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Vers un «grand reset» des taux ?
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 24/02/2022 à 09:13

François d'Hautefeuille
François d'Hautefeuille

François d'Hautefeuille

Evariste Quant Research

Cofondateur & président

https://www.evariste-quant-research.com/

(Crédits photo : Adobe Stock -  )

(Crédits photo : Adobe Stock - )

Le «grand reset» des taux a sans doute commencé. Il suivra inexorablement le «grand reset» de l'inflation. Il va impacter en profondeur la répartition de la richesse mondiale.

Pourquoi un «grand reset» des taux va forcément arriver ?

La crise Covid au-delà de son drame humain a ouvert une opportunité unique pour les banques centrales de sortir du piège à la liquidité et donc des taux zéro. La monétisation des coûts économiques du confinement par rachat de la dette publique (politique du « quoi qu'il en coûte ») a créé un « gap d'inflation » entre le PNB réel et la masse monétaire.

Le «grand reset» de l'inflation correspond à cet ajustement entre la masse monétaire créée par le « quantitative easing » et la richesse réelle via créée par la croissance réelle (reprise de l'économie à laquelle nous assistons).

La crise en Ukraine peut être le catalyseur de ce «grand reset» des taux. Une interruption possible des livraisons de gaz russes impactera fortement le marché énergétique européen, en particulier en Allemagne.

Pourquoi la structure des taux est si importante ?

Le grand philosophe du temps, Saint Augustin est le premier philosophe à avoir compris l'importance de la structure du temps. Il écrit dans les Confessions : « Il n'y a pas de présent, de futur et de passé. Il n'y a que le présent du présent, le présent du passé et le présent du futur.»

De fait, la mesure du temps n'est pas stable. Elle se déforme par les fluctuations de la structure des taux et son impact sur l'actualisation des flux financiers futures.

Les taux sont ainsi la mesure du temps alors que le temps est la mesure de toutes choses. La renormalisation des taux va donc impacter l'ensemble des actifs mondiaux. Elle peut déclencher une grande rotation de la richesse mondiale qui va disturber l'ensemble des équilibres économiques, patrimoniaux, sociologiques et donc politiques.

Comment analyser les taux d'intérêt ?

La science économique décompose le taux d'intérêt nominal selon trois dimensions principales :
1.    le taux réel
2.    l'anticipation d'inflation
3.    la prime de risque
Ainsi, les taux nominaux 10 ans de la France sont actuellement autour de 0.7%. Les taux réels 10 ans sont actuellement de -1%. Le taux d'inflation anticipé est de 1.80%.

Quelles anticipations de hausse des taux  nominaux de la banque centrale ?

La structure du marché obligataire et monétaire détermine mathématiquement l'anticipation de la hausse des taux de la BCE et de la FED par la méthode des intérêts composés. Cette structure est elle-même déterminée par le marché dominé par les investisseurs obligataires (le plus grand marché financier du monde) mais aussi et surtout les banques centrales via leurs opérations de marché.
La courbe des taux futures de la BCE permet de visualiser l'anticipation de hausse des taux sur les 4 prochaines années. On observe l'anticipation d'une hausse limitée à 1% mi 2023 soit une hausse de 1.5% à partir des niveaux actuels autour de -0.5%. C'est certes plus qu'il y a un an où les marchés n'anticipaient qu'une hausse de 0.5% pour revenir à un taux 0%.

Prix des futures Euribor actuellement et il y a un an. Le taux anticipé est égal à 100 moins le prix du futur. Le marché anticipe une remontée des taux à 1% courant 2023.

Source : Bloomberg LLP

Source : Bloomberg LLP

Quelle valeur d'équilibre long terme des taux? Un retour vers le taux naturel ?

Au cours des dernières années, les taux Européens sont tombés à moins de 0%. Ceci n'était jamais arrivé dans toute l'histoire de la finance mondiale. On est loin du « taux naturel » décrit par Wicksell et repris dans la fameuse formule de Taylor. Ce taux naturel permet d'optimiser l'équilibre épargne investissement.

Quel taux naturel pour le taux nominal ?

Historiquement, les taux nominaux Allemands ont fluctué entre 3% et 9% avec une moyenne de 6%. C'est le cœur de la politique de stabilité allemande, fondement du Traité de Maastricht. Il correspondait à un objectif d'inflation de autour de 2.5%, une croissance potentielle autour de 2.5% et une prime de risque autour de 1%. Il était en ligne avec un objectif de croissance long terme de la masse monétaire autour de 6% par an.

Taux long termes Allemands depuis 1989. On est clairement en train de sortir de 30 ans de déflation. Le taux naturel historique a longtemps été autour de 6%.

Source : Bloomberg LLP

Source : Bloomberg LLP

Vers la fin de la « glaciation monétaire » ?

Le fait d'être sous le taux naturel correspond à une situation de « sur-épargne ». Ceci crée un « saving glut » (excédent d'épargne mis en exergue par Bernanke) et donc un sous-investissement et une sous croissance économique.
Cette sur épargne européenne est analysée par certains économistes comme une épargne forcée (« forced saving »). Elle a été recyclée via la finance offshore vers la Chine. On pourrait expliquer ainsi la surcroissance majeure de la Chine sur les 20 dernières années par cette sous croissance européenne par rapport à son PNB potentiel (l'Italie qui a vu son PNB par habitant stagné depuis 20 ans).

Quel taux naturel pour le taux réel ?

Le taux naturel des taux réel repose sur l'anticipation de potentiel de croissance réelle long terme de l'économie, soit entre 1% et 2% si on se base sur le consensus des économistes (1% de croissance de la productivité long terme, et 1% de croissance de la population active si on tient compte de la démographie et d'une immigration maitrisée).
Actuellement, les taux réels sont encore autour de -2%. On voit ainsi que les obligations indexées sur l'inflation offrent un risque important en capital si on pense que les taux réels s'ajusteront à terme sur un niveau de 1 ou 2% en ligne avec le potentiel de croissance long terme des économies européennes.

Quelle inflation long terme ?

Pour l'instant, les anticipations d'inflation moyen terme sont autour de 2%. Elles sont donc en ligne avec l'objectif moyen terme de la BCE. Si elles montaient au-delà de 2% avec la crise Russe, la BCE sera contrainte à ajuster plus rapidement sa politique monétaire.

La hausse des taux, bonne ou mauvaise nouvelle ?

Comme on l'a vu ci-dessus, il y a plusieurs scénarios possibles de hausse des taux avec des conséquences bien différentes.
1.    La reflation : c'est le scénario «roaring 20s ». Les économies occidentales rattrapent le gap de croissance (output gap) accumulé depuis 20 ans soit entre 15% et 25% pour les pays d'Europe du Sud. Dans un tel scénario, les taux réels vont monter reflétant le retour à la croissance potentielle. L'inflation va se stabiliser autour des 2%. Le taux nominal va remonter autour de 4/6%, taux moyen des taux allemands sur les 70 dernières années. On revient bien à une croissance vertueuse en ligne avec les principes de la Stabilitaetspolitik Allemande comme fondement de la zone Euro. Il faut vendre les obligations sauf de maturité courte, il faut acheter des actions et des obligations indexées sur l'inflation à maturité courte (comme l'ETF VTIP US de Vanguard pour un portefeuille en dollar).
2.    Stagflation : en cas de guerre avec la Russie et de choc énergétique majeur (doublement du prix du gaz ?), on a une destruction de la masse monétaire non pas par la hausse du PNB réel mais par celle de l'inflation. Dans ce cas, les taux réels vont rebaisser sur leurs plus bas des 10 dernières années, l'inflation va exploser, il faut acheter des obligations indexées sur l'inflation (AXA World Inflation, CPR US Inflation, ETF IBCI NA Ishare Inflation Bonds EUR) et vendre les actions.
3.    Déflation : c'est le scénario qu'on a eu depuis 10 ans, c'est un retour au piège à la liquidité par resserrement trop hâtif des taux courts comme ce fut le cas en 2010/2011, créant les bases de la crise grecque. Dans ce cas, il faut acheter des fonds obligataires (IEAG NA, ETF Global Bonds EUR, Amundi Obligations Internationales, …), vendre les actions européennes et revenir sur les actions émergentes (Fidelity Emerging Equities).

Conclusion

La structure des taux est une analyse complexe car multi dimensionnelle. Elle est fondamentale car cette structure impacte l'ensemble des équilibres épargne investissement et donc de création et de répartition de la richesse mondiale.
Une telle analyse est un instrument fondamental pour adapter sa stratégie financière et patrimoniale et préserver son patrimoine dans un monde en plein devenir.


Cet article est adressé à titre d'information uniquement et ne constitue ni une offre de produits ou de services, ni une offre, une recommandation ou une sollicitation d'offre de fourniture de conseil ou de service d'investissement pour acheter/vendre des instruments financiers.

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