Mieux qu’un rattrapage ! C’est une véritable transformation de la cinquième banque française que Slawomir Krupa est en train de réaliser.
Pourtant, les investisseurs avaient déchanté quand le dauphin de Frédéric Oudéa, nommé en mai 2023 directeur général de la banque, leur avait présenté sa stratégie, quatre mois plus tard : une limitation des activités risquées entravant la capacité bénéficiaire et une politique de renforcement des capitaux au détriment du retour aux actionnaires.
Mais l’ancien patron de la branche grande clientèle a tenu bon. Dix-huit mois plus tard, le voilà de nouveau adulé. Le titre a battu le 13 février dernier son plus-haut d’avant l’invasion de l’Ukraine.
Ce rattrapage tient à deux facteurs : le regain de confiance et le retour de la générosité aux investisseurs, deux faces d’une même pièce !
Car en renflouant les caisses, les cessions ont permis de consolider les fonds propres et de porter le taux de distribution du résultat dans la borne haute de la fourchette fixée entre 40 et 50%.
Ce 6 février, en présentant les excellents résultats 2024, une croissance de 67% du bénéfice net part du groupe, à 4,2 milliards d’euros, Slawomir Krupa a donc annoncé qu’il allait distribuer la moitié des profits.
Les investisseurs s’attendaient à un retour à meilleure fortune, mais pas dans de telles proportions.
Sa stratégie
La direction a donné un sérieux coup de balai dans ses trois pôles : la banque de détail en France avec sa banque en ligne Boursobank, la banque de détail à l’international avec les services financiers et Ayvens, sa filiale de location automobile née de la fusion avec ALD, et, le plus important, la banque de grande clientèle et solutions investisseurs, qui regroupe les activités de marché, de financement et de conseil, ainsi que les transactions et paiements.
En deux ans, près de 1,3 milliard d’euros ont été consacrés aux restructurations, à peu près un tiers par pôle.
Faute de moyens, le nouveau directeur général avait donné la priorité à deux filiales phares dans son allocation des capitaux propres : la banque en ligne Boursobank et Ayvens, quitte à freiner la croissance des activités et des résultats.
Depuis, les cessions ont redonné du souffle, l’équivalent de 0,6 point sur son ratio de fonds propres durs (CET1), porté ainsi à 13,3%.
Ce ratio, surveillé de près par les investisseurs, conditionne en effet sa capacité de restitution des profits aux actionnaires. Offensive dans l’immobilier. La nouvelle enseigne SG vient de repartir à l’offensive sur le marché du crédit immobilier.
Tout l’enjeu est de regonfler les revenus d’intérêt, qui ont encore déçu en 2024 malgré un redressement de 21%, à 3,9 milliards d’euros. «La disparition des coûteuses couvertures à contresens qui ont plombé les résultats des deux dernières années aura un fort effet en 2025.
Mais le redressement des marges sur les crédits prendra du temps, car les stocks de prêts à taux fixe engrangés quand les taux étaient bas vont continuer à peser sur la rentabilité des banques françaises», souligne François Lavier, directeur de la gestion dettes subordonnées financières chez Lazard Frères Gestion.
En réalité, le cru 2024 a surtout profité de l’excellente tenue des activités dédiées à la grande clientèle, dont les revenus ont progressé de 5% et le bénéfice net de 21,7%.
«Ce résultat apporte l’illustration du bien-fondé de la réorientation de l’offre vers des produits moins risqués», souligne Sylvain Perret chez AlphaValue, qui est confiant dans la diminution de la volatilité.
Enfin, il faut espérer que les efforts massifs de réduction des coûts produisent leurs effets.
«Les coûts de restructuration ont fortement pesé sur les résultats», souligne Flora Bocahut, analyste chez Barclays, qui écrivait fin janvier que des rachats d’actions pourraient s’avérer plus efficaces pour accroître le retour sur fonds propres.
Même si le ratio de coûts sur revenus est descendu en 2024 à 69%, sous la cible de 71%, il demeure le plus élevé des trois banques françaises cotées.
«La Société Générale poursuit sa feuille de route pour améliorer sa rentabilité, qui reste inférieure à celle des grands établissements français et européens», observe Nicolas Malaterre analyste chez S&P Global Ratings. Un groupe solide, donc, mais un peu moins diversifié que ses concurrents français.
Car il vendu à ces derniers des activités qui désormais les nourrissent. Notamment la gestion d’actifs, livrée à Amundi.
La Société Générale n’avait plus les moyens d’en défendre les positions. Cédera-t-elle de même ses activités de conservation d’actifs, faute de taille critique ?
À l’instar de Flora Bocahut, qui a relevé son objectif de cours à 48 euros, la plupart des bureaux d’analystes révisent à présent leurs projections à la hausse.
L’épargnant prudent attendra toutefois un repli pour acheter ou renforcer sa position.
Les filiales Boursobank et Ayvens au défi d’accroître leurs bénéfices
Économies. Slawomir Krupa vise 17 millions de clients en France en 2026, dont 8 millions pour Boursorama qui en comptait 7,2 millions fin 2024.
Fusionnés, les réseaux Société Générale et Crédit du Nord ne sont pas au bout des économies de coûts, car la banque de détail reste peu rentable.
Le groupe a placé sa priorité sur Boursobank et sur sa filiale de location de véhicules de longue durée Ayvens, née de la fusion d’ALD avec Lease Plan.
Actionnariat
Salariés : 9,8%
Blackrock : 5,8%
Amundi : 3,4%
BNP Paribas AM : 2,9%
Caisse des dépôts : 2,5%
The Capital Group : 2,3%
Opéable. Le public détient 73,3% du capital.
Les salariés, très attachés à l’indépendance de la banque, ont accru leur poids de 6,6% à 9,8% en deux ans (15% des droits de vote).
À l’inverse, les gérants américains Blackrock et The Capital Group, qui détenaient plus de 7% du capital chacun en 2021, ont réduit leur participation.
Atouts
Une stratégie claire, menée tambour battant.
Un niveau de fonds propres satisfaisant.
Des rachats d’actions en soutien à la rentabilité.
Risques
Moins rentable que ses grands concurrents.
Grande sensibilité à la conjoncture française.
Notre conseil
Conservez. [GLE]
Objectif : 42 €.
Profil : spéculatif.
Prochain rendez-vous : résultats du premier trimestre, le 30 avril