(Crédits: Unsplash - Zlaťáky.cz)
Le prix de l'or vient de franchir un nouveau record, porté par une demande mondiale sans précédent. Investisseurs particuliers, fonds indiciels et banques centrales de pays émergents, en particulier la Chine et la Russie, se ruent sur le métal jaune, détaille Luke Hartigan, professeur d'économie à l'université de Sydney.
Mardi 14 octobre, le cours de l'or a franchi pour la première fois la barre des 4 100 dollars américains (3 525 euros) l'once, portant la hausse de cette année à plus de 50 %. La rapidité de cette flambée dépasse de loin les prévisions des analystes et représente quasiment un doublement depuis le début du mouvement, amorcé début 2024.
Cette envolée a séduit investisseurs et épargnants, au point de provoquer de longues files d'attente devant des comptoirs de change et des négociants en métaux précieux.
Qu'est-ce qui explique cet envol ?
Plusieurs raisons ont été avancées pour expliquer cette course record : l'incertitude économique liée à l'endettement croissant des États et à la paralysie budgétaire américaine, ou encore les craintes d'une perte d'indépendance de la Réserve fédérale. Si sous pression politique, elle venait à baisser les taux américains, cela pourrait relancer l'inflation, contre laquelle l'or reste une valeur refuge traditionnelle.
Mais ces facteurs ne suffisent pas à expliquer la hausse fulgurante. D'abord parce que la progression de l'or s'inscrit dans une tendance haussière continue depuis plusieurs années, bien avant que ces éléments ne surgissent.
Prix moyen mensuel de l'or, US$/oz (Chart: The Conversation Source: LBMA)
L'explication la plus plausible se trouve du côté de la demande croissante pour les fonds indiciels cotés en bourse (communément appelés ETF) adossés à l'or. Ces instruments financiers permettent aux investisseurs d'acheter et de vendre de l'or en Bourse aussi facilement qu'une action ou une obligation, ce qui démocratise considérablement l'accès au métal jaune. Avant le lancement du premier ETF or en 2003, il était bien plus difficile pour le grand public de s'exposer à ce marché. Aujourd'hui, l'or peut se négocier comme n'importe quel actif financier, ce qui change la perception de son rôle de valeur refuge en période de turbulences.
À cette demande des particuliers s'ajoute celle de certains pays émergents, en particulier la Chine et la Russie, qui convertissent une partie de leurs réserves officielles en or au détriment des grandes devises comme le dollar. Selon le Fonds monétaire international, leurs réserves physiques d'or ont augmenté de 161 % depuis 2006, atteignant environ 10 300 tonnes, contre seulement 50 % de croissance entre 1955 et 2005.
Réserves officielles d'or de la banque centrale, en tonnes (Chart: The Conversation Source: IMF)
Cette réorientation s'explique notamment par l'usage accru des sanctions financières par les États-Unis et et d'autres gouvernements émetteurs des principales monnaies de réserve (dollar américain, euro, yen japonais et livre sterling). La Russie, devenue acheteuse nette d'or en 2006, a accéléré ses achats après l'annexion de la Crimée en 2014 et dispose aujourd'hui de l'un des plus gros stocks mondiaux. La Chine, de son côté, réduit ses avoirs en obligations américaines pour renforcer ses réserves en or, dans une stratégie dite de « dédollarisation ».
Après l'exclusion de la Russie du système de paiements Swift et face aux projets occidentaux de saisie d'avoirs russes pour contribuer à financer l'effort de guerre en Ukraine, de nombreuses banques centrales émergentes ont accru leurs réserves d'or. Pour elles, les grandes monnaies occidentales comportent désormais un risque politique, contrairement à l'or. Cette tendance pourrait à terme réduire l'efficacité des sanctions financières comme outil diplomatique.
Jusqu'où l'or peut-il monter ?
La demande persistante des banques centrales russes et chinoises, conjuguée à l'appétit des investisseurs pour les ETF, laisse entrevoir de nouvelles hausses. Les ETF attirent d'autant plus de capitaux que les prix montent, sous l'effet d'un certain « Fomo » (Fear of missing out ou peur de rater le train). Le Conseil mondial de l'or a ainsi fait état en septembre d'entrées record dans ces fonds : 26 milliards de dollars au troisième trimestre (22,4 milliards d'euros) et 64 milliards de dollars (55 milliards d'euros) sur les neuf premiers mois de l'année.
Les achats des banques centrales émergentes, eux, dépendent moins du prix que des facteurs géopolitiques, ce qui continue de soutenir la demande. Sur cette base, Goldman Sachs a déjà relevé son objectif de cours à 4 900 dollars l'once d'ici à fin 2026.
Un atout pour l'Australie
Quelles conséquences pour l'Australie ? Troisième producteur mondial, avec 19 % des réserves connues, le pays est bien placé pour profiter de cette envolée. Le ministère de l'Industrie, des Sciences et des Ressources du pays prévoit même que la valeur des exportations d'or dépassera dès l'an prochain celle du gaz naturel liquéfié. L'or deviendrait ainsi le deuxième produit d'exportation, juste derrière un autre métal « précieux » : le minerai de fer.
Auteur : Luke Hartigan Lecturer in Economics, University of Sydney
Cet article est issu du site The Conversation
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