Aller au contenu principal Activer le contraste adaptéDésactiver le contraste adapté
Plus de 40 000 produits accessibles à 0€ de frais de courtage
Découvrir Boursomarkets
Fermer

Tarkett : début du grand retour de la "value", éventuellement...
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 28/12/2020 à 10:30

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

Tarkett est devenu un des premiers fabricants mondiaux de revêtements de sol, avec un chiffre d'affaires 2019 de 2.992 millions d'euros. (Crédits photo :  - L. Grassin)

Tarkett est devenu un des premiers fabricants mondiaux de revêtements de sol, avec un chiffre d'affaires 2019 de 2.992 millions d'euros. (Crédits photo : - L. Grassin)

Entre autres choses, 2020 restera comme une année vraiment intéressante pour la Bourse, avec beaucoup de surprises dans les deux sens : un démarrage dans la bonne humeur suivi d'une fantastique dégringolade en mars, suivie elle-même d'un rétablissement un peu inespéré en avril-mai, que d'aucuns ont qualifié de "rallye de marché baissier" puisqu'ils n'y croyaient pas, à tort finalement puisqu'après quelque mois d'errance dans un canal parfaitement horizontal, les marchés sont repartis vers le haut durant un mois de novembre totalement hors normes, avec un Cac 40 à +20%. Ce qui ne se voit pas tous les jours, il faut en convenir.

Il s'est aussi passé de drôles de choses dans la façon dont les valeurs ont été traitées par les investisseurs : jamais le marché n'a été aussi sélectif, voire discriminant, entre les titres qu'il est de bon ton d'avoir en portefeuille et les autres, avec des valorisations historiquement très élevées (en termes de ratio cours/bénéfice, capitalisation boursière/chiffre d'affaires, valeur d'entreprise/chiffre d'affaires, valeur d'entreprise/Ebitda, et ainsi de suite) pour les uns et en revanche plutôt très basses pour les autres. En d'autres termes, et sans parler de Tesla, qui est à ranger pour le moment dans les phénomènes extraordinaires, jamais on n'avait payé aussi cher pour les titres dits "growth" dotés d'un potentiel de croissance quasi infini, très rentables et assis sur de confortables matelas de cash en attendant la suite, tel L'Oréal, qui affiche un PER de 38x, ce qui est peut-être un peu beaucoup, et jamais on n'avait autant délaissé les titres dits "value", dont l'activité est naturellement exposée au cycle économique. Lequel cycle est, comme chacun sait, un peu perturbé en ce moment.

Retour de balancier ?

Mais voilà : les titres "values" ont bien relevé la tête en novembre, et ont bien mieux profité de la reprise boursière que les titres "growth". Ceci bien évidemment grâce à un net retour de la bonne humeur sur les marchés : une reprise solide a priori puisqu'elle doit beaucoup au résultat peu contestable in fine des élections présidentielles américaines, même si le perdant fait toujours autant de bruit qu'un diable dans un bénitier, et aussi et surtout à l'arrivée prochaine de vaccins efficaces pour combattre un virus toujours très mystérieux et incontrôlable, et cause première de cette perturbation qui nous préoccupe tous un tant soit peu.

Mais si, comme toujours, il faut des vraies nouvelles pour que le marché change, il faut aussi se dire que la Bourse passe souvent d'un excès à l'autre et que c'est bien dans sa nature, et que le balancier est donc aussi probablement tout simplement reparti dans l'autre sens. Ce qui ouvre des horizons, si l'on pense que le mouvement est loin d'être terminé, et que l'on peut encore sauter en marche dans le train de la reprise : après tout, on ne sait jamais, et il n'est jamais trop tard pour bien faire.

D'autant qu'il semblerait que les titres de nombre de ces valeurs "values" cycliques avaient commencé à remonter un peu, avant d'accélérer à la faveur de l'allégresse retrouvée (tout est relatif).

Même des titres qui ont longtemps déçu, il faut le dire, ce qui est là aussi éventuellement un signe.

Comme Tarkett, par exemple, dont le cours a repris près de +27% sur un mois, et est revenu dans le vert avec une progression de +4% depuis le début de l'année, mais reste encore loin de son cours d'introduction, soit 33,90€ dans l'IPO de novembre 2013, et de son plus haut historique, soit 43,69€ en mai 2017.

Un grand acteur dans le beau métier du revêtement de sols

Rappelons qu'à l'origine fabricant de parquet suédois, ce qui n'est déjà pas mal en soi, Tarkett est devenu un des premiers fabricants mondiaux de revêtements de sol, avec un chiffre d'affaires 2019 de 2.992 millions d'euros, 12.500 salariés, 33 usines et une présence commerciale dans plus de 100 pays. Le groupe fabrique des dalles souples en vinyle et en linoléum (45% CA) pour l'habitat, les commerces et le tertiaire (hôtels, hôpitaux, écoles, etc…), des moquettes, principalement pour les surfaces commerciales (18%CA), des parquets et des stratifiés (7%CA), des sols en caoutchouc (8%CA), et des surfaces sportives (gazons synthétiques et tartans : 22%CA), et réalise 80% environ de ses ventes en rénovation.

Contrôlé par un actionnariat familial à hauteur de 51,2%, Ie groupe s'est de fait construit en grande partie par acquisitions : Tarkett avait racheté un concurrent allemand, Pegulan, avant d'être racheté lui-même par le groupe français Sommer Allibert, puis fusionné avec la branche revêtements de sols de ce dernier. Il a repris depuis 2002 d'autres affaires de ce secteur, principalement Sintelon, un industriel serbe fortement implanté en Russie, puis Domco (Canada), FieldTurf (USA ; sols sportifs), Johnsonite (USA ; dalles vinyles), Poligras (Espagne), Parquets Marty (France), Tandus (USA ; moquettes pour magasins), puis encore en 2014-2015, des industriels locaux en Chine et en Pologne, ainsi que Desso (Pays-Bas ; moquettes naturelles), et enfin l'américain Lexmark, qui fournit les chaînes hôtelières avant tout.

Tarkett opère avec 1.500 commerciaux dans 60 bureaux de ventes, qui traitent avec les grossistes/distributeurs de la distribution professionnelle, les installateurs, les grandes surfaces de bricolage, et le commerce indépendant. Les clients sont, autant que faire se peut, livrés en flux tendus : le service-client est une composante non-négligeable du métier de Tarkett. Les normes, liées notamment à la sécurité, comptent aussi beaucoup dans ce métier lié à la construction, et le groupe a des forces de ventes dédiées aux prescripteurs, notamment les architectes et les bureaux d'études. Et pour cause : les produits les plus techniques sont aussi souvent les mieux margés.

Tarkett a son siège social en France (à La Défense), mais ne réalise en fait que moins de 10% de son chiffre d'affaires dans notre pays, son activité se répartissant entre l'Union Européenne (30% CA), l'Amérique du Nord (28% CA), l'Europe de l'Est, etc… (20% CA en tout, dont 2/3 pour la Russie), et l'activité Sports, qui est globale (22% CA). De fait, le sport excepté, le marché des revêtements de sols est très lié aux spécificités locales de la construction, et ses usines servent des marchés régionaux avant tout.

Modèle d'affaire : la perfection n'est pas de ce monde.

Même s'il n'est pas le plus grand, mais seulement le deuxième grand acteur derrière l'américain Mohawk, le groupe Tarkett détient en principe de bonnes parts de marché partout où il opère, fait de la croissance, bénéficie de sa taille conséquente dans ses achats de matières premières, et d'une bonne diversification géographique, et enfin, en bon industriel qu'il est, doit pouvoir améliorer ses marges avec le temps et les hausses de volumes, soit un modèle d'affaire qui a longtemps bien plu un temps aux investisseurs. Jusqu'en 2017 en tout cas, soit peu de temps après que le deuxième grand actionnaire : KKR, ait revendu sa participation sur le marché.

De fait, tout s'est un peu gâté depuis, et ce pour plusieurs raisons, parmi lesquelles on notera tout d'abord une érosion tendancielle de la marge opérationnelle, passée de 6,5% en 2017 à 4,5% en 2018, puis à 4,1% en 2019. La forte baisse de 2 points enregistrée en 2018 provenant de l'inflation des coûts matières, dont plus de la moitié sont des plastiques, nylon et PVC dérivés du pétrole, avec en plus une inflation des coûts d'énergie et de transport (encore le pétrole), soit en tout une hausse qui n'est répercutable dans les prix de ventes qu'avec plusieurs mois de décalage. Tarkett a aussi annoncé fin 2018 une restructuration en profondeur de ses activités en Amérique du Nord, tant pour l'industrie, suite à des problèmes récurrents dans deux usines, que pour le commercial.

A cela s'ajoute une sensibilité relativement forte au change, puisqu'une partie du chiffre d'affaires se fait en dollar US, et une autre en rouble russe, ce dernier pouvant se montrer très volatile par moment, ce qui inquiète toujours un peu. Bien que la Russie soit toujours un pays à très grand potentiel avec ses millions de mètres carrés de moquette soviétique râpée à remplacer, selon la direction du groupe.

Il y a eu par ailleurs une mauvaise surprise dans les comptes 2017, avec le paiement d'une très grosse amende, soit 166 millions d'euros, ce qui a mis la société en perte. Une amende infligée par la direction de la concurrence, pour collusion avec ses concurrents européens Forbo et Gerflor, une histoire ancienne qui, pour cette raison peut-être, n'avait a priori pas été très clairement expliquée au marché.

Ce qui n'est peut-être pas étranger au départ un peu rapide en juillet 2017 du directeur général en place depuis dix ans, et qui avait bien réussi l'introduction en Bourse. Son successeur est parti plus rapidement encore, c'est-à-dire un peu plus d'un an après sa nomination, ce qui, là non plus, n'avait pas rassuré les investisseurs.

Belle résistance en 2020, qui augure bien de la suite, presque sans aucun doute

Mais cette instabilité de l'équipe dirigeante n'est plus qu'un mauvais souvenir en principe, la structure de direction ayant été remaniée, et avec un nouveau patron jeune, et président du directoire.

Par ailleurs, la société semble bien regagner en dynamique : tout en restructurant l'Amérique du Nord en 2019, Tarkett a investi dans ses capacités de production de dalles en Europe et en Russie, dans une ligne de production de parquets en Russie aussi, dans l'automatisation de ses usines, et dans de nouveaux produits, très notamment des dalles 100% recyclables.

Enfin, Tarkett a plutôt bien résisté au 1er semestre 2020, pourtant épouvantable pour beaucoup d'industriels : l'activité recule de -12,4%, ce qui est un moindre mal, grâce à une baisse de seulement -2,4% de la division Sport, qui compense un peu le reste, soit -13,8% en EMEA et -16,7% en Amérique du Nord. Mais si la marge brute perd -2,7 points avec un effet mix négatif et en dépit de la baisse des coûts matières, la marge opérationnelle ne recule que de -1,5 point avant dépréciations d'actifs et coûts exceptionnels, ce qui est peu pour une affaire industrielle opérant en Europe et aux USA, et qui semble donc très bien tenir ses coûts.

Le troisième trimestre a aussi surpris en bien, avec un recul de l'activité limité à -10,5% à données constantes, et un gain inattendu de 2,5 points de marge Ebitda/Chiffre d'affaires au troisième trimestre 2020, soit un Ebitda ajusté supérieur à celui du troisième trimestre 2019, aidé en cela par l'impact décalé de la baisse des cours du pétrole dans les coûts matières.

Bref : des informations parcellaires, mais il semble bien que l'on soit reparti dans l'autre sens. Mais qui peut prévoir l'avenir ? Pas les analystes, en tout cas : c'est trop dangereux.

Valeurs associées

Euronext Paris -2.80%

0 commentaire

Signaler le commentaire

Fermer

Mes listes

Cette liste ne contient aucune valeur.