Un manifestant est emmené par des policiers lors d'une action de soutien à l'organisation Palestine Action, à Londres, le 4 octobre 2025 ( AFP / JUSTIN TALLIS )
Le gouvernement britannique a été accusé mercredi d'avoir fait preuve d'"autoritarisme" en interdisant l'organisation Palestine Action, classée terroriste en juillet, au premier jour de l'examen du recours contre cette décision, qui a relancé le débat sur la liberté d'expression au Royaume-Uni.
La décision d'interdire ce mouvement a été jugée "disproportionnée" par le Haut-commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, dénoncée par des organisations de défense des droits humains et critiquée par le Conseil de l'Europe.
Huda Ammori, cofondatrice de Palestine Action, a introduit un recours en justice pour contester cette interdiction, qui place le mouvement dans la même catégorie qu'Al-Qaïda, le Hezbollah ou l'Armée républicaine irlandaise (IRA).
Au premier jour d'audience mercredi, son avocat Raza Husain a dénoncé une décision contraire à la "longue tradition" de défense de la désobéissance civile au Royaume-Uni, "une honorable tradition à la fois dans notre loi et dans toute démocratie".
Il a cité l'exemple des suffragettes, militantes pour le droits de vote des femmes au début du XXè siècle, qui selon lui "auraient été passibles d'interdiction" si la loi antiterroriste actuelle avait été en vigueur.
La décision relève d'un "abus de pouvoir autoritaire", a-t-il insisté.
Une quarantaine de personnes s'étaient rassemblées devant le tribunal pour soutenir le groupe, brandissant des drapeaux palestiniens. Plusieurs d'entre elles, qui tenaient une pancarte "Je m'oppose au génocide. Je soutiens Palestine Action", ont été interpellées par la police.
Au moins 2.300 personnes ont été arrêtées depuis juillet dans plusieurs manifestations de soutien au groupe, selon l'association Defend Our Juries qui les organise. Au 20 novembre, 254 avaient été inculpées pour soutien à une organisation terroriste, selon la police. Elles risquent pour la plupart une peine allant jusqu'à six mois de prison.
Des manifestants assis montrent des pancartes en soutien au groupe Palestine Action, à Londres, le 6 septembre 2025 ( AFP / JUSTIN TALLIS )
Le gouvernement est notamment critiqué pour avoir pris en compte une définition trop large de ce qui constitue du terrorisme.
En juillet, le ministère de l'Intérieur a fait valoir que Palestine Action s'était engagé dans une "campagne de plus en plus intense" qui s'est notamment traduite par des "dégradations volontaires importantes, notamment sur l'infrastructure de sécurité nationale du Royaume-Uni".
Yvette Cooper, à la tête du Home Office en juillet, a assuré que certaines personnes soutenant Palestine Action "ne connaissaient pas la véritable nature de l'organisation", sans apporter plus de précision.
- Base militaire ciblée -
Créé en 2020, Palestine Action se présentait sur son site internet comme un "mouvement d'action directe engagé à mettre fin au soutien mondial au régime génocidaire et d'apartheid d'Israël".
Le Premier ministre britannique Keir Starmer à Londres, le 19 novembre 2025 ( AFP / CARLOS JASSO )
Il visait essentiellement des sites d'entreprises d'armement, notamment du groupe israélien Elbit Systems. Le gouvernement travailliste de Keir Starmer l'a classé comme organisation terroriste début juillet après une intrusion et des actes de vandalisme sur une base de l'armée de l'air britannique, dont les dégâts ont été évalué à 7 millions de livres (7,9 millions d'euros) selon le bureau du procureur.
Devant le tribunal, le gouvernement doit notamment démontrer que sa décision n'est pas disproportionnée par rapport au droit à la liberté d'expression garanti par la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH).
L'interdiction "n'interfère pas" avec la CEDH et "n'empêche pas les manifestations en faveur du peuple palestinien ou contre les actions d'Israël à Gaza", expliquent ses avocats dans leurs remarques écrites transmises à la Cour.
Tom Southerden, d'Amnesty International UK s'inquiète lui qu'une décision en faveur du gouvernement n'"ouvre la voie à l'utilisation de ce genre de mesures par de futurs gouvernements contre d'autres groupes ayant recours à l'action directe".
La défense de Mme Ammori a fait valoir que les autorités auraient dû et pu envisager d'autres moyens "moins draconiens" qu'une interdiction, commes celle utilisées vis-à-vis d'autres groupes par le passé.
Si la justice donne raison à Huda Ammori, les procédures lancées contre des soutiens de Palestine Action devront être abandonnées.
Cela n'aura en revanche pas d'impact sur les procès visant des militants inculpés pour des actions revendiquées par le groupe avant son interdiction. Six d'entre eux sont jugés pour cambriolage aggravé, accusés d'avoir pénétré sur le site d'Elbit Systems, près de Bristol (sud de l'Angleterre), en août 2024.
L'examen du recours doit s'achever la semaine prochaine, avant une décision à une date ultérieure.

0 commentaire
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer