Atos : la stratégie du nouveau PDG Philippe Salle pour sortir de la crise et redevenir un acteur mondial
Philippe Salle, nouveau capitaine d’un navire technologique longtemps à la dérive, a dévoilé la stratégie de relance d’Atos, qui veut redevenir un acteur mondial de poids. Fin de la scission, simplification, offensive sur l’intelligence artificielle… Le plan, baptisé « Genesis », signe la renaissance d’un géant ébranlé — mais pas coulé.
premium-iconArticle réservé aux abonnés
Régis Soubrouillard
14 mai 2025 à 12h56
LECTURE 4 MIN
Dès sa prise de fonction, Philippe Salle, le nouveau PDG d’Atos, avait promis d’ouvrir un « nouveau chapitre » pour un groupe en difficulté financière depuis plusieurs années. Sa prise de parole était donc très attendue. Et le message est clair : « Atos is back. » L’entreprise entend demeurer un acteur mondial avec un plan stratégique de transformation sur quatre ans baptisé « Genesis ».
Première décision forte : le projet de scission du groupe est enterré. Imaginée il y a plusieurs années, cette séparation visait à scinder Atos entre, d’un côté, Tech Foundations, les activités historiques d’infogérance, et de l’autre, Eviden, dédiée à la cybersécurité, au numérique et au big data. Désormais, Atos restera un groupe unifié.
« On garde tout, avec une présence mondiale, car si vous voulez rester un acteur global, il faut être en France, aux États-Unis et en Asie, avec un chiffre d’affaires supérieur à 10 milliards d’euros. En cassant le groupe en deux, on devient un acteur moyen à 5 milliards, ce qui n’a pas beaucoup de sens », explique Philippe Salle, qui a insisté sur la complémentarité des deux entités, même si Tech Foundations, en tant que marque, disparaît.
Priorité à la simplification
Ces 10 milliards d’euros, c’est précisément l’objectif visé pour 2028, dans la nouvelle feuille de route d’Atos. À plus court terme, les ambitions sont revues à la baisse : 8,5 milliards d’euros de revenus attendus en 2025, contre 9,5 prévus dans le précédent plan présenté en septembre 2024. Un recul que la direction attribue à des changements de périmètre et à la révision de contrats jugés non rentables.
Lire aussi
« Il y a un capitaine dans le bateau » : Philippe Salle, un volontaire pour sauver Atos
La priorité affichée est celle de la simplification. Atos, devenu une structure aussi complexe qu’une administration soviétique, veut se réorganiser autour de six pôles régionaux : la France ; l’Allemagne, l’Autriche et l’Europe de l’Est ; le Benelux, les Pays-Bas et les pays nordiques ; le Royaume-Uni et l’Irlande ; l’Amérique du Nord ; et un ensemble plus flou regroupé sous l’étiquette des « marchés internationaux ». C’est dans ce dernier pôle qu’Atos prévoit de se désengager de certains marchés jugés non stratégiques ou insuffisamment rentables.
L’entreprise vise une réduction de ses frais généraux, à hauteur de 5 % maximum du chiffre d’affaires, pour libérer de la capacité d’investissement. 500 millions d’euros seront ainsi consacrés à la R&D, auxquels s’ajouteront 100 millions pour des investissements dans des startups.
Atos garde les activités sensibles de MCS
La réorganisation passe aussi par la vente de l’activité supercalculateurs. Les discussions exclusives avec l’État, engagées en novembre pour la cession d’activités jugées stratégiques, doivent aboutir d’ici fin mai. Philippe Salle, qui n’aurait pas été opposé au maintien de cette activité au sein d’Atos, reconnaît malgré tout qu’il s’agit d’un domaine très spécifique.
Lire aussi
Atos : un collectif de petits actionnaires veut obtenir réparation
Certaines cessions, en revanche, n’auront pas lieu. Le projet de vente de Mission Critical Systems, qui regroupe des activités sensibles dans la défense — systèmes de commandement du programme Scorpion, outils de navigation pour la marine, ou encore la société Avantix, spécialisée dans l’interception pour les services de renseignement — est abandonné. L’entreprise avait indiqué en mars avoir entamé un processus de vente. Mais Philippe Salle reconnaît que le contexte a changé et que toutes les activités liées à défense ont pris de l’importance et de la valeur.
La simplification passera aussi par un grand ménage dans l’offre : le groupe divisera par plus de quatre le nombre de services proposés, pour se concentrer sur une vingtaine de solutions jugées prioritaires.
Le virage prioritaire de l’IA
En tête de liste de ces sujets hautement importants : l’intelligence artificielle. Si le PDG reconnaît qu’Atos est parti tard, il réfute tout retard définitif, à condition de prendre le virage dès maintenant. « Nous allons accélérer les recrutements d’experts, et nous concentrer sur les offres vraiment pertinentes, regroupées dans une nouvelle ligne business dédiée. Elle passera de 2 000 à 10 000 collaborateurs d’ici 2028 », promet-il.
Sans renoncer à ses ambitions mondiales, Atos espère aussi tirer parti d’un contexte européen devenu plus favorable : « Il y aura une tendance à privilégier les acteurs européens. C’est une très grande opportunité pour Atos, dont le siège est en France. »
De quoi redonner un souffle nouveau à un groupe passé tout près du naufrage industriel — et dont le nouveau patron entend prouver qu’il peut encore peser dans la tech mondiale.