Article paru dans Challenges :
La riposte judiciaire de Casino aux attaques d'une avocate
Par Delphine Dechaux (Lire tous ses articles)
Publié le 22.11.2018 à 17h41
Sophie Vermeille, l'avocate qui s'en est prise à la communication financière et aux structures de contrôle du groupe Casino, fait aujourd'hui face à de multiples procédures en justice. Le point sur la riposte judiciaire de Jean-Charles Naouri.
Le PDG de Casino, Jean-Charles Naouri a lancé au moins trois procédures judiciaires contre une avocate Sophie Vermeille qui avait alerté les autorités financières sur les méthodes de l'actionnaire de ce groupe de distribution.
(c) Sipa
En octobre, l'avocate Sophie Vermeille a multiplié les accusations contre Jean-Charles Naouri et la façon dont il contrôle, via une cascade de holdings, le géant de la distribution Casino. Aujourd'hui, elle doit à son tour se défendre : elle est l'objet de multiples procédures contre elle par les sociétés Casino et Rallye.
Petit rappel des faits. Avocate indépendante, rattachée à aucun grand cabinet, Sophie Vermeille a accepté le 3 octobre un premier mandat que lui confiait un fonds d'investissement ayant parié sur la baisse de l'action Rallye selon le principe de la vente à découvert. Militant depuis des années pour une réforme du droit des faillites et convaincue à titre personnel que les intérêts de Jean-Claude Naouri sont contraires à celui du groupe de distribution Casino, elle s'est lancée dans une campagne auprès des autorités publiques.
Le 15 octobre, elle s'est adressée à l'Autorité des marchés financiers, "en qualité de conseil d'un certain nombre d'investisseurs ayant des positions à découvert " pour dénoncer un défaut de protection des petits investisseurs et lui demander d'intervenir. Le même jour, elle a écrit au Haut Conseil du Commissariat aux comptes (H3C), le gendarme des commissaires aux comptes, pour lui signaler des changements de méthodes comptables opérés discrètement au fil des années par Rallye dans sa communication financière.
Le 30 octobre, elle s'est adressée aux administrateurs pour dénoncer les dividendes " exorbitants " versés par Casino à sa maison mère Rallye et récuser le principe d'un " acompte sur dividendes ". Enfin, elle a envoyé un courrier - repris par le quotidien financier l'Agefi - au Parquet national financier, dans lequel elle livre des éléments sur " la rémunération de Jean-Charles Naouri ainsi que sa famille rapprochée ", qu'elle chiffre à environ 80 millions d'euros sur 10 ans.
Jean-Charles Naouri sort l'artillerie lourde
La riposte du patron de Casino ne s'est pas fait attendre. Sortant l'artillerie lourde, il a lancé de multiples procédures, dont trois peuvent être rendues publiques.
La première est la plainte contre X pour " manipulation de cours, diffusion d'informations fausses ou trompeuses et délit d'initiés ". A ce jour, elle n'a pas été convoquée mais devrait être entendue dans le cadre de cette procédure pénale.
La deuxième plainte est plus originale : alors même que l'affaire oppose un groupe français à une avocate établie à Paris, Casino a obtenu le rattachement de l'affaire à une instance anglaise. Le cabinet Hill Smith et Freehills attaque Sophie Vermeille dans le cadre d'une pré-action contentieuse pour " diffamation " au Royaume-Uni. Il s'appuie, pour ce faire, sur des messages diffusés par l'avocate sur les réseaux sociaux et sur une intervention donnée à titre gracieux et hors cadre de son mandat d'avocate lors d'une conférence organisée par la société de recherche Berstein à Londres. Son intervention décidée avant le début de l'affaire Rallye Casino portait sur ses travaux de recherches autour du droit des faillites et des sociétés appliquées au cas Rallye Casino.
Troisième dossier, Sophie Vermeille doit comparaître devant le Tribunal de grande instance dans le cadre d'une procédure en référé visant à interdire à Sophie Vermeille " d'utiliser et d'exploiter les noms de domaine rallyecasino.com et rallyecasino-info.com ou tout nom de domaine qui reproduirait les termes Casino et Rallye ". Celle-ci avait en effet créé un site internet à cette adresse pour y diffuser l'ensemble des documents qu'elle avait envoyés dans cette affaire. Elle précisait dès la page d'accueil qu'elle était l'auteur de ces informations et agissait pour le compte de ses clients. Pour éteindre l'incendie, l'avocate a fermé le site internet mercredi 20 novembre. Elle entend aujourd'hui démontrer à la justice que ses analyses sont objectives et fondées sur des données publiques vérifiables.