La biotech française Abivax à l'assaut du Covid-19
Aidée par la BPI, elle va démarrer les essais cliniques d'un traitement contre le virus.
Si plusieurs centaines d'essais cliniques sont en cours dans le monde afin de trouver un traitement contre le Covid-19, Abivax entend bien faire la différence avec le sien. Cette biotech française prometteuse, qui avait généré une levée de fonds record lors de son introduction en Bourse en 2015 (58 millions d'euros), vient d'obtenir le feu vert de l'Agence du médicament (ANSM) pour tester la molécule la plus avancée de son portefeuille, l'« ABX 464 ». « Il s'agit du seul candidat médicament qui aurait un triple effet sur la maladie, antiviral, anti-inflammatoire et permettant la réparation des tissus, explique Philippe Pouletty, à la tête de Truffle Capital, un fonds d'investissement spécialisé dans la santé, principal actionnaire d'Abivax. Cela ne nous empêche pas de rester très prudents. » Cet essai clinique avancé (phase 2B/3) sera aussi l'un des plus vastes du marché avec un millier de patients enrôlés en Europe dans une cinquantaine de centres. Il s'agit de patients à hauts risques de complications qui testeront ce traitement oral d'une durée de 28 jours. Pas question pour la biotech de piocher dans les 10 millions qu'elle a en caisse, destinés à financer ses autres essais. Abivax a obtenu un financement de 36 millions d'euros de la BPI pour lancer cet essai. Elle parie sur l'obtention d'une autorisation de mise sur le marché début 2021. L'ABX 464 étant déjà reconnu dans plusieurs maladies inflammatoires (rectocolite hémorragique, Crohn...), il a semblé naturel à ses dirigeants de tester son effet sur l'hyper-inflammation liée au Covid-19, pouvant mener au syndrome de détresse respiratoire aiguë. Fin mars, une cellule de crise composée d'une quinzaine de personnes s'est attelée à rédiger le protocole de l'essai clinique (critères d'inclusion des patients, de suivi...). Sauf que, quasi simultanément, Abivax a fait l'objet d'une offre de rachat « intéressante pour les actionnaires ». C'est, en effet, le lot de la plupart des biotechs de passer à terme dans le giron d'un laboratoire pharmaceutique, capable d'aligner les millions d'euros nécessaires au financement des phases avancées de développement clinique puis à la commercialisation d'une molécule. Cette offre a finalement été écartée. « Nous avons estimé entres autres raisons qu'elle n'aurait pas été compatible avec la poursuite de la recherche sur le Covid-19 », raconte Philippe Pouletty. Réactivité des autorités réglementaires Comme de nombreux labos engagés dans la recherche sur le Covid, Abivax a bénéficié de la réactivité des autorités réglementaires. Il lui a fallu seulement 15 jours pour obtenir l'aval de l'ANSM et du Comité d'éthique. Le recrutement des patients démarrera d'ici à la fin mai et se poursuivra jusqu'en novembre. Abivax dispose en stock de 50 000 traitements. « Nos deux partenaires industriels, français, devraient nous permettre de monter en six mois à un million de traitements », indique Philippe Pouletty qui est déjà en quête d'un troisième. En raison de l'urgence de la crise, biotechs et Big Pharma s'efforcent d'emblée de sécuriser la production de leurs traitements, avant même d'avoir obtenu les résultats de leurs essais. Quant au prix, Abivax refuse de céder à l'« angélisme » des grands labos qui promettent de vendre à prix coûtant leur traitement. « Nous vendrons notre médicament avec une marge, parce que nous sommes une entreprise privée et cotée, précise Philippe Pouletty. Mais il sera accessible au plus grand nombre. » La course aux traitements bat son plein.