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Pourquoi les banquiers centraux ne relèvent pas leurs taux d’intérêt ?
information fournie par Le Cercle des économistes 07/02/2022 à 08:27

André Cartapanis
André Cartapanis

André Cartapanis

IEP Aix-en-Provence

Professeur

https://www.sciencespo-aix.fr/

Le siège de la Fed et de la BCE. (Crédit photo : Federal Reserve / BCE)

Le siège de la Fed et de la BCE. (Crédit photo : Federal Reserve / BCE)

Jeudi 3 février, la Banque centrale européenne a conservé son cap monétaire accommodant malgré une inflation record en zone euro. Mais pour combien de temps ? André Cartapanis dresse les perspectives d'actions avec des marges de manœuvres très serrées.

A première vue, les banques centrales des pays développés ne devraient guère avoir d'hésitations quant à l'orientation des politiques monétaires. On assiste à la combinaison d'une accélération de l'inflation (+ 5,1% en janvier dans la zone euro) et d'un fort rebond de la croissance, après la récession de 2020, accompagné de créations d'emplois et conduisant à un taux de chômage parmi les plus bas depuis longtemps.

Il n'y a donc pas de conflit d'objectifs : en menant une politique monétaire moins accommodante, et en relevant les taux d'intérêt directeurs, on peut faire d'une pierre deux coups en s'attaquant à l'inflation sans trop risquer de dégrader l'emploi. Pourquoi, alors, les banquiers centraux sont-ils si hésitants, surtout dans la zone euro, en laissant les taux directeurs inchangés tout en annonçant leur remontée possible fin 2022 ou en 2023 ?

Des préoccupations de plus long terme

Premièrement, les effets des politiques monétaires s'exercent de moins en moins par le canal du crédit et par l'impact mécanique des taux sur le volume du crédit, la demande globale et, in fine, sur l'inflation ou la croissance. Le poids des marchés financiers, des prix d'actifs, des effets richesse, des niveaux d'endettement, pas seulement des Etats mais aussi des ménages et des entreprises, est devenu dominant. D'où, d'ailleurs, les explications de Jerome Powell ou de Christine Lagarde, lors des conférences de presse faisant suite aux réunions des comités de politique monétaire, en direction des « marchés » bien plus que des entreprises, et moins encore des ménages. Or, une hausse des taux conduit inévitablement à une montée des risques, à des tensions sur la soutenabilité de l'endettement public ou privé, à une fragilisation des bilans, à des ajustements brutaux et des réallocations d'actifs sur les marchés d'actions et les marchés obligataires, à une volatilité accrue. Sans parler des effets sur les pays émergents. De quoi hésiter !

Deuxièmement, quelle est l'origine du rebond actuel de l'inflation ? Est-ce une réponse à un choc de demande, de nature à perdurer, et créant une demande excédentaire sur les marchés de biens et services ? C'est douteux, au vu de la hausse des taux d'épargne des ménages, d'un niveau d'investissement en capital productif qui reste modéré et des effets anticipés de la réduction des déficits budgétaires qui se profile au sortir de la pandémie. Mais si le redémarrage de l'inflation s'explique par un choc d'offre (pénurie de sources d'énergie, goulots d'étranglement dans les chaînes de valeurs internationales), alors l'inflation actuelle est temporaire et une remontée des taux sans fondement. A nouveau, de quoi hésiter.

Troisièmement, au-delà de la cible d'inflation (autour de 2%) et de l'output gap (l'écart entre la croissance observée et la croissance potentielle), les banques centrales intègrent dans leurs décisions de court terme des préoccupations de plus long terme, en référence au fameux taux d'intérêt naturel, dénommé aussi le taux neutre ou le R*, qui n'est rien d'autre que le taux d'intérêt réel qui conduit l'output au plus près de l'output potentiel tout en assurant le plein-emploi et la stabilité des prix dans le long terme. R* n'est pas observable et doit être estimé, ce qui est loin d'être aisé. Mais les mutations en cours dans les systèmes productifs et dans la société (environnement, énergie, résilience, digitalisation, santé, grand âge…), s'ajoutant à la chute des gains de productivité et au vieillissement des populations, jouent toutes dans le même sens : des besoins d'investissement considérables, sans traduction immédiate en termes de croissance de l'output et des revenus réels, conduisant à la poursuite de la baisse de R* et justifiant le maintien de taux d'intérêt directeurs aux niveaux actuels.

Les hésitations des banques centrales ne relèvent ni d'un biais vers l'inaction, ni d'une sorte de procrastination. Les taux d'intérêt réels de long terme doivent rester très faibles, durablement, et le maintien des taux courts à des niveaux proches de zéro, couplé à un regain d'inflation, peut y contribuer.

8 commentaires

  • 16 février 18:19

    Pourquoi? Parce que Christine Laggard...


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