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Exosens : la nouvelle valeur du nouveau boom de la défense
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 13/03/2025 à 07:51

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

Des jumelles de vision nocturne. Exosens fournit les tubes des JVN. (Crédits: Adobe Stock)

Des jumelles de vision nocturne. Exosens fournit les tubes des JVN. (Crédits: Adobe Stock)

On a eu le boom de la voiture électrique, puis le boom de l'IA, et maintenant on a le boom de l'économie de guerre, pour des considérations qui dépassent totalement l'analyse financière, et sur lesquelles nous ne nous étendrons donc pas. Sauf pour dire que le néologisme "économie de guerre" qui a cours en ce moment peut paraître un peu fort, voire a tout d'un oxymore puisque la guerre, et on a malheureusement l'occasion de le constater de temps à autres, a une fâcheuse tendance à détruire les économies plutôt qu'à les développer.

D'autant que les armes ne sont de plus pas des biens comme les autres, même si on peut en faire le commerce, puisque ce sont des outils de souveraineté. C'est pourquoi les sociétés qui les fabriquent font plutôt partie d'une "industrie de guerre" ou d'une "industrie de Défense", ou de l'armement, voire d'un complexe militaro-industriel comme aux USA, qui a pour clients les Etats avant tout, et opèrent de fait sur un marché un peu particulier, il faut ne jamais l'oublier.

Beaucoup plus d'argent pour l'industrie de la Défense

Mais il n'empêche : on est bien en plein boom, puisque lesdits Etats clients doivent (et vont vraisemblablement) acheter plus d'armes pour renforcer leurs systèmes de Défense. Et ce surtout en Europe, où on s'est laissé quelque peu désarmer et où on a en d'autres termes baissé la garde alors que la menace augmentait dangereusement en principe. C'est en tout cas indubitablement la thèse qui prévaut en ce moment, et qui fait que les Etats de l'Union Européenne vont tout aussi indubitablement dépenser plus d'argent, soit en gros un point de plus de PIB (: passer de 2% à 3%), auprès de la grande industrie de la Défense.

Le tout assorti de quelques annonces fracassantes au début de ce mois, dont la moindre n'est pas celle du nouveau gouvernement allemand renonçant à sa rigueur budgétaire traditionnelle pour dépenser de 200 à 400 milliards d'euros de plus en nouveaux armements divers et variés. Tout comme l'annonce du fantastique plan ReArm Europe de la Commission Européenne qui prévoit quant à lui que les Etats membres investissent dans le militaire 800 milliards d'euros ces quatre prochaines années. Des sommes qui ne seront pas comptées dans le tristement célèbre plafond des 3% de déficit budgétaire à concurrence de +1,5% du PIB, et qui seront aussi financées en partie par un fonds EU émettant des emprunts pour la Défense, comme au bon vieux temps.

Ce qui peut bien aider il est vrai les Etats impécunieux comme la France, et s'est surtout vite retrouvé dans les progressions toutes aussi fracassantes des cours de Bourse de la plupart des fournisseurs d'armement européens cotés, à savoir depuis le 1er janvier +48% pour Dassault Aviation, +69% pour Leonardo, +72% pour Thales, et… +105% pour Rheinmetall ! Et aide vraisemblablement bien aussi des mid caps du secteur comme Exosens, dont le cours gagne quant à lui +64% "year to date" (YTD, pour les fins connaisseurs des marchés financiers).

Exosens : des équipements électroniques de pointe, sans aucun doute…

Basée à Mérignac (Gironde) et avec des sites de R&D et de production en France (Brive-la-Gaillarde), aux Pays-Bas, en Belgique, aux États-Unis, en Allemagne, au Royaume-Uni et au Canada, Exosens conçoit, fabrique et vend à plus de 300 clients industriels équipant plus de 70 forces armées des composants électroniques ou optronique etc… sophistiqués, le tout pour un chiffre d'affaires 2024 de 394 millions d'euros, dont plus de 90% hors de France, et 1 700 employés.

Exosens est l'ex-Photonis (elle-même ex-filiale française de Philips), société réputée depuis longtemps pour ses tubes amplificateurs de lumière, avec comme principale application les jumelles de vision nocturne utilisées par les armées. L'amplification contribue encore pour 70% des revenus consolidé, mais la société a bien élargi son offre ces dernières années en y ajoutant des solutions d'imagerie à base de caméras numériques couvrant tout le spectre lumineux (de l'ultraviolet UV à tout l'infrarouge : du SWIR au LWIR), des caméras hyper-spectrales ainsi que des détecteurs d'ions, d'électrons, de neutrons, de rayons gamma etc..

… pour toujours plus d'applications variées

Des outils qui ont beaucoup d'applications, et de plus en plus, puisqu'on les utilise non seulement pour voir loin (et de préférence sans être vu) sur le champ de bataille, mais aussi pour détecter des départs de missiles (toujours sur le champ de bataille), surveiller des zones/observer (encore sur le champ de bataille), mais aussi exercer des contrôles non-destructifs sur des matériaux employés dans toutes sortes d'infrastructures, détecter des émissions de méthane (un bon sujet aussi par les temps qui courent), identifier toutes sortes de contaminations dans les hôpitaux, trier les matières alimentaires, ou plastiques dans les déchets, générer des données de production, inspecter les semi-conducteurs en cours de fabrication, et ainsi de suite… En attendant que de nouveaux marchés se développent, liés, par exemple au nouveau nucléaire à base de petits réacteurs SMR etc…

Tout ça en investissant sérieusement en R&D comme il se doit, soit 7 à 8% du chiffre d'affaires tous les ans, avec un portefeuille de plus de 230 brevets à la clé. Ce qui permet de trouver de nouveaux clients, dont de très sérieux comme récemment Rheimetall ou Hensoldt dans l'industrie de défense en Allemagne.

Un historique récent pas tout à fait de tout repos

L'ex-Photonis a eu une vie un peu agitée ces dernières années avec, rappelons-le, tout un débat bien médiatisé quand la société a été mise en vente en 2021 par Ardian, grand acteur français du private equity qui la contrôlait depuis dix ans. Parce qu'un acheteur sérieux : Teledyne, avait le gros défaut d'être américain, et a donc été retoqué par le gouvernement français pour de hautes considérations de souveraineté. Photonis a finalement été repris par Groupe HLD, un autre acteur européen du private equity, qui investit aussi dans le temps long a priori (HLD a actuellement en portefeuille 22 participations totalisant 4Mds€ d'actifs).

Avec un chiffre d'affaires de 150M€ et 1 000 collaborateurs, Photonis était déjà une belle ETI en 2020, ce qui ne l'a pas empêché de se lancer dans une série d'acquisitions pour enrichir son offre : le français Device-Alab, dans la détection infrarouge, le belge Xenics dans la vision de précision, le canadien Telops encore dans l'infrarouge, l'allemand ProxiVision, qui a apporté une belle usine comme il se doit, soit plus de capacités de production dans les tubes intensificateurs de lumière, et ensuite l'israélien El-Mul, qui apporte de la microscopie électronique pour le contrôle de qualité dans les semi-conducteurs, et enfin, en 2024, NVLS, un fabricant espagnol de lunettes de vision nocturne. Ce qui fait qu'Exosens travaille avec quatre marques en tout : Photonis, Xenics, El-Mul, et Telops.

Exosens a été introduit en Bourse en juin dernier (1ère cotation : 22€), opération dans laquelle HLD s'est allégé en vendant une partie de ses titres et s'est surtout laissé diluer par une grosse augmentation de capital, soit 180 millions d'euros, dont une petite partie a été souscrite par Bpifrance Participations (noblesse oblige).

Analyse des comptes : du bon, surtout

En termes de résultat économique, Exosens a fait mieux en 2024 que ce qui avait été promis lors de l'introduction en Bourse, et si on peut avoir envie de dire que c'est la moindre des choses (même si les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent), il n'en reste pas moins que ledit résultat est bon. A savoir un chiffre d'affaires en croissance de +35% en publié, dont +25% en comparable selon la direction, avec plus de croissance encore dans la branche Détection & Imagerie, soit +42% en publié qu'en amplification, soit +33% en publié, ce qui est beaucoup de toutes façons : à la demande déjà forte dans tout ce qui est militaire, s'ajoute apparemment des opportunités de ventes croisées auprès des clients avec les différentes offres du groupe.

Et aussi et surtout une marge opérationnelle à un très bon niveau en valeur absolue, soit 23,4%, et encore un peu en hausse sur 2023, et un résultat opérationnel en masse en progression de +43%. Ce qui est beaucoup, s'explique par les bons volumes et un effet mix positif, et permet par ailleurs d'absorber largement le résultat financier (: le solde entre - les intérêts payés sur la dette et + la rémunération de la trésorerie), qui a été bien abaissé qui plus est par rapport à 2023, hors coûts non-négligeables liés à l'introduction en Bourse.

Et pour cause, puisqu'Exosens avait un bilan très lourd à fin 2023, à force d'acquisitions, avec beaucoup de dette financière et un ratio d'endettement net/Fonds Propres (plus parlant pour l'actionnaire que endettement net/excédent brut d'exploitation, qui est plus parlant a priori pour le créancier) de 143%, plus qu'élevé en valeur absolue. Lequel ratio a toutefois été ramené en fin d'année 2024 à 32%, ce qui est très présentable, et ce grâce à la grosse augmentation de capital sus-nommée, concomitante à l'intro(duction en Bourse).

La suite se présente bien aussi, a priori, surtout du côté des brokers

Forte des bons résultats 2024, et la demande étant ce qu'elle est, puisqu'on doit impérativement réarmer, et Exosens ajoutant des capacités pour mieux la servir, la direction annonce une croissance des revenus 2025 proche des +10% et une croissance plus forte encore de l'Excédent Brut d'Exploitation (ou Ebitda, pour les franglophones) soit un nouveau gain de marge d'exploitation à attendre. Le tout agrémenté éventuellement d'autres acquisitions, lesquelles ne doivent toutefois pas trop endommager le levier d'endettement, qui doit rester en dessous de 2x, à rapporter au 1,2x du bilan à fin décembre 2024.

Mais on notera que le consensus des analystes sell-side qui suivent la valeur et encore bien plus optimiste, avec une croissance moyenne attendue de +17% environ.

Ce qui peut se comprendre, si on est vraiment en plein rattrapage, et surtout si le boom du réarmement perdure : après tout, on ne sait jamais, avec ces trucs-là.

Valeurs associées

32,2000 EUR Euronext Paris +3,04%

2 commentaires

  • 13 mars 12:38

    tout dépends si les solutions techniques et brevets ont une vraie valeur ajoutée...
    Si c'est le cas, non seulement les US continueront à signer des contrats puisque, comme la expliqué trump,
    ''les entreprises étrangères implantées aux Us seront privilégiées puisqu'elle créées des emploies et font tourner notre industrie''

    mais en plus de cela, l'Europe deviendra un gros client

    à suivre...


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