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Analyse: Trump semble remporter sa guerre commerciale, mais des obstacles demeurent
information fournie par Reuters 07/08/2025 à 14:35

Le président américain Donald Trump en réunion avec la présidente de la Commission européenne à Turnberry, en Écosse

Le président américain Donald Trump en réunion avec la présidente de la Commission européenne à Turnberry, en Écosse

par Andrea Shalal

Au premier abord, Donald Trump apparaît comme victorieux de la guerre commerciale mondiale qu'il a déclenchée depuis son retour à la Maison blanche en janvier dernier.

Le président américain a fait plier à sa volonté des partenaires commerciaux majeurs des Etats-Unis et imposé de vastes taxes douanières sur presque toutes les importations, réduisant le déficit commercial américain et engrangeant des dizaines de milliards de dollars par mois pour remplir les caisses de l'administration fédérale, qui en ont besoin.

Mais des interrogations et obstacles importants demeurent, concernant notamment le respect des promesses d'achats de produits américains et d'investissements aux Etats-Unis formulées par des partenaires commerciaux, ou encore les répercussions des droits de douane sur l'inflation, la demande et la croissance économique américaine.

En janvier, au jour de l'investiture de Donald Trump, le taux effectif des droits de douane américains se situait autour de 2,5%. Depuis lors, au fil des nouvelles taxes décidées par le président américain, il a grimpé à environ 17%-19%, selon un éventail d'estimations.

Ce taux devrait se rapprocher de 20%, soit un pic depuis un siècle, avec la nouvelle vague de taxes américaines dites "réciproques" entrant en vigueur jeudi sur les produits en provenance de dizaines de pays.

Les partenaires commerciaux des Etats-Unis se sont globalement abstenus de prendre des mesures de rétorsion, permettant à l'économie mondiale d'éviter une guerre commerciale encore plus intense.

Des données communiquées mardi montrent un repli de 16% du déficit commercial des Etats-Unis en juin, avec le plus faible déficit vis-à-vis de la Chine depuis plus de 21 ans.

"PRÉJUDICE ÉCONOMIQUE"

Si les consommateurs américains ont démontré plus de résilience qu'attendu, certaines données économiques récentes indiquent que les droits de douane ont déjà des répercussions sur le marché de l'emploi, la croissance et l'inflation.

"La question est, qu'est-ce que 'gagner' signifie ?", a déclaré Josh Lipsky, directeur des études économiques au centre de réflexion Atlantic Council, dont le siège est à Washington.

Donald Trump "relève les droits de douane pour le reste du monde et évite une guerre de représailles commerciales avec encore plus de facilité que même lui ne l'imaginait, mais la question est de connaître les effets sur l'économie américaine".

Aux yeux de Michael Strain, directeur des études de politique économique au think tank conservateur American Enterprise Institute, les victoires géopolitiques du chef de la Maison blanche pourraient s'avérer creuses.

"Du point de vue géopolitique, Trump obtient à l'évidence des tonnes de concessions de la part d'autres pays, mais du point de vue économique, il ne remporte pas la guerre commerciale", a-t-il dit.

"Ce que nous constatons, c'est qu'il est disposé à infliger davantage de préjudice économique aux Américains que d'autres pays ne sont disposés à le faire contre leurs nations. Et je vois cela comme perdre".

Kelly Ann Shaw, ancienne conseillère commerciale de la Maison blanche durant le premier mandat de Donald Trump, a dit penser que la solidité de l'économie et les pics des marchés financiers soutenaient "une stratégie de droits de douane plus agressive".

Il faudra toutefois du temps pour que les taxes douanières, mesures fiscales et autres politiques mises en place par Donald Trump portent leurs fruits.

"L'histoire jugera ces politiques", a déclaré celle qui est désormais membre du cabinet Akin Gump Strauss Hauer & Feld. "Mais, de mon vivant, il est le premier président à apporter des changements majeurs au système commercial mondial".

INDE ET BRÉSIL DANS LE COLLIMATEUR

La Maison blanche a scellé jusqu'à présent huit accords-cadre, avec l'Union européenne, le Japon, le Royaume-Uni, la Corée du Sud, le Vietnam, l'Indonésie, le Pakistan et les Philippines, fixant des droits de douane allant de 10% à 20% sur leurs produits importés aux Etats-Unis.

C'est nettement moins que la promesse de "90 accords en 90 jours" répétée par des représentants de l'administration Trump en avril, mais ces pactes représentent au total environ 40% des flux commerciaux des Etats-Unis. En y ajoutant la Chine, visée actuellement par des droits de douane de 30% et qui devrait obtenir un nouveau sursis pour éviter ce mois-ci des taxes plus élevées, ce pourcentage grimpe à près de 54%.

La politique commerciale de Donald Trump est restée dans l'ensemble imprévisible, malgré les accords obtenus.

Il a accentué mercredi la pression sur l'Inde, multipliant par deux - pour les porter à 50% - les nouveaux droits de douane devant viser ses produits, reprochant au pays d'importer du pétrole russe.

Le président américain a aussi annoncé que des taxes douanières de 50% seront prélevées sur les importations en provenance du Brésil, après s'être plaint du procès visant l'ancien président brésilien Jair Bolsonaro, un allié.

Ryan Majerus, avocat spécialiste du commerce qui a travaillé à la fois pour l'administration Trump, lors du premier mandat du républicain, et pour l'administration de l'ancien président démocrate Joe Biden, a déclaré que les annonces effectuées jusqu'à présent ne répondaient pas aux "questions commerciales ancrées politiquement et de longue date" qui dérangent les décideurs de Washington depuis des décennies.

Y parvenir prendrait probablement "des mois, sinon des années", a-t-il dit.

Il a par ailleurs noté l'absence de mécanisme spécifique de vérification des investissements massifs annoncés aux Etats-Unis, dont 550 milliards de dollars promis par le Japon et 600 milliards de dollars promis par l'UE.

"JAMAIS TESTÉ"

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a été critiquée dans le bloc communautaire pour avoir scellé avec Donald Trump, lors d'une rencontre de dernière minute en Ecosse fin juillet, un accord prévoyant des droits de douane américains de 15% sur les produits européens, sans obtenir de réelles concessions en retour.

A Paris, le gouvernement a jugé "déséquilibré" l'accord entre Washington et Bruxelles, le Premier ministre François Bayrou déplorant même une "soumission". Le président Emmanuel Macron a déploré que l'Europe n'a "pas été assez crainte".

Des experts européens ont mis en avant le fait que la décision d'Ursula von der Leyen a permis d'éviter des droits de douane plus importants, alors que Donald Trump avait menacé de les porter à 30%, et de calmer les tensions avec le président américain, écartant le spectre de taxes élevées sur le secteur automobile.

La promesse par la Commission européenne d'achats de produits stratégiques américains, pour 750 milliards de dollars, et d'investissements aux Etats-Unis, à hauteur de 600 milliards de dollars, a principalement une valeur symbolique. Mais des experts et des analystes ont noté qu'il appartiendra individuellement aux pays et aux entreprises de l'UE de répondre à ces engagements.

Washington a souligné que Donald Trump pourrait à nouveau relever les droits de douane s'il venait à penser que l'UE, le Japon ou d'autres pays ne respectaient pas leurs engagements. Un flou demeure sur la manière dont cela pourrait être appliqué.

Le passé invite ainsi à la prudence. La Chine, avec une économie financée par l'Etat, n'a jamais rempli les modestes promesses d'achats de produits américains effectuées dans le cadre de l'accord commercial dit de Phase 1 signé avec l'administration de Donald Trump lors du premier mandat de celui-ci. Il s'est par la suite avéré difficile pour l'administration Biden de demander des comptes à Pékin.

"Tout cela n'a jamais été testé. Il appartient à l'UE, au Japon, à la Corée du Sud de déterminer les modalités de mises en oeuvre", a déclaré Kelly Ann Shaw. "Ce ne sont pas seulement des achats gouvernementaux. Il faut motiver le secteur privé à effectuer des investissements, ou soutenir des prêts, ou se procurer certaines commodités".

(Reportage Andrea Shalal, avec la contribution d'Ardee Napolitano à Paris, Clotaire Achi et Michaela Cabrera à Urville, Stephane Nitzschke, Andreas Kranz et Swantje Stein en Allemagne; version française Jean Terzian, édité par Kate Entringer)

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