par Nina Chestney
La Russie et l'Ukraine se sont mutuellement accusées mercredi de bombardements contre des infrastructures et des cibles civiles, quelques heures seulement après que Vladimir Poutine a déclaré à Donald Trump qu'il suspendrait ses attaques contre les installations énergétiques ukrainiennes.
Lors d'un entretien téléphonique avec Donald Trump, mardi, le président russe est convenu de cesser temporairement ses attaques contre ces installations mais a refusé d'approuver le cessez-le-feu total de 30 jours demandé par son homologue américain et déjà accepté par l'Ukraine.
Les infrastructures énergétiques ukrainiennes sont les cibles d'attaques à grande échelle depuis l'invasion lancée par la Russie en 2022. L'Ukraine a riposté en lançant des attaques de drones contre les raffineries de pétrole, les stations de pompage et les ports russes utilisés pour les exportations de pétrole et de gaz.
Voici les grands enjeux liés aux infrastructures énergétiques ukrainiennes et russes :
LES CENTRALES ÉLECTRIQUES UKRAINIENNES
Zaporijjia, plus grande centrale nucléaire d'Europe avec six unités de 1 gigawatt chacune, est contrôlée par les troupes russes depuis mars 2022.
Elle a été arrêtée en septembre 2022 en raison des hostilités, mais ses unités restent alimentées en électricité par l'Ukraine.
La société publique ukrainienne Energoatom a déclaré qu'elle ne connaissait pas l'état réel des équipements du site et a prévenu que l'occupation russe pourrait entraîner une catastrophe.
Zaporijjia a perdu l'accès au réservoir d'eau de Kakhovka pour refroidir ses réacteurs en 2023 après l'explosion d'une centrale hydroélectrique. Elle utilise depuis l'eau de son bassin de refroidissement, dont le niveau baisse.
Selon des estimations d'ingénieurs, le manque d'eau empêche le démarrage de plus de deux réacteurs nucléaires et il faudrait au moins un an pour relancer les opérations, l'état technique de la centrale demeurant inconnu.
L'Ukraine a également perdu des capacités de production de centrales au gaz, au charbon et hydroélectriques, tandis que plusieurs de ses grandes installations de cogénération ont été endommagées ou détruites.
LE RÉSEAU DE TRANSPORT DE GAZ
Le système de transport de gaz de l'Ukraine s'étend sur environ 1.000 km, d'est en ouest. Il a été construit pour acheminer le gaz des gisements russes de Sibérie vers les consommateurs européens.
Le système a une capacité de transport de 140 milliards de mètres cubes (mmc) de gaz par an, représentant environ un tiers de la demande européenne.
Les volumes ont cependant diminué au cours des dernières décennies et en 2024, dernière année d'exploitation dans le cadre d'un accord de transit entre l'Ukraine et la Russie, seuls 14 milliards de mmc de gaz russe ont été transportés.
L'Ukraine ne souhaitait pas prolonger cet accord de transit afin de priver la Russie de revenus d'exportation. Le système est toujours utilisé pour transporter le gaz à l'intérieur de l'Ukraine et des pays tels que la Slovaquie et la Hongrie ont appelé à la reprise des livraisons russes.
Les forces spéciales de Moscou ont utilisé récemment le gazoduc pour se déplacer dans la région russe de Koursk et chasser les forces ukrainiennes qui occupent une partie du territoire depuis août dernier.
LE STOCKAGE DE GAZ
La plupart des plus grandes installations de stockage souterrain de gaz d'Europe, avec une capacité supérieure à 30 mmc, sont situées dans l'ouest de l'Ukraine.
Kyiv a proposé à plusieurs reprises aux entreprises européennes et américaines d'utiliser un tiers de ses installations pour stocker leur gaz.
En 2023, environ 3 mmc de gaz "non résident" ont été stockés dans les installations ukrainiennes, mais le volume est tombé à presque zéro en 2024 après que la Russie a intensifié ses attaques contre les infrastructures.
Ces installations focalisent l'attention depuis le retour au pouvoir de Donald Trump, notamment pour stocker du gaz naturel liquéfié (GNL) américain.
Mardi, l'Ukraine a acheté 100 mmc de GNL américain dans le cadre d'un accord entre la société publique Naftogaz et l'entreprise polonaise Orlen PKN.WA .
Kyiv ne disposant pas de terminaux d'importation directe de GNL, celui-ci doit être regazéifié par des partenaires puis transporté à travers les gazoducs de l'UE vers le réseau ukrainien.
LES INFRASTRUCTURES PÉTROLIÈRES RUSSES
Les attaques de drones ukrainiens visant les raffineries ainsi que les dépôts de pétrole et les sites industriels russes se sont multipliées depuis janvier.
Ces attaques ont mis hors d'usage environ 10% la capacité de raffinage russe pendant certaines semaines de février lorsque les sites ont été les plus durement touchés, selon les calculs de Reuters basés sur des données d'analystes.
Selon les traders, l'Ukraine a également attaqué des stockages de pétrole russes ainsi que des oléoducs et des stations de pompage, perturbant les flux vers les ports d'exportation et les raffineries.
Les récentes attaques de drones ukrainiennes ont en outre perturbé les flux transitant par l'oléoduc Droujba, qui achemine toujours du pétrole russe vers la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque, ainsi que ceux passant par le principal terminal pétrolier russe situé dans le port d'Oust-Louga.
Les dégâts infligés aux infrastructures russes d'exportation de pétrole sont susceptibles de réduire les recettes de Moscou provenant des ventes d'énergie.
Une attaque de drones ukrainienne a également endommagé en février une station de pompage de l'oléoduc Caspian CPC, dans le sud de la Russie, principale voie d'acheminement du pétrole du Kazakhstan, qui est également expédié par des entreprises américaines et européennes.
(Reportage de Nina Chestney à Londres, Pavel Polityuk à Kyiv et reporters de Reuters à Moscou, version française Benjamin Mallet, édité par Kate Entringer)
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