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LDC : de la saine économie dans la volaille
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 11/12/2025 à 08:35

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

Des produits Le Gaulois, une marque du groupe LDC. (Crédits: Adobe Stock)

Des produits Le Gaulois, une marque du groupe LDC. (Crédits: Adobe Stock)

On ne sait pas si ça arrivera ou pas, et le débat reste largement ouvert sur la question, mais plus le temps passe et plus la probabilité d'un krach boursier des valeurs High Tech semble augmenter. Un krach qui pourrait faire des dégâts collatéraux dans d'autres compartiments de la cote, voire dans l'économie réelle, puisque ce fantastique boom de l'IA est de plus en plus alimenté par de la dette, laquelle dette est éventuellement de plus en plus souscrite par n'importe qui grâce aux joies de la titrisation, mais nous verrons bien.

Les valeurs défensives pourraient retrouver un certain charme un de ces jours

En attendant, revenir un peu sur les valeurs défensives pour se prémunir contre ce genre d'accident désagréable peut se révéler une bonne idée ex post. Ces valeurs défensives étant comme chacun sait celles de sociétés dont l'activité est peu exposée aux aléas de la conjoncture, exerçant des métiers pépères aux activités à forte récurrence comme vendre de l'eau du robinet, de la communication téléphonique et tout ce qui va autour, de l'électricité et du gaz de ville, et aussi et surtout de l'alimentation, puisqu'il faut impérativement manger (et boire) tous les jours.

Un renforcement tactique qui ne coûte pas très cher qui plus est, lesdites valeurs défensives étant aussi "value" le plus souvent, et affichant des multiples de valorisation bien inférieurs à ceux des valeurs high tech et autres fusées de feux d'artifice, et le plus souvent aussi inférieurs aux moyennes de marché. Comme, par exemple Veolia Environnement avec un PER 2026 de 12x, ou Carrefour à moins de 8x, contre un PER de 16x environ pour le Cac 40. Et donnant assez souvent (mais pas toujours) des dividendes généreux avec de bons rendements à la clé, en bonne vaches à cash qu'elles sont. D'autant qu'on en est plutôt bien pourvu sur le marché parisien, où cotent notamment des grands groupes de l'agroalimentaire comme Danone, Pernod Ricard, ou encore le plus discret LDC.

LDC : le poulet de Loué, et bien d'autres choses encore

Basé à Sablé sur Sarthe (72), LDC fabrique et vend principalement de la volaille et des produits dérivés de la volaille et est un géant de l'agroalimentaire dans son genre avec un chiffre d'affaires de 7 milliards d'euros attendu pour l'exercice en cours qui clôture fin février 2026, et plus de 28 000 collaborateurs. Et une société cotée faisant moins parler d'elle que d'autres acteurs de son secteur comme Danone ou Nestlé, et toujours contrôlée (à près de 80% du capital) par un concert de familles fondatrices, dont des membres occupent toujours des postes de direction.

LDC a 85% de son activité en France, et 70% de ses ventes avec des marques qui remplissent les rayons de frais des grandes et moyennes surfaces de la distribution alimentaire et que tout le monde ou presque connaît (puisque tout le monde ne peut pas faire ses courses chez Fauchon à la Madeleine, qui, d'ailleurs, n'existe plus). Il y a très notamment le très fameux poulet de Loué et son label rouge qui garantit l'élevage en plein air (créé en 1958 par et pour la coopérative des Fermiers de Loué, alias la Cafel, qui est aussi actionnaire), les découpes de dinde, de pintade, de canard (de caille, de coquelet, de lapin, etc…) et, bien entendu, de poulet de Maître Coq, et les produits élaborés (émincés, cordons bleus, panés, etc...), la charcuterie (allumettes de canard), blanc, jambons de poulet, etc…), les œufs, voire les volailles entières de Le Gaulois. D'autant que pour compléter son offre (et vraisemblablement avoir plus de poids auprès de ses chers très grands clients distributeurs), LDC a aussi une belle marque grand public de plats cuisinés surgelés ou frais : Marie, et des produits traiteur qui contribuent en tout pour 15% du chiffre d'affaires consolidé.

Pour couronner le tout, et de façon plus anecdotique, LDC fabrique aussi de la viande végétale à partir de blé et de pois en burgers, cordons bleus etc…, et s'adapte donc imperturbablement aux nouveaux besoins de consommation, ce qui n'a rien d'étonnant, puisque c'est l'ADN du groupe.

Clients : pas du tout que la GMS

La grande distribution en France est le premier secteur client de LDC avec 48% chiffre d'affaires, mais le groupe est aussi très présent en Pologne avec sa marque Drosed, et en Hongrie, pour les oies et les canards, avec son label Golden Food, et il exporte par ailleurs des volailles étiquetées qualité française sous son label Nature & Respect, et sous la marque Doux (French Goodness!) aussi, soit en tout 15% du chiffre d'affaires à l'international.

LDC adresse de plus très logiquement le marché de la restauration hors domicile, autrement dit des restaurants (plus ou moins rapides et plus ou moins industrialisés) avec deux marques en France : Le Gaulois Professionnel, et Poule et Toque (Complice des Chefs) et vend aussi aux autres industriels de l'agroalimentaire, soit en tout 30% de son activité, ce qui n'est pas rien. Avec toujours, ce qui est important à noter puisque c'est à la base du modèle d'affaire, et très ancré dans la culture d'entreprise, des engagements sur la qualité de l'alimentation et des conditions d'élevage des volailles (le bien nommé "bien-être animal", pour notre bonne conscience de carnivores impénitents), le tout codifié dans une démarche : Nature d'Eleveur.

Industriel de l'amont à l'aval

LDC est très intégré verticalement : le groupe achète ses volailles à plus de 8 000 éleveurs partenaires, dont 6 500 en France, qui produisent selon ses normes de qualité, et fournit ces éleveurs en reproducteurs, couvoirs et aussi et surtout en aliments fabriqués à partir de céréales, les aliments étant le métier originel du groupe en fait. Et s'engage en quelques sortes à garantir une rémunération qui rende ce métier d'éleveur suffisamment attractif pour qu'il continue à se développer. En aval, le groupe a un outil industriel puissant avec 118 sites de production en tout, et 17 plateformes logistiques, un outil en amélioration permanente, comme avec le programme Niagara de 200 millions d'euros d'investissements dans quatre des principaux sites du groupe. Puisqu'il faut toujours plus de capacités de production pour répondre à la demande, la consommation de poulet étant de fait en progression régulière, voire en accélération ces derniers temps, après avoir dépassé en volumes la consommation des autres viandes, et serait dommage de laisser la part belle de cette croissance aux produits importés, qui servent déjà la moitié du marché français a priori.

Vraiment très gros, en fait

Selon les statistiques professionnelles, le marché français de la volaille se situe autour de 10 à 12 milliards d'euros par an, dont 7 à 9 milliards d'euros pour le poulet et ses dérivés : avec ses plus de 5 milliards d'euro de chiffre d'affaires réalisé dans notre pays, LDC est indubitablement le premier acteur de ce marché. Avec un autre grand acteur cependant : Galliance, détenu par les coopératives Terrena, et qui joue aussi la qualité (dans 18 sites de production, et fabrique le Père Dodu, qui est une institution), ainsi qu'un autre gros producteur, non-coté lui aussi et plus milieu de gamme en principe : le hollandais Plukon, avec ses 3,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires, actif en France mais fort aussi en Allemagne, en Belgique, en Pologne, en Espagne, etc…

Une maîtrise ancienne des M&A

Sur ce marché plutôt porteur à long-terme, et naturellement atomisé, avec des bassins d'élevage avicole régionaux où s'approvisionnent des industriels petits et grands de l'abattage, de la transformation et de la commercialisation, LDC a dès ses débuts accéléré sa croissance avec les acquisitions Et avec une bonne exécution de l'intégration semble-t-il, à en juger par la taille actuelle du groupe. A commencer par un confrère implanté dans le Sud-Ouest : Bidou, au début des années 1990, suivi par La Toque Angevine en 1994, une entrée dans les produits traiteurs frais, puis par le confrère polonais Drosed en l'an 2000, le boulanger Huttepain en 2001, le crépier Régalette en 2003, le traiteur Marie en 2009, Maître Coq en 2010, plus la reprise de Doux en 2018, le grand spécialiste de l'exportation du poulet breton, en association avec Terrena et la société Al-Munajem, client historique de Doux, etc…, etc… sans parler d'une kyrielle de petits abattoirs/ateliers de transformation çà et là. Le groupe a aussi racheté Capestone en 2021 au Royaume Uni, et fait plus récemment deux petites acquisitions (Indykpol, Konspol) en Pologne en 2024 pour renforcer Drosed, en plus de Calibra en Roumanie et ECF en Allemagne dans les produits élaborés. En mai 2025, LDC a repris Groupe Pierre Martinet (salades diverses et variées) et vient enfin d'annoncer une alliance avec Green Label en Grande Bretagne, une autre affaire familiale, seul producteur anglais de canards etc.., avec une intégration très verticale aussi fermes + élevages + couvoirs + usine de transformation, et surtout une marque phare outre-manche : Gressingham.

Rentabilité : plutôt agréable à regarder…

Avec sa facilité à réussir des acquisitions, un marché du poulet doucement porteur, une certaine diversification et malgré des pressions permanentes ou presque sur les prix, LDC ne peut faire que de la croissance tous les ans ou presque. Soit un taux moyen (ou CAGR, pour les fins financiers) de +9% par an entre 2021 et 2025, dont +2% sur le dernier exercice 2024-2025 clôturé en février dernier, soit des volumes totaux en progression de +4,5% (dont+8,3% et 740 356 tonnes pour le pôle volaille) pour des efforts promotionnels "soutenus" sur les prix, selon la direction. Avec, pour être plus précis, une légère baisse dans la volaille vendue en France et en GMS (-0,3%), compensée par les ventes à la restauration et l'international.

Mais tout est bien reparti sur le premier semestre de l'exercice en cours clôturé au 31 août avec une croissance des ventes de +19,2%, dont +14% en volumes, et donc des prix nettement meilleurs, et avec une très forte contribution des acquisitions récentes, mais une bonne croissance aussi à périmètre constant : +5,7% dont +1,7% pour les volumes (dont +0,8% pour le pôle Volaille).

Pour ce qui est de la profitabilité, on notera que la marge opérationnelle (: l'Ebitda de la finance moderne, moins les amortissements/Chiffre d'affaires) a reculé de -1 point à 5% en 2024-25, principalement pour cause de prix dégradées, mais on notera aussi qu'elle ne s'est pas franchement améliorée sur le 1er semestre malgré les revalorisations tarifaires. Parce que LDC a semble-t-il répercuté ces hausses de prix à ses fournisseurs éleveurs, ce qui est la moindre des choses pour une saine économie, et parce ces hausses de prix sont aussi une hausse des coûts de matière première pour le pôle traiteur, tout simplement.

Mais 5% de marge opérationnelle ne semble pas si mal que ça pour le métier, si l'on songe qu'elle a évolué entre 4% et 6% ces cinq dernières années chez LDC, alors qu'un autre grand acteur du poulet assez comparable : l'américain Tyson Foods, a dégagé quant à lui du 2,9% sur son dernier exercice après 2,8% sur l'exercice précédent.

…et le bilan encore plus

Mais ce n'est pas tout : LDC a de bonnes finances apparemment, avec un endettement net négatif. Soit dans son bilan plus de liquidités en caisse et de quasi-liquidités que de dettes financières, et en corollaire une situation de trésorerie nette (toutes ces liquidités moins l'endettement à court-terme) largement positive, qu'on se le dise. Soit au 31 août 797 millions d'euros de cash ou presque cash pour 723 millions de dettes financières et une situation de trésorerie nette de +486 millions.

Un bilan très agréable à regarder, surtout après toutes ces acquisitions, ce qui n'est pas toujours le cas loin s'en faut des sociétés qui s'agrandissent en pratiquant souvent cet exercice. Parce que LDC ne flambe pas trop, et autrement dit dépense rarement plus que son free cash-flow, qui est ce qui reste de sa capacité d'autofinancement après avoir fait les bons investissements de maintien pour son grand outil de travail (au bas mot 320 à 350 millions d'euros par an) dans ses acquisitions.

Ce qui est, là aussi, de la saine économie.

Sans aucun doute.

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