Les "médicaments" douaniers de Trump secouent les marchés mondiaux
Le président américain Donald Trump a prévenu les gouvernements étrangers qu'il leur faudrait verser "beaucoup d'argent" pour lever les vastes droits de douane décidés par Washington, décrivant ces taxes comme un "médicament" et provoquant de terribles répercussions sur les marchés financiers mondiaux.
Les marchés asiatiques ont subi lundi de lourdes pertes en début de séance, tandis que les futurs sur indices à New York ont ouvert en net repli, alors que les investisseurs craignent que la politique commerciale de Donald Trump déclenche une flambée des prix, nuise à la demande, pèse sur le moral et, au bout du compte, provoque une possible récession mondiale.
S'exprimant dimanche auprès de journalistes, Donald Trump a dit ne pas être préoccupé par le plongeon des marchés financiers à travers le monde, avec des billions de dollars de pertes en termes de valorisation.
"Je ne veux pas que quoi que ce soit plonge. Mais parfois vous devez prendre des médicaments pour corriger quelque chose", a-t-il dit à bord de l'avion présidentiel Air Force One le ramenant à Washington après un week-end de golf en Floride.
Le président américain a fait savoir qu'il s'était entretenu au cours du week-end avec des dirigeants d'Europe et d'Asie, lesquels espèrent convaincre le chef de la Maison blanche de revoir les taxes dites "réciproques", allant jusqu'à 50%, qui doivent entrer en vigueur mercredi.
"Ils viennent à la table. Ils veulent discuter, mais il n'y aura pas de discussion à moins qu'ils ne nous paient beaucoup d'argent sur une base annuelle", a déclaré Donald Trump.
Son annonce, mercredi dernier depuis le jardin de la Maison blanche, a secoué les économies à travers le monde, provoqué des mesures de rétorsion de la part de la Chine et exacerbé les craintes d'une guerre commerciale et d'une récession mondiales.
Investisseurs et dirigeants politiques peinent à déterminer si les droits de douane décidés par Donald Trump vont durer ou s'il s'agit d'une stratégie adoptée par le président américain pour obtenir des concessions auprès des autres pays.
De hauts conseillers économiques de Donald Trump, invités dimanche d'émissions matinales de chaînes de télévision américaines, ont présenté les droits de douane comme un repositionnement avisé des Etats-Unis dans l'ordre commercial mondial.
Plus de 50 pays ont entamé des négociations avec Washington depuis l'annonce du président américain mercredi, a déclaré le secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent, tandis que le secrétaire au Commerce, Howard Lutnick, a souligné que ces taxes resteraient en vigueur "pour des jours et des semaines".
Le Japon, l'un des principaux alliés des Etats-Unis en Asie, fait partie des pays espérant pouvoir sceller un accord sous une forme ou une autre avec Washington. Le Premier ministre japonais Shigeru Ishiba a toutefois prévenu lundi que des résultats ne viendraient "pas du jour au lendemain".
Pour leur part, les investisseurs n'ont pas attendu.
Alors que le dirigeant japonais s'exprimait devant le Parlement, le Nikkei a reculé à un plus bas depuis octobre 2023, sous l'effet du repli des titres bancaires qui ont perdu près d'un quart de leur valeur de marché au cours des trois dernières séances.
Certains misent par ailleurs sur le fait que le risque accru de récession puisse pousser la Réserve fédérale américaine (Fed) à réduire ses taux d'intérêt dès le mois de mai.
Le conseiller économique de la Maison blanche, Kevin Hassett, a cherché à écarter les préoccupations selon lesquelles les droits de douane s'inscrivaient dans le cadre d'une stratégie destinée à faire pression sur la Fed pour qu'elle baisse les taux, déclarant que la banque centrale américaine ne subirait aucune "coercition politique".
Les économistes de JPMorgan s'attendent désormais à que les taxes douanières provoquent un déclin de 0,3% du produit intérieur brut (PIB) annuel des Etats-Unis, contre une prévision préalable de +1,3%. Ils anticipent aussi une hausse du taux de chômage à 5,3% contre 4,2%.
Le milliardaire Bill Ackman, qui avait apporté son soutien à la candidature de Donald Trump pour l'élection présidentielle américaine de novembre dernier, a déclaré dimanche que Trump perdait la confiance des dirigeants d'entreprises, prévenant d'un "hiver nucléaire économique" si le chef de la Maison blanche ne suspendait pas cette guerre commerciale.
Depuis samedi, les services douaniers américains prélèvent des taxes de 10% - le seuil minimal fixé mercredi par Donald Trump - sur les importations de nombreux pays. Les droits de douane réciproques, allant de 11% à 50% en fonction des pays, doivent entrer en vigueur mercredi à 04h01 GMT.
Plusieurs gouvernements ont exprimé leur souhait de dialoguer avec les Etats-Unis pour éviter ce couperet.
A Taiwan, le président Lai Ching-Te a écarté dimanche toute mesure de rétorsion, proposant comme base de négociation la levée des barrières commerciales et des investissements accrus de la part des entreprises taïwanaises aux Etats-Unis.
Pour sa part, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, attendu lundi pour une réunion à la Maison blanche, a fait savoir qu'il chercherait à obtenir de Donald Trump un sursis concernant les droits de douane de 17% devant viser les produits importés aux Etats-Unis.
En Inde, un représentant gouvernemental a déclaré à Reuters que le pays n'envisageait pas de répondre aux taxes de 26% fixées par Washington et que des discussions sur un potentiel accord étaient en cours.
Le président vietnamien To Lam est convenu lors d'un entretien téléphonique avec Donald Trump vendredi d'ouvrir des négociations sur une levée des droits de douane, alors que le Vietnam, pôle manufacturier d'Asie du Sud-Est, a été frappé par l'une des mesures les plus sévères. Le président américain a décrit cette discussion téléphonique comme "très productive".