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Embargos sur l’énergie russe : semonce ou rupture ?
information fournie par Le Cercle des économistes 23/05/2022 à 08:30

Patrice  Geoffron
Patrice  Geoffron

Patrice Geoffron

université Paris-Dauphine

Professeur d'économie

https://www.dauphine.psl.eu/fr/index.html

A court terme, l'impact sur les Européens dépendra de la capacité à trouver des substituts adaptés en volume et en qualité (via des raffineries indiennes, par exemple), du niveau des cours mondiaux qui se joue en partie sur le front sanitaire (en fonction des effets du Covid sur la demande chinoise et ailleurs en Asie), mais également dans l'éventuel retour sur scène de pays producteurs sous sanction (Venezuela et Iran). (Crédits photo : Adobe Stock -  )

A court terme, l'impact sur les Européens dépendra de la capacité à trouver des substituts adaptés en volume et en qualité (via des raffineries indiennes, par exemple), du niveau des cours mondiaux qui se joue en partie sur le front sanitaire (en fonction des effets du Covid sur la demande chinoise et ailleurs en Asie), mais également dans l'éventuel retour sur scène de pays producteurs sous sanction (Venezuela et Iran). (Crédits photo : Adobe Stock - )

Après le charbon, un embargo sur les importations de pétrole russe est en cours de discussion, dans le cadre du 6e « paquet » de sanctions de l'UE, avec comme perspective la fin de l'importation du brut, puis des produits raffinés, à l'horizon de la fin 2022. Selon Patrice Geoffron, entre charbon et pétrole, les enjeux ne sont pas du même ordre.

En 2021, la valeur des importations de produits pétroliers a été quinze fois supérieure à celle du charbon (selon Eurostat). Et, le pétrole étant plus compliqué à transporter que le charbon, chaque nouveau projet d'embargo vient s'ancrer dans des réalités industrielles et historiques spécifiques.

Le pétrole russe est, en partie, acheminé par des pipelines dont le tracé remonte à l'époque soviétique, réseau qui maintient dans une dépendance extrême certains « ex-satellites » de Moscou (la Tchéquie, la Slovaquie et la Hongrie) très enclavés et abreuvés d'un pétrole russe plutôt bon marché. Cela conduit ces pays à réclamer un délai supplémentaire de mise en œuvre et, en particulier, la Hongrie à demander des financements importants en compensation (de l'ordre de 15 milliards euros) de façon à adapter ses infrastructures d'importation et de raffinage. A l'évidence, il est là difficile d'écarter toute arrière-pensée liée à la proximité de Viktor Orban et de Vladimir Poutine, le premier ayant annoncé dès le début du conflit que des embargos sur les hydrocarbures constitueraient une « ligne rouge ».

La dépendance « critique » n'est pas circonscrite à ces trois États membres. Également vestige du bloc de l'Est, la raffinerie allemande de Schwedt (près de la frontière polonaise) détermine l'approvisionnement en carburants de Berlin et du Brandebourg, et est sous contrôle capitalistique du groupe russe Rosneft qui en assure l'approvisionnement. La France, bien qu'éloignée dans la partie la plus occidentale de l'Europe, n'échappe pas totalement à cette dépendance, notamment via les importations de diesel en provenance des raffineries russes.

Le caractère impératif du Green Deal européen

Malgré ces contraintes, les flux d'importation de brut et de produits pétroliers russes ont commencé à décroître, indépendamment de la mise en œuvre d'un embargo, en raison des risques juridiques perçus et de l'engagement des majors européennes de réduire leurs activités avec la Russie. Certes, une partie de ces flux trouve preneur ailleurs, comme c'est le pas actuellement en Inde, mais en contrepartie d'une forte ristourne (de 1/3 environ par rapport aux cours mondiaux).

De sorte que, comme en a convenu Vagit Alekperov (contraint à la démission de son poste de PDG de Lukoil, première entreprise pétrolière russe), une interdiction des importations de pétrole obligerait la Russie à geler la production de certains de ses puits, faute de pouvoir rediriger à court terme tous les volumes destinés à l'Europe vers d'autres marchés. Et, au-delà, l'oligarque souligne les difficultés à financer les milliards d'investissements requis pour réorienter les flux de pétrole russe vers d'autres marchés, les années nécessaires pour cela, annonçant un préjudice durable pour l'économie russe.

A court terme, l'impact sur les Européens dépendra de la capacité à trouver des substituts adaptés en volume et en qualité (via des raffineries indiennes, par exemple), du niveau des cours mondiaux qui se joue en partie sur le front sanitaire (en fonction des effets du Covid sur la demande chinoise et ailleurs en Asie), mais également dans l'éventuel retour sur scène de pays producteurs sous sanction (Venezuela et Iran). Autant d'incertitudes qui viendront conforter le caractère impératif du Green Deal européen, et les nécessités d'une planification en France des efforts de transition.

Cela en gardant à l'esprit que le volume de pétrole et gaz russe qui continuera à entrer dans l'EU dépend tout autant de la détermination des Européens à mettre en œuvre des embargos que de la volonté de la Russie à maintenir ses exportations. Risque de rupture dont la Pologne, la Bulgarie et la Finlande ont déjà fait l'expérience.

7 commentaires

  • 28 mai 23:14

    ou du bioethanol avec des cereales ... on achete toutes les cereales sur le marché pour en faire du carburant ...


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