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G.E.A. : le cash ne ment pas
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 25/02/2019 à 11:00

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

GEA conçoit, fabrique, installe et maintient les systèmes de péages en services sur presque toutes les autoroutes en France, avec la clientèle de 13 sociétés d'autoroutes sur 14, et, de plus en plus à l'international. (crédit : Adobe Stock)

GEA conçoit, fabrique, installe et maintient les systèmes de péages en services sur presque toutes les autoroutes en France, avec la clientèle de 13 sociétés d'autoroutes sur 14, et, de plus en plus à l'international. (crédit : Adobe Stock)

Sur les marchés financiers, comme ailleurs et peut-être même plus qu'ailleurs, il y a des modes. Des modes créées par des idées apparemment brillantes au départ, mais qui ne sont finalement pas toujours des bonnes idées (on s'en aperçoit après). Ces bonnes idées a priori sont des concepts nouveaux, et donc intéressants, qui s'appuient le plus souvent sur un substrat théorique et bien mathématique de préférence. Elles ont aussi des noms en acronymes comme il se doit, de préférence en langue anglaise, qui leurs donnent un petit côté mystérieux, et donc encore plus scientifique a priori. Comme EVA, par exemple, pour Economic Value Added, que l'on peut éventuellement traduire par "Valeur Ajoutée Economique", ou encore ROCE, pour Return On Capital Employed, que l'on peut éventuellement traduire aussi par "Retour sur Capitaux Employés".

EVA et ROCE sont tous deux des concepts qui permettent en principe de mesurer la profitabilité d'une entreprise sous forme de rendement en pourcentage en partant des chiffres de ses comptes. Et qui permettent surtout de calculer en principe la création de valeur, en d'autres termes la performance économique de la direction, dont la mission sacrée est d'enrichir l'actionnaire.

Le dit actionnaire se posant quant à lui la question du WACC. Le WACC, pour Weighted Average Cost of Capital, que l'on peut éventuellement traduire par "Coût Moyen Pondéré du Capital", étant le rendement minimum que l'actionnaire se doit d'exiger de son investissement. Etant entendu qu'il a toujours le choix d'investir ailleurs, et que plus un investissement présente un risque élevé, plus on est en droit d'en exiger un rendement élevé : contrairement à la légende, on s'enrichit rarement en dormant et, comme disent les anglo-saxons : "no free lunch on the financial markets" (que l'on peut éventuellement traduire par "il n'y a pas de repas gratuit sur les marchés financiers").

Des concepts qui peuvent se démoder

Tout cela peut paraître parfait, mais il y a un problème cependant : il y a des formules (et des chapelles) variées pour calculer l'EVA comme le ROCE et le WACC, et mesurer précisément la création de valeur en pourcentage paraît finalement assez aléatoire. Et le meilleur usage que l'on puisse en faire est plutôt dans les montages de projets, un métier où tout n'est que prévisions et assez éloigné des marchés. Ce qui explique éventuellement pourquoi de tels concepts, universels en principe, peuvent se démoder au bout d'un certain temps, auprès de l'investisseur boursier en tous cas.

Ce d'autant plus qu'il existe une autre façon de mesurer la création de valeur, et sans support théorique : en comptant tout simplement l'argent qui reste au coin de la table à la fin de l'année. Autrement dit, en regardant le "free cash-flow", la génération tangible de trésorerie libre en euros, année après année, par l'entreprise en question. Avec le calcul le plus primitif possible, puisqu'il n'y a pas vraiment de valeurs exactes quand on fait de l'analyse financière, c'est-à-dire en ne prenant que trois chiffres dans le rapport financier annuel de l'entreprise considérée : i) le résultat net, plus ii) la dotation aux amortissements, moins iii) les investissements = free cash-flow. Ce free cash-flow, s'il est positif, étant l'argent qui reste pour l'actionnaire une fois que la société a bien réalisé les investissements nécessaires au maintien de son outil de travail. De l'argent qui est dans la caisse, et qui s'y accumule année après année s'il n'est pas distribué sous forme de dividendes.

Une belle rentabilité

On trouve un très bon exemple dans la cote parisienne avec, G.E.A., une petite société grenobloise familiale plutôt "high tech" (GEA ; 87€), qui a réalisé un chiffre d'affaires de 44 millions d'euros sur son dernier exercice clos fin septembre 2018 et qui avait à cette date 75 millions d'euros de liquidités en caisse, rien que ça. Pour zéro dette financière qui plus est, ce qui est plutôt rare, soit (histoire de jargonner encore un peu) une situation de trésorerie nette positive de 75 millions d'euros.

De fait, la société a un bon métier : avec ses 190 salariés, elle conçoit, fabrique, installe et maintient les systèmes de péages en services sur presque toutes les autoroutes en France, avec la clientèle de 13 sociétés d'autoroutes sur 14, et, de plus en plus à l'international. G.E.A. revendique une forte part de marché face à de grands concurrents comme Thales, grâce semble-t-il à de bons produits, avec une offre large qui couvre tous les besoins : péage manuel, automatique (avec ou sans arrêt), télépéage, gares complètes avec des voies tous paiements et leur système intégré de supervision et d'assistance, péage automatique Free Flow sans barrière, etc… et leurs différentes combinaisons. La société fait aussi a priori preuve d'une grande réactivité pour livrer clé en main dans les délais, et assurer le renouvellement et la maintenance/entretien des systèmes installés dans ses contrats pluri-annuels de fourniture.

Et elle dégage une très belle rentabilité, améliorée encore au niveau du résultat net par la rémunération de la trésorerie, alors que ses besoins d'investissements sont limités, la société vendant essentiellement de la matière grise et du service : d'où un fort free cash-flow tous les ans, soit 6 millions d'euros par an environ ces trois dernières années.

Et d'où aussi cette belle accumulation de liquidités dans la caisse, devant laquelle l'investisseur boursier de base s'interroge : que faire de toute cette trésorerie parfaitement pléthorique ? d'autant que sa rémunération va baisser fortement avec la fin de placements donnant de bons coupons. Sans parler des puristes de l'EVA et du WACC qui s'inquiètent : comment optimiser ce bilan inefficient ? Etc. etc.

En fait, et selon la direction de la société, ce cash sert tout d'abord de matelas de sécurité dans les passes difficiles, alors que G.E.A. doit affronter une nette baisse de son activité en France, un marché plus que mature, tout en engageant des coûts de développement dans deux relais de croissance : les systèmes de parking, et les péages à l'international. Et il sert de fait aussi à prendre plus de risque à l'international, où la société a déjà de nombreux clients, mais où il faut éventuellement être agressif sur les prix pour pénétrer de nouveaux marchés, tel le Viet-Nam ou le Bangladesh, et accepter des paiements échelonnés, bref, faire crédit.
Le tout constituant enfin, toujours selon la direction, un véritable avantage compétitif sur des marchés plutôt combattus : les clients aiment bien les fournisseurs solides, et le cash ne ment pas, c'est bien connu.

Jérôme Lieury - Analyste Senior - Olier Etudes & Recherche - Membre du Cercle des Analystes Indépendants - www.olier-etudes-recherche.fr.

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