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"Quand les prix du pétrole deviennent un sujet d'insomnie" par Patrice Geoffron (Cercle des économistes)
information fournie par Boursorama 16/02/2015 à 12:37

Le prix du pétrole a été divisé par deux depuis la mi-2014.

Le prix du pétrole a été divisé par deux depuis la mi-2014.

Après six mois consécutifs de baisse, le prix du baril de pétrole remonte depuis deux à trois semaines. Le marché semble fonctionner avec des prix échappant à toute régulation. Et pourtant ! Patrice Geoffron revient sur les causes et conséquences de cette inversion de tendance.

Chaque année, le World Energy Council publie un état des lieux des problèmes et tensions énergétiques en interrogeant les leaders des entreprises du secteur sur les risques qui les « empêchent de dormir la nuit » [1] . Dans l’édition 2014, la volatilité des prix est devenue le sujet d’insomnie majeur, plus encore que l’issue des négociations climatiques fin 2015.

Depuis quelques années, le découplage du prix du gaz entre États-Unis, Europe et Asie (et ses conséquences sur le prix du charbon) était déjà de nature à troubler le sommeil. Mais, la division par deux du prix du pétrole depuis la mi-2014 promet, elle, de nombreuses nuits agitées, d'autant que cette rupture est intervenue par surprise, l’année 2013 ayant été la plus calme depuis 1995.

Les thèses de nature géopolitique foisonnent pour expliquer cette soudaine tempête : action fomentée par l’Arabie Saoudite à l’encontre des Etats-Unis et/ou de la Russie, ou bien encore de l’Iran… Depuis les années 1970, un tropisme conduit à analyser les mouvements de prix en regardant du côté de l'offre, et en particulier de l'OPEP. Mais, la montée du prix de 20 à 150 $ entre 2000 et 2008 s'explique du côté de la demande, avec la dynamique des pays émergents, de même qu’en 2008 la chute des prix à 40 $ résulte de la crise et d'anticipations sur le recul des importations. Et la rupture de 2014 a des origines du côté du swing consumer qu’est la Chine, tout autant que du swing producer saoudien.

Dans un tel contexte, difficile de se risquer à des prévisions pour l’année à cours : le FMI prévoit ainsi que le prix du pétrole présente une probabilité de 95% d’être situé entre 30 et…105 $ en 2015. Regardons plutôt au-delà, en comparant les nouvelles références de prix de l’Agence Internationale de l’Energie [2] :

- À la mi-2014, l’AIE envisageait une décrue progressive des prix de 110 $ aux alentours de 90 $ en 2020.

- Dans ses prévisions de février 2015, la perspective est celle d’une remontée très progressive de 50 à 75 $, soit une quinzaine de dollars sous le point de fuite de 90$ envisagé auparavant.

L’AIE considère que la rupture de 2014 procède bien de l’évolution des fondamentaux et non pas seulement d’une action stratégique de l’OPEP susceptible d’autoriser rapidement un retour aux  niveaux de prix antérieurs.

- Si nous ne sommes pas à l’orée d’un contrechoc pétrolier, comme entre 1986 et 2000, le nouveau scénario de prix de l’AIE dévoile un choc sur la période 2015-2020: -5800 milliards de dollars sur la valeur du pétrole produit, dont -1600 milliards  pour 2015.

- -2100 milliards pour le pétrole échangé (1/3 de la production), dont -600 milliards pour 2015. Cette réallocation entre exportateurs et importateurs est une bonne nouvelle pour une Europe convalescente (d’autant que le prix du gaz sera tiré vers le bas), mais une alerte à l'abord de la conférence sur le climat de Paris de décembre 2015 : il est plus facile de réduire l'emprise du pétrole si la conviction commune est que son prix a vocation à être élevé. Il est toutefois possible de faire de ce choc une opportunité pour le climat : à la conférence de Copenhague en 2009, l'engagement a été pris d'abonder un fonds de 100 milliards de dollars par an, à partir de 2020, pour soutenir les efforts dans ce domaine des pays les plus pauvres. Gageons qu'Européens et Américains sauront utiliser les nouvelles marges de manœuvre que leur donne cette chute des prix du pétrole pour accélérer leur abondement de ce fonds et contribuer faire de la COP 21 de Paris un succès.

Patrice Geoffron

Docteur et Agrégé de sciences économiques, Patrice Geoffron enseigne actuellement à l’Université Paris Dauphine où il est également Directeur du Laboratoire d’Economie. Directeur du Centre de Géopolitique de l’Energie et des Matières Premières, il est engagé dans plusieurs Chaire dont la Chaire d’Economie du Climat et la Chaire European Electricity Markets .

Ses principaux domaines d’expertise sont l’économie de l’énergie et du changement climatique, l’économie de réseaux, l’économie des télécommunications, l’économie industrielle.

Le Cercle des économistes a été créé en 1992 avec pour objectif ambitieux de nourrir le débat économique. Grâce à la diversité des opinions de ses 30 membres, tous universitaires assurant ou ayant assuré des fonctions publiques ou privées, le Cercle des économistes est aujourd’hui un acteur reconnu du monde économique. Le succès de l’initiative repose sur une conviction commune : l’importance d’un débat ouvert, attentif aux faits et à la rigueur des analyses. Retrouvez tous les rendez-vous du Cercle des économistes sur leur site .

(1) World Energy Council (2014), World Energy Issues Monitor : What keeps energy leaders awake at night?

(2) Agence Internationale de l’Energie (2015), Oil : Medium-Term Market Report .

8 commentaires

  • 23 février 14:32

    Non non ..c'est très bien comme cela ..pas d'insomnie pour moi !


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