Aller au contenu principal Activer le contraste adaptéDésactiver le contraste adapté
Plus de 40 000 produits accessibles à 0€ de frais de courtage
Découvrir Boursomarkets
Fermer

REPORTAGE-Soirée studieuse pour le "grand débat" au pays des mines de Lorraine
information fournie par Reuters 21/01/2019 à 13:57

    * Des débats constructifs et apaisés
    * "Il vaut mieux débattre que se battre", dit le maire
    * "On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre"

    par Gilbert Reilhac
    SARRALBE, Moselle, 21 janvier (Reuters) - Aide à tous les
petits salaires ou prise en compte du revenu fiscal ? Démocratie
représentative ou pouvoir de la rue ? Prime à la casse ou
transports en commun ? Loin de la violence de la rue, le premier
grand débat organisé en Moselle, à Sarralbe, a confronté
sereinement les points de vue pendant quatre heures.
    Dès 19 heures, vendredi dernier, les cinquante participants,
venus de trente kilomètres à la ronde, sont prêts à débattre sur
les gradins de la "Salle culturelle". L’assemblée est constituée
pour moitié de retraités, mais aussi de quelques jeunes adultes
et d’une dizaine de "Gilets jaunes", dont quatre en "tenue".
   Face aux débatteurs, Pierre-Jean Didiot, maire de Sarralbe et
organisateur, lit la charte du grand débat et juge, en réponse à
une question de Reuters sur les rangs clairsemés du public, que
"ce n’est pas trop mal pour une réunion de travail".
    "Je suis de ceux qui pensent qu’il vaut mieux débattre que
se battre", ajoute ce cadre de l’industrie pharmaceutique qui se
revendique sans étiquette, mais a été élu, en 2014, sur une
liste divers gauche et a fondé, en 2016, un comité "En marche".
    "Mais attention, poursuit-il, si le gouvernement cherche
juste à gagner du temps et s’il n’y a pas une écoute derrière,
ça va revenir avec un mécontentement multiplié par deux."
    A Sarralbe, ville de 4.700 habitants, Marine Le Pen est
arrivée en tête aux deux tours de la présidentielle de 2017 et
réalise d’une manière générale de très bons scores dans cette
Moselle Est des anciennes mines de charbon – et de sel
s’agissant de Sarralbe – où les industries de reconversion ne
compensent pas encore les emplois perdus.
    Le mouvement des "Gilets jaunes" y est lui aussi bien ancré.
    
    LES MINEURS DE MONGOLIE MEURENT POUR LA VOITURE ÉLECTRIQUE
    Quelques secondes suffisent pour lancer le débat. Un
retraité dénonce pêle-mêle la CSG qui pèse sur les petites
retraites, si le revenu fiscal est suffisamment élevé, les
étrangers qui peuvent toucher le minimum vieillesse "sans avoir
cotisé" (à condition d’être titulaire depuis dix ans d’un titre
de séjour autorisant à travailler, ce qu’il ne précise pas) et
le niveau des retraites qui ne suit pas le coût de la vie.
    "Moi, des propositions, j’en fais pas parce que si on a des
gens intelligents en face de nous, les propositions coulent
d’elles-mêmes", conclut-il.
    Josette, jeune retraitée qui dit toucher 500 euros par mois
et être soumise à la CSG du fait du salaire de son mari,
conteste la prime à la casse qui ne sert qu’à "acheter des
véhicules inutiles" car polluants et propose d’utiliser l’argent
pour augmenter l’offre de transports en communs.
    Un homme d’un certain âge regrette qu’on envoie en Afrique
les véhicules diesel réformés comme si "les Africains étaient
moins sensibles à la pollution que nous". Il conteste que la
voiture électrique puisse être qualifiée de propre quand, en
Mongolie, des mineurs "meurent du cancer" pour extraire les
minerais nécessaires aux batteries.
    Un autre ne comprend pas qu’on pense à interdire le
glyphosate en France tout en important "des fraises cultivées
avec du glyphosate qui viennent d’Espagne". "Il faut une
solution européenne", dit-il.
    "Pourquoi ne pas taxer le fioul lourd des porte-conteneurs
qui tournent 24 heures sur 24 plutôt que l’essence à la pompe ?"
suggère quelqu’un.
    Un retraité recentre le débat sur "le problème numéro 1 des
Gilets jaunes (…), le pouvoir d’achat". Augmenter de façon
"substantielle" les bas salaires serait, selon lui, la clé du
problème de désindustrialisation de la France.
    "On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre,
acheter des espadrilles à 10 euros et avoir encore des usines de
chaussures en France", dit-il, en soulignant que la production
dans les pays à bas coûts "remplit les poches des gros bonnets".
    
    LE RIC, DANGER POUR LA DÉMOCRATIE ?
    Le débat vient sur la démocratie et le référendum
d’initiative populaire, "la meilleure solution" pour l’un, "un
danger pour la démocratie", selon l’autre.
    "Moi, la démocratie me fait peur", affirme un homme se
présentant comme ingénieur au RSA. "Les avantages acquis l’ont
été dans la rue", poursuit-il en contestant le système
parlementaire et le rôle des journalistes.
    Il est repris sur ce point par Pierre-Jean Didiot pour qui
la liberté d’expression est "une pépite" dans notre pays. Le
maire sortira encore de sa neutralité après des critiques
parfois émises sur une intervention ou pour stopper une diatribe
relative aux étrangers "hors sujet".
    La discussion n’échappe pas aux fausses nouvelles ni aux
théories du complot. Des accords européens interdiraient aux
agriculteurs français de produire des tourteaux de soja ; le
moteur à air comprimé "fonctionnait très bien mais les lobbies
ont fait en sorte que ce soit étouffé", affirme Josette,
rejointe par un autre participant qui défend le moteur à eau.
    "Attention aux ‘fake news’", les reprend un retraité qui a
"travaillé dans l’industrie" et explique pourquoi ces deux
inventions n’ont, jusqu’à présent, pas prospéré.
    Quand Christian, un ingénieur dans l’industrie, habitant à
Sarralbe, dénonce les "déserts médicaux et la perte des
commerces de proximité" dans les petites villes, l’ingénieur au
RSA y voit la main de ceux qui "ont de l’argent et le placent
dans l’immobilier".
    "Ils ont tout intérêt à pousser les gens vers les villes et
à appauvrir les campagnes", dit-il, vite contredit par un autre
débatteur qui impute la hausse des loyers aux effets pervers des
Aides personnalisées au logement.
    A 21 heures, le débat s’achève sans qu’aucun des
participants n’ait quitté la salle et sans polémique entre des
points de vue émanant de bords politiques opposés.
    Ils seront une trentaine à rester pour la seconde partie qui
consiste à se réunir autour de deux tables pour trouver des
consensus et remplir les questionnaires relatifs à deux des
quatre thèmes du grand débat : fiscalité et dépenses publiques,
démocratie et citoyenneté.
    
    PIZZAS POUR SOIRÉE TARDIVE
    Des parts de pizzas et quelques boissons commandées par le
maire viennent entretenir les discussions qui se poursuivent
jusqu’à 23 heures pour une table quand l’autre n’a toujours pas
fini.
    Un prochain débat permettra d’aborder les deux autres thèmes
: la transition écologique et l’organisation de l’Etat.
    Certains des participants les plus actifs interrogés par
Reuters ne cachent pourtant pas leur scepticisme.
    "Quand on méprise autant un peuple, on ne peut pas faire un
grand débat, et les questions sont orientées", estime Robert
Curti. Venu de Forbach, ce solide gaillard dit gagner "très bien
sa vie", mais participe au mouvement des Gilets jaunes. Il voit
dans le grand débat une manœuvre d’Emmanuel Macron pour annoncer
quelques mesures avant les européennes de mai prochain.
    "C’est de la manipulation, les débats", renchérit André
Vogel, le mari de Josette, ouvrier chez Continental, une usine
de pneumatiques. "On nous demande si on veut être pendu ou
guillotinés", ajoute Josette Vogel.
    Michel Haffner, 62 ans, se veut plus positif. "Si ça peut
faire avancer le ‘Schmilblick’, pourquoi pas, et j’espère que ce
n’est pas de l’enfumage", dit, le regard fatigué, cet ancien
mineur des houillères du bassin de Lorraine reconverti, ancien
syndicaliste FO et aujourd’hui retraité, qui porte moustache,
bonnet noir sur la tête et gilet jaune sur un pull anthracite.
    "Si ça peut rassembler les gens pour qu’ils discutent et
fassent remonter des idées qui seront prises en compte, ce sera
profitable à tout le monde", analyse Christian Jousset,
ingénieur dans l’industrie qui n’est pas "Gilet jaune". "Après,
il faudra faire la part des choses, si 20 % d’une proposition
est retenu, c’est déjà quelque chose."

 (Edité par Yves Clarisse)
 

0 commentaire

Signaler le commentaire

Fermer

Mes listes

Cette liste ne contient aucune valeur.