par CORENTIN CHAPPRON
Quelle que soit l'issue du scrutin présidentiel très serré aux Etats-Unis, les actions européennes devraient être perdantes, même si quelques secteurs pourraient tirer leur épingle du jeu, soulignent gérants et analystes.
Le résultat du vote du 5 novembre, qui oppose l'ancien président républicain Donald Trump à la vice-présidente démocrate Kamala Harris, pourrait avoir des répercussions considérables sur l’économie américaine et a fortiori les marchés financiers.
Pour les actions européennes, "c'est la trajectoire de l’économie américaine, davantage que cette élection, qui aura un impact", estime Roland Kaloyan, responsable de la stratégie actions européennes chez Société Générale CIB.
Selon des données Factset, l’exposition du chiffre d’affaires des entreprises du Stoxx 600 aux États-Unis atteint 23%, l’exposition la plus importante après la zone euro (50%).
Les investisseurs en actions jugent le programme de Donald Trump inflationniste et plus favorable aux entreprises américaines que celui de Kamala Harris, mais la promesse du candidat républicain d'une hausse des tarifs douaniers serait négatif pour les sociétés européennes.
Selon Goldman Sachs, une hausse de 10% des droits de douane sur l'ensemble des importations hors Chine pourrait se traduire par une réduction de jusqu'à 9 points de pourcentage de la croissance des bénéfices des entreprises du Stoxx 600. La banque américaine a réduit sa prévision de croissance des bénéfices pour les entreprises de l'indice à 2% en 2024 contre 6% précédemment.
Autre effet défavorable en vue pour les actions européennes, le déficit budgétaire des Etats-Unis est appelé à s’accroître quel que soit le candidat élu, ce qui ferait progresser les rendements sur les titres souverains.
Une remontée du rendement de ces actifs sûrs ferait mécaniquement pression sur le reste des actifs, les investisseurs exigeant une prime de risque plus élevée.
Par ailleurs, un creusement du déficit aux États-Unis ferait pression sur le dollar et soutiendrait l’euro, une mauvaise nouvelle pour des entreprises européennes tournées vers l’exportation.
Enfin, l'incertitude autour du résultat du scrutin pèse, d'autant qu'il pourrait être contesté, ce alors que les actifs risqués sont jugés chers et vulnérables à un retournement de la conjoncture.
"Ces élections s’inscrivent dans un contexte plus large de remontée progressive de la volatilité, et pourraient en justifier une nouvelle poussée", souligne Benoît Peloille, responsable des investissements de Natixis Wealth Management.
"RUPTURE" SECTORIELLE
Au-delà des impacts macroéconomiques de l'élection, trois secteurs européens pourraient sortir gagnants, quel que soit le candidat élu: l’industrie minière, l’énergie et la défense.
"L’élection de Donald Trump constituerait une rupture en termes de priorités sectorielles avec un focus sur les énergies fossiles au détriment de la transition énergétique", explique Maxime Kogge, analyste métaux et mines chez Oddo BHF, qui ajoute que l’allègement des contraintes règlementaires profiterait aux valeurs minières.
Une victoire de la candidate démocrate ne serait pas pour autant une mauvaise nouvelle, car Kamala Harris prolongerait la politique de transition énergétique mise en place par l’Inflation Reduction Act (IRA), qui soutient la demande en métaux comme le cuivre, essentiel aux projets de batterie et d'électrification.
Côté énergie, le programme démocrate profiterait aux groupes de renouvelables, tandis qu’une élection de Donald Trump, qui souhaite faire des États-Unis le "producteur d’énergie dominant dans le monde" grâce aux énergies fossiles, favoriserait plutôt les groupes de services pétroliers.
Le secteur de la défense serait enfin l’un des grands gagnants, dans un contexte géopolitique de plus en plus instable et malgré les positions opposées de Donald Trump et Kamala Harris sur certains sujets comme l’Ukraine.
Ces bonnes performances ne suffiront pas toutefois à raviver l’intérêt pour les marchés européens.
"Quelques secteurs - énergie, renouvelables, défense - pourraient être affectés par une victoire de Donald Trump mais ils ne constituent qu’une petite partie de l’indice Stoxx 600", pointe Roland Kaloyan.
Alors que la décote entre les actions européennes et américaines atteint un record à 37%, selon des données LSEG, le scrutin du 5 novembre pourrait encore creuser l’écart de performance entre les deux zones.
Le Stoxx 600 a progressé de 9,6% cette année, contre 22,5% pour le S&P 500, selon des données LSEG, et Oddo BHF calcule que sur les 13 dernières élections, le S&P 500 a progressé en moyenne de 5% les 3 mois suivant le vote.
(Rédigé par Corentin Chappron, édité par Blandine Hénault)
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