Orange saute le pas. Après ses concurrents Altice, Bouygues Telecom et Free, c'est au tour de l'opérateur historique de faire entrer des investisseurs au capital de sa « FiberCo » (une filiale ad hoc hébergeant certains de ses réseaux fibres). La création de cette structure, baptisée Orange Concessions, avait été annoncée il y a un an, à l'occasion de la présentation du plan stratégique de l'opérateur « Engage 2025 » .
Lors du conseil d'administration du groupe vendredi soir, Orange a validé l'entrée au capital d'un consortium mené par la Caisse des Dépôts et Consignations, avec CNP Assurances et EDF Invest, qui prennent une participation de 50 % dans la filiale, valorisée 2,675 milliards d'euros à l'occasion de la transaction. Ils en détiendront ainsi le co-contrôle, même si Orange s'est ménagé une option de reconsolidation à terme.
La Caisse des Dépôts, grand argentier de la fibre en zone rurale
Un partenariat offensif
Orange Concessions hérite des 4,5 millions de lignes de fibre optique que l'opérateur doit déployer et opérer pour le compte de collectivités locales dans les campagnes françaises - dont plus d'un million en Bretagne, mais aussi près de 600.000 en Nouvelle-Aquitaine ou encore plus de 350.000 en Pays de la Loire comme en Occitanie. L'essentiel de ce chantier est devant l'opérateur, qui a tenu les calendriers en 2020 malgré le confinement, mais n'a pour l'instant déployé qu'un quart de ces lignes rurales.
Fibre optique : pourquoi les inégalités entre départements sont criantes
« C'est une alliance importante entre le principal opérateur qui déploie et opère la fibre sur le territoire - Orange - et le principal partenaire financier des collectivités - la Caisse des dépôts, s'est réjoui Stéphane Richard, le PDG d'Orange. Ce partenariat industriel et financier a un caractère offensif. Nous avons l'espoir de gagner d'autres contrats. Et comme ce marché des RIP [réseaux d'initiative publique, NDLR] ne restera sans doute pas figé pour l'éternité, nous serons attentifs aux opportunités d'acquisition. »
600 euros la ligne
Les réseaux ruraux représentent 40 % des 40 millions de foyers tricolores à qui les opérateurs télécoms doivent apporter la fibre optique. Outre Orange et SFR, d'autres acteurs comme Altitude, Axione ou TDF ont aussi décroché des contrats avec les collectivités. Tous veulent une part des 3 millions de lignes qui restent à attribuer, et pour lesquelles l'Etat vient de répartir un demi-milliard d'euros de subventions supplémentaires .
Les réseaux de fibre - y compris en zone rurale - attirent les investisseurs. L'investissement est conséquent mais sûr et de long terme. En valorisant ses 4,5 millions de lignes environ 600 euros l'unité, Orange profite de cet engouement. L'opérateur fait encore mieux que Covage - un autre acteur du secteur qui a vendu ses 2,2 millions de lignes pour un milliard d'euros à SFR - soit environ 450 euros la ligne. « Il y a une inflation dans la valorisation de ces actifs. Et les réseaux d'Orange sont plus homogènes et de meilleure qualité que ceux de Covage », explique Stéphane Richard.
Redorer le cours de Bourse
Le patron espère aussi qu'en montrant la valeur considérable de ces réseaux, les investisseurs changeront de regard sur le groupe. « Quand je vois le cours d'Orange à 9,60 euros, le décalage est flagrant entre notre valorisation boursière et la valeur des actifs que nous détenons », martèle Stéphane Richard. Pour enfoncer le clou, le patron donnera prochainement des précisions sur deux autres projets du même ordre : l'ouverture du capital de ses tours mobiles en France et en Espagne, et celle de son réseau de fibre optique en Pologne.
Grâce au cash que l'opération avec la Caisse des dépôts va faire rentrer dans ses caisses, Orange calcule en outre que son ratio d'endettement (dette nette/EbitdaaL) diminuera de 0,12 point. L'opérateur - qui affiche déjà l'un des ratios les plus bas du secteur, autour de 2 - dispose ainsi de confortables marges de manoeuvre pour « saisir les opportunités de la crise » , comme le disait Stéphane Richard aux « Echos » en juin. « On est ouverts pour accélérer sur la convergence en Europe. En Belgique, nous sommes toujours intéressés par le câblo-opérateur Voo , qui doit revenir sur le marché au printemps, détaille Stéphane Richard. Et l'Afrique est une terre d'opportunités. »