Un hélicoptère NH 90 allemand. (Crédits: Airbus Helicopter - Eric Raz)
Contexte : en février 2022, la guerre entre Russie et Ukraine est devenue totalement ouverte. Puis l'élection de Donald Trump à la Présidence des USA fin 2024 redéfinit la politique extérieure des USA : manifestement, la première puissance du monde veut se replier sur elle-même, laisser l'Europe gérer ses relations compliquées avec la Russie et cesser de la soutenir militairement.
L'idée a fait son chemin, que désormais l'Europe doit prendre en charge sa propre défense. En Bourse, ce sont ces deux évènements qui ont fait fortement progresser l'indice « Aéronautique et défense » de l'indice STOXX. Il a réalisé depuis la fin 2013 une performance annuelle moyenne de 12,8%, vs 4,4% pour l'indice général. Comme le montre le graphique suivant, cette performance a été très concentrée sur les deux dernières années :
Source : Factset et Phiadvisor Valquant
Dès lors se pose naturellement une question clé pour les investisseurs, les industriels et pour le marché dans son ensemble : le secteur est-il dans une situation de bulle spéculative ? Et donc, ne risque-t-on pas de subir des pertes importantes en achetant maintenant un secteur excessivement valorisé ? Pour répondre à cette question, nous avons calculé le Price/earnings ratio (PER) médian d'un échantillon des 40 actions européennes du secteur aéronautique défense de FACTSET, ainsi que celui de 50 actions américaines du même secteur. Ensuite nous le comparons au PER des indices généraux respectifs.
Aux USA, manifestement le secteur aéronautique et défense n'a pas changé de régime d'évaluation. Il a alterné des périodes de légère prime ou décote, et globalement la hausse des PER a été en ligne avec la hausse du PER du marché (pour les USA, le S&P 500). En Europe, en revanche, le secteur a bien changé de régime d'évaluation. Alors que jusque 2014, année de l'annexion de la Crimée par le Russie, le secteur montrait en général une légère prime par rapport au marché (représenté par le Stoxx600), après cette date il a régulièrement progressé. C'est bien sûr à partir de février 2022, et surtout depuis le début de l'année 2025, que la prime a très fortement progressé. En termes de PER relatif, le graphique ce dessous est plus parlant encore :
Source : Factset et Phiadvisor Valquant
Ainsi, fin aout 2025 le secteur européen vaut 24 fois ses bénéfices prospectifs à 12 mois, soit une prime de 80% sur le marché. Un tel traitement est-il justifié ? Les deux facteurs explicatifs de l'évaluation des entreprises sont leur risque et leur croissance.
Concernant le risque, on peut faire l'hypothèse qu'il n'a pas significativement évolué. La modification du PER relatif ne peut s'expliquer que par une hausse de la croissance à long terme anticipée par le consensus Factset des analystes financiers.
Cette croissance est stimulée par la volonté des pays européens d'augmenter leur budget de défense national d'ici 2020 et au-delà. L'objectif de 5% du PIB est cité par de nombreux spécialistes, et a minima on sait que les dépenses de défense vont augmenter rapidement : il est donc évident que l'activité et les résultats des entreprises du secteur vont croitre plus vite dans le futur, que dans le passé...Mais de combien ?
Parmi les nombreuses informations collectées par Factset auprès de ses contributeurs bureaux d'études financières, on trouve le taux de croissance à 5 ans anticipé par l'analyste financier. Cette information n'est pas disponible pour l'ensemble de l'échantillon, mais sur le nombre d'actions concerné, cela permet de valider le calcul d'une médiane, sachant que les valeurs extrêmes, au-delà de +/- 30%, sont « capées » à ce niveau (de 30%).
Source : Factset et Phiadvisor Valquant
Ce graphique montre que les anticipations de la croissance à 5 ans des bénéfices des entreprises américaines sont actuellement dans le haut de le fourchette observée depuis 20 ans, à 13%. En revanche, cette croissance à long terme a fortement progressé pour le secteur européen : alors qu'elle évoluait entre 0 et 15% de 2005 à 2019, elle a fortement progressé depuis le début de l'actuelle décennie, pour atteindre aujourd'hui 20%.
On remarque aussi que la croissance du secteur européen était habituellement inférieure à celles du secteur américain jusque 2020, et que depuis cette date elle lui est très supérieure (aujourd'hui 20% en Europe vs 13% pour les USA).
En synthèse, si le secteur aéronautique défense montre désormais une prime de 80% sur le PER du marché, alors qu'elle n'existait pas avant 2014. La croissance anticipée à moyen terme a elle plus que doublé, à 20%, soit sensiblement plus que la croissance à moyen terme du marché (8-10%).
Notre conclusion est qu'à fin aout 2025 : il n'y a pas de bulle spéculative du secteur aéronautique défense en Europe. Pour les investisseurs si bulle il y a, c'est au niveau de chaque action qu'il faut regarder…
Par Eric Galiegue, associé de PhiAdvisor Valquant et Rainier Brunet-Guilly, co-fondateur et associé d'AllStrat
L'un est un analyste reconnu sur les marchés cotés. Le second est stratège financier au cœur du non-coté.
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