comme ça, pour descendre ensuite dans les détails, surtout ceux qui peuvent expliquer le pourquoi et le comment des résultats financiers. Ce qui n'est toutefois pas toujours évident selon le métier que la société exerce : on est de fait souvent plus à l'aise pour parler de chaînes de magasins et de ce qu'elles vendent, d'usines d'automobiles et de ce qu'elles fabriquent, etc… que de technologies logicielles et de services numériques divers et variés, voire de services tout court, bref de tout ce qui est plutôt immatériel et crée pourtant incontestablement aussi de la richesse dans nos belles économies développées.

Mais une société, quelle qu'elle soit, c'est en plus d'un métier toujours un chiffre d'affaires et un certain nombre d'employés, et on ne peut pas commencer une étude sans ces mentions obligatoires. D'autant qu'il n'est pas toujours inutile de se demander si la société a vraiment un métier, une question qu'il faut d'ailleurs assez souvent se poser quand on regarde les introductions en Bourse. Même s'il semble normal que de nouveaux métiers se créent, et que d'autres disparaissent : ce n'est finalement que de la destruction créatrice, comme le disait si bien M. Schumpeter en son temps.

Un bon exemple : Mersen, à la fois une vieille boutique industrielle…

Mersen fabrique du graphite, qui est une forme particulière de carbone, qui est tiré du charbon au travers de processus de fabrication complexes, et est un matériau qui est à la fois léger, flexible, malléable, doté d'une forte conductivité thermique et électrique, résistant à la chaleur, inerte chimiquement et non-toxique : nous sommes donc très loin de l'analyse financière, et c'est pourtant par là qu'il faut commencer, puisque le graphite est le métier de base de cette société, qui est une affaire industrielle d'histoire ancienne ayant opéré longtemps sous le nom (un peu plus poétique, mais tout est relatif) de Carbone Lorraine.

Et ces considérations ne nous dispensent absolument pas d'enchaîner la suite de la description : un chiffre d'affaires de 1 115 millions d'euros en 2022 avec 7 300 salariés, des implantations dans 34 pays, avec 52 sites de production et ateliers de proximité et 18 centres de R&D. Mersen ayant environ 36% de son chiffre d'affaires en Amérique du Nord, 32% en Europe et 29% en Asie. Voilà pour l'objet.

… et un acteur de la High Tech, de plus en plus

Mais on notera en descendant dans les détails que si les industries de procédés (chimie, métallurgie, verrerie, etc...) sont encore le premier secteur client du groupe (43% chiffre d'affaires, dont chimie 10%), et les transports, notamment le ferroviaire, ne sont pas non plus quantité négligeable (13% chiffre d'affaires), l'énergie, et surtout l'énergie renouvelable, est devenue un grand marché pour le groupe, soit 22% chiffre d'affaires, dont une grande partie dans le solaire et l'éolien, tout comme les fabricants de semiconducteurs, qui contribuent pour autant à présent.

De fait, Mersen opère des procédés industriels qui requièrent des savoir-faire très pointus a priori, qui peuvent aussi prendre un certain temps et semblent confiner à l'alchimie, et fabrique une très grande variété de produits utilisés par des industries très variées : la branche Matériaux Avancés produit non seulement des spécialités graphites pour la protections anti‐corrosion, les échangeurs de chaleur, les creusets, les revêtements de fours et autres feutres d'isolation, mais aussi des composants pour la transmission du courant en environnements industriels : balais et porte‐balais pour moteurs électriques, bandes de captage, bagues notamment, et la branche Electricité produit quant à elle des composants pour équipements de gestion de l'énergie : protection (fusibles industriels, parasurtenseurs) et conversion de puissance (refroidisseurs, barres d'interconnexion, condensateurs, composants pour batteries, etc..) avant tout. Tout cela allant de plus en plus, comme on peut s'en douter, dans les éoliennes, les panneaux solaires, les systèmes de batteries de véhicules électriques, et aussi les équipements pour fabriquer les nouveaux semi-conducteurs à base de Carbure de Silicium (le fameux SiC) qui servent aux dispositifs d'électronique de puissance et constituent les puces de base de la nouvelle mobilité. Ce qui n'est pas rien, et fait que Mersen, parce que la société maîtrise toute la filière et a la capacité de R&D de codévelopper des produit/solutions avec ses clients, devient un acteur plus que sérieux, à défaut d'être très gros dans l'absolu, de la très  fameuse transition énergétique.

De bonnes dispositions déjà dans les chiffres…

Pour les raisons citées plus haut, Mersen produit déjà de très bons chiffres, soit un très bon premier semestre 2023 qui fait suite à un excellent exercice 2022, à savoir une belle croissance du chiffre d'affaires : +18,3% pour les six premiers mois 2023 après +15% en organique sur 2022, et avec à chaque fois des gains de marge opérationnelle (le rapport Résultat Opérationnel Courant/Chiffre d'affaires, qui est à tout prendre plus parlant que la marge Ebitda/Chiffre d'affaires, pourtant très chic en principe), soit +0,8 point (ou +0,8% de mieux, ou +80 points de base pour les fins connaisseurs) en 2023 après +0,9 points en 2022.

Des gains obtenus pour de très bonnes raisons aussi : non seulement des effets volumes favorables, avec des capacités utilisées à plein, mais aussi la capacité à repasser dans les prix (+5% en moyenne), puisque Mersen travaille en symbiose ou presque avec ses clients, l'inflation des coûts : matières, énergie et salaires. Ceci alors que Mersen soigne son personnel, avec des primes et des augmentations exceptionnelles pour les plus bas salaires en 2022. Et supporte quelques surcoûts qui plus est, avec la montée en puissance de la nouvelle usine de Columbia aux USA, où la croissance est de +30% au premier semestre, et de celle de Gennevilliers qui commence à produire pour le grand partenariat avec Soitec dans le Carbure de Silicium, et aussi plus de R&D, comme il se doit.

… mais ce n'est (vraisemblablement) pas terminé (du tout)

Et ce n'est pas fini : la demande explose un peu avec l'accélération forte en Europe de la production de voitures électriques, qui requièrent beaucoup de composants d'électronique de puissance à base de SiC. Un marché sur lequel un client déjà ancien, Wolfspeed, semble idéalement positionné, et qui suscite la création de gigafactories de batteries. Mersen étant fortement impliqué dans celle de Douvrain, en cours de construction par un consortium : ACC mené par Stellantis, soit selon la direction de Mersen de gros volumes à livrer ces prochaines années.

Avec l'apport de ces nouveaux marchés qui doivent contribuer à terme pour 45% de l'activité, Mersen vise un chiffre d'affaires de 1,7 milliard d'euros en 2027, soit une croissance moyenne > +10% par an et presque un changement de dimension, pour une marge opérationnelle de 12% environ, soit un peu mieux que ces jours-ci. Le groupe va investir 300 millions d'euros de plus entre 2023 et 2025, après avoir déjà augmenté ses capex de +77% au premier semestre de cette année, pour développer les capacités de ses usines en graphite, en finition matériaux et en fusibles. Et accélérer éventuellement le mouvement avec un budget de 100 millions d'euros de petites acquisitions, dont deux au moins sont en cours de discussion.

On notera qu'avec une telle accélération, Mersen ne peut pas autofinancer complètement les investissements de ces prochaines années. Mais on peut noter aussi que le groupe est très raisonnablement endetté pour le moment avec un ratio Dette Nette/Fonds Propres (celui que l'actionnaire a intérêt à regarder mieux que le ratio Dette Nette/Ebitda, qui est plutôt pour les banquiers) de seulement 24% à fin juin, après avoir réalisé une petite augmentation de capital, soit 96 millions d'euros net, à un prix décent soit 28€ par titre. Opération qui a été largement suivie, comme on peut s'en douter, puisque l'histoire est plutôt excitante.

D'aucun diront que les histoires sont toujours excitantes, mais que la réalité est souvent ennuyeuse.
Mais pas celle-ci, a priori.

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6 commentaires

  • 08 novembre 03:12

    Belle présentation on est parti pour une belle période de croissance.
    Et sous évaluée de surcroît ce qui la rend encore plus intéressante.
    Une occasion à ne pas rater pour moi.


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