Philippe Guillemot: «Je suis un homme de défis» dimanche 6 novembre 2022
Le PDG de Vallourec est considéré comme un spécialiste des missions difficiles. Nommé PDG fin mars, Philippe Guillemot a rapidement lancé le projet New Vallourec de transformation d'une entreprise en grande difficulté. Après une restructuration financière réussie en 2021, le fabricant de tubes sans soudure pour l'industrie a annoncé au printemps un nouveau plan social «qui doit par-achever la nouvelle empreinte industrielle du groupe». Philippe Guillemot confie sans ambages qu'il s'agit de la dernière chance pour sortir Vallourec de l'or-nière. En 2021, l'entreprise a réalisé un chiffre d'affaires de 3,4 milliards d'eu-ros et dégagé un résultat net de 40 millions (contre une perte de 1,2 milliard en 2020)
LE FIGARO. - Vous êtes arrivé en début d'année dans une entreprise en très grosse difficulté.
vez-vous eu besoin d'un temps d'observation?
Philippe GUILLEMOT. - Mon premier souvenir de Vallourec remonte à une visite de site lorsque j'étais jeune étudiant à l'École des Mines. La métallurgie était considérée à l'époque comme un secteur passionnant, ce qu'elle est tou-jours. Dès mon arrivée, je me suis rendu sur notre site R&D d'Aulnoye-Ayme-ries (Nord) pour passer du temps avec les équipes et mesurer à quel point nos tubes nécessitent une formidable expertise pour résister à des conditions depression, de température et de corrosion hors norme. En six mois, j'ai visité la très grande majorité des sites de l'entreprise, à la rencontre des salariés, du Valenciennois au Texas, en passant par le Brésil, l'Asie et le Moyen-Orient. J'ai compris qu'ils avaient besoin de redonner du sens à leur travail et, pour cela, j'ai donné un nouveau cap, d'autant plus que la trajectoire de l'entre-prise devait être corrigée très rapidement.
Quelles ont été vos premières décisions?
La situation était claire: il fallait engager une transformation rapide en s'ap-puyant sur une équipe renouvelée. J'ai donc mené de front l'annonce de New Vallourec et le recrutement de nouveaux membres du comex à l'expérience adaptée pour mettre en œuvre ce plan. Nous avons dû lancer un plan social en France, initier le processus de fermeture de nos usines en Allemagne et repenser notre organisation géographique. Des décisions humainement très dif-ficiles mais vitales pour la survie de Vallourec.
Avez-vous le sentiment de travailler dans l'urgence?
Si l'urgence consiste à penser qu'il n'y a pas de temps à perdre, c'est le cas. En 2021, la réussite de la restructuration financière, avec les fonds Apollo et SVPGlobal, a sauvé l'entreprise de la faillite. Mais ce répit sera de courte durée si nous ne parvenons pas à générer de la trésorerie et redessiner notre avenir in-dustriel. Dans une même journée, je travaille néanmoins sur tous les horizons de temps. Par exemple, le New Vallourec sur le court terme, l'empreinte car-bone du groupe sur le moyen terme et, sur le long terme, l'application de nos savoir-faire sur les énergies non fossiles. Il s'agit de préparer dès maintenant Vallourec à un monde décarboné.
Depuis votre arrivée, vous avez procédé à une série de nominations à des postes stratégiques. Est-ce le moyen de donner un nouvel élan?
Il fallait donner à l'entreprise une équipe adaptée aux circonstances. Ainsi nous ont notamment rejoints un nouveau DRH, un nouveau directeur finan-cier, une membre du comité exécutif chargée de réfléchir à l'après-pétrole, un nouveau responsable de la stratégie et un nouveau dirigeant du Brésil. J'ai voulu doter Vallourec de regards neufs et de nouvelles compétences. Je m'ap-puie également, et bien entendu, sur les équipes qui connaissent les métiers de Vallourec de longue date dans une organisation et une entreprise large-ment réorganisée.
Le besoin d'un regard neuf, est-ce aussi parce que l'entreprise avait per-du en lucidité?
Il était très important pour moi de pouvoir mesurer l'écart entre la compré-hension de la situation de la part des équipes et la réalité de l'entreprise. J'ai donc tenu un discours de vérité qui, même s'il a pu être difficile à entendre, était en fait totalement partagé par l'ensemble des salariés. Plus personne ne doute qu'il faille aller très vite. Ce qui se faisait auparavant sur des années se fait désormais en mois, des mois en semaines et des semaines en journées. Vous êtes passé par de nombreuses entreprises à des postes de direction (Michelin, Areva T&D, Alcatel...).
Qu'en avez-vous retiré qui vous soit utile chez Vallourec?
Je crois que ma longue expérience industrielle me permet d'éviter certains écueils et de porter rapidement un diagnostic. J'ai rejoint ces entreprises alors qu'elles connaissaient des difficultés après avoir connu le succès. La clé, c'est de remobiliser les équipes, d'autant plus que l'avalanche des difficultés ne brise pas leur attachement à l'entreprise. C'est notamment le cas chez Val-lourec. Je sais aussi que les trajectoires peuvent s'inverser. Chez Alcatel-Lucent, je suis parti début 2017 après que l'entreprise a presque dégagé 800millions d'euros de trésorerie sur son dernier exercice, avant son rachat par Nokia après être passée au bord de la faillite en 2012.
Pendant longtemps, Vallourec a fait figure de fleuron industriel auprès des jeunes diplômés.
La page est-elle définitivement tournée?
Absolument pas. Nous allons d'ailleurs repartir au contact des étudiants et des jeunes diplômés pour leur donner envie de rejoindre le New Vallourec. Nous sommes une entreprise technologique, de pointe, innovante, au cœur de la transition énergétique avec de beaux projets. Grâce à notre présence mondiale, Vallourec reste une des rares entreprises industrielles françaises qui offre encore des opportunités d'expatriation, et ce, quelle que soit votre nationalité.
A partir de quel moment aurez-vous le sentiment d'avoir réussi votre mission?
Lorsque le groupe sera maître de son destin. Ce qui suppose de recommencer à générer de la trésorerie pour accélérer le désendettement du groupe et, en parallèle, se positionner progressivement sur les énergies non fossiles. Entre la géothermie, la capture de CO2 et l'hydrogène, des projets sont déjà sur la table. Je suis un homme de défis, celui-ci est aussi passionnant que parfaite-ment réalisable car Vallourec a un atout clé: ses....
Cdt,