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Trump et l’illusion de la fin du conflit
Lorsque Donald Trump a ordonné les frappes sur les installations nucléaires iraniennes, il était animé d’une conviction : un coup de boutoir précis suffirait à éteindre les braises d’une guerre larvée et à briser ce qu’il percevait comme le réseau terroriste d’un État voyou. Cette vision, aussi vigoureuse soit-elle, témoigne d’une méprise profonde : évaluer l’Iran selon la grille d’un acteur rationnel et pragmatique conduit immanquablement à l’échec. La République islamique n’est pas qu’un simple joueur géostratégique, mais une théocratie guidée par des dogmes révolutionnaires immuables.
L’« Axe de la Résistance » : idéologie et légitimité
La révolution de 1979 a cristallisé l’anti-impérialisme iranien autour d’un ennemi désigné, Israël, qualifié de « Petit Satan ». Ce marqueur a nourri l’identité révolutionnaire et structuré la diplomatie de Téhéran. À travers le Hezbollah, le Hamas et diverses milices chiites, l’Iran tisse une « ceinture de sécurité » frontalière, tout en affirmant son rôle de « champion » des opprimés. En interne, cette posture catalyse un sursaut de légitimité : le soutien inconditionnel à la cause palestinienne renforce le pouvoir central et légitime l’hostilité à l’égard des États-Unis et de leurs alliés.
Sunnites pragmatiques vs. chiites confrontants
Si l’Iran brandit la lutte contre Israël comme étendard, plusieurs monarchies sunnites ont choisi la normalization. Les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan ont troqué la rupture diplomatique contre l’accès à la technologie, aux échanges commerciaux et à l’appui sécuritaire américain. Pour ces régimes, l’Iran demeure la menace première et l’ouverture à Tel-Aviv apparaît comme un rempart plus efficace qu’un boycott hypothétique. Néanmoins, la rue sunnite ne s’y résout pas : Qatar, Egypte et Jordanie entretiennent des relations compliquées, oscillant entre accords officiels et critiques publiques virulentes.
Les nouvelles Routes de la soie : un corridor stratégique
L’achèvement, en 2016, du corridor ferroviaire Chine–Kazakhstan–Turkménistan–Iran a marqué un tournant géoeconomique. À l’heure où la menace de fermeture du détroit d’Ormuz plane, Pékin et Téhéran disposent d’une voie terrestre de substitution pour leurs échanges. Cette liaison, fleuron des nouvelles Routes de la soie, offre à l’Iran un bouclier face aux sanctions, et à la Chine un accès sécurisé aux ressources énergétiques et agricoles du Moyen-Orient, réduisant sa dépendance aux détroits maritimes vulnérables.
Fractures et convergences géopolitiques
En jouant la carte de l’Axe de la Résistance, l’Iran espère déstabiliser ses voisins sunnites, déjà fragilisés par la montée du ressentiment populaire contre la normalisation. Les Houthis, relais yéménites, harcèlent le trafic passant par le Canal de Suez, tandis que Téhéran menace d’obstruer le Golfe arabo-persique. À cela s’ajoutent les sanctions draconiennes de Washington, qui, loin de briser l’économie iranienne, poussent Téhéran dans les bras de Pékin et Moscou, confortant un alignement Sino–Iranien destiné à contrebalancer la puissance américaine.
Le piège de Thucydide revisité
À l’instar de Sparte s’inquiétant de la montée en puissance d’Athènes, les États-Unis se retrouvent en tension croissante avec des rivaux qui réclament reconnaissance et influence. Ce « piège » historique, où la crainte de déclencher une conflagration précède les intérêts de paix, s’est mué en prophétie auto-réalisatrice. Les frappes de Trump sur Fordow et Natanz, loin de tarir les ambitions nucléaires, risquent d’attiser la détermination de Téhéran, à l’image de l’attaque thébaine sur Platées qui embrasa la Grèce antique.
Les conséquences imprévues et le spectre d’une guerre élargie
Présumer que l’Iran pliera sous le choc d’une seule action militaire, c’est ignorer la nature même du régime ; il n’abdiquera pas. Les représailles pourraient prendre la forme d’attaques asymétriques, de blocages de détroits ou de sabotage économique. En parallèle, l’instabilité pourrait gagner les États sunnites modérés, dont les opinions publiques, hostiles à la normalisation, trouveraient là une raison de s’insurger.
Conclusion : la fin d’un cycle ou le prélude à d’autres conflits ?
L’illusion d’une « frappe décisive » se brise sur la réalité d’une théocratie indomptable et d’un échiquier régional en recomposition. L’Iran ne se rendra pas, l’« Axe de la Résistance » se renforcera, et les rivalités sino-américaines pourraient bien basculer le monde dans un nouvel âge de turbulence. Comme le rappelait Herodote, « La guerre ne finit jamais comme on l’attendait » ; à travers les siècles, cette leçon résonne encore, plus tragique et plus urgente que jamais.
Bien à vous