Éric Delannoy : "Le programme de Mélenchon, c'est le programme communiste des années 60"

information fournie par Boursorama •11/04/2017 à 18:22

Éric Delannoy :

Pour la première fois depuis le début de la campagne présidentielle, Jean-Luc Mélenchon a dépassé François Fillon dans les sondages. Le candidat de la France insoumise est, selon l'institut KANTAR Sofres-Onepoint, crédité de 18% des intentions de vote contre 17% pour le représentant de la droite et du centre. Depuis, les marchés sont fébriles et les investisseurs s'inquiètent d'un nouveau risque Mélenchon. Quel est ce risque ? Est-il rationnel ? Éric Delannoy président du cabinet Tenzing et soutien d'Emmanue Macron. Invité de David Jacquot dans l'émission Écorama,  il répond à ces questions.

Le point commun entre le risque Mélenchon et le risque Le Pen, quel est-il ?

Il y a un risque de même nature, centré sur les options économiques de Mélenchon autour de l'Europe, et autour des finances publiques. Il est en train de proposer un programme qui va beaucoup plus loin que toutes les erreurs que l'on fait depuis 40 ans, c'est-à-dire : augmenter les impôts et augmenter les dépenses publiques. Cela inquiète beaucoup les investisseurs parce que l'on sait que c'est un programme qui va nous mettre dans le mur et on ne fait rien pour l'éviter. C'est un risque qui est probablement encore plus important que celui de Marine Le Pen, parce qu'il se cumule avec celui de la candidate FN. Aujourd'hui cela crée une incertitude sur l'issu du scrutin. Tant qu'on avait un programme très compliqué à mettre en œuvre, qui propose une sortie de l'euro, qui propose un repli sur soi comme celui de Marine Le Pen, ont avait juste un candidat qui proposait des solutions qui risquaient de nous mettre dans le mur et de ruiner la France. Dans le même temps, on avait deux candidats qui avaient des programmes assez similaires comme potentiel gagnant. Donc on avait 3 candidats pour deux finalistes. Aujourd'hui, on a quatre candidats, dont deux qui ruineraient la France. Donc si demain on avait un 2 ^nd tour avec Mélenchon contre Le Pen, il est vrai qu'on aura de gros problèmes pour l'avenir en France.

Quand on parle des marchés qui sont nerveux, quand on regarde le fameux écart de taux d'intérêt à 10 ans entre les obligations d'Etat allemandes et françaises, on est autour de 70 points de base. Ce même indice était à 60 il y a quelques jours, avant la percée de Jean-Luc Mélenchon dans les sondages. Pourquoi regarde-t-on cet écart et que signifie-t-il pour le commun des Français ?

Cet écart spécule sur une incertitude. L'obligation à 10 ans, c'est une référence pour les investisseurs qui vont donc acheter des actions susceptibles de leur rapporter un meilleur rendement puisque le taux est plus important. Il est plus important parce qu'on spécule sur le fait qu'il y aura une incertitude, un problème. Il y a donc ce que l'on appelle une prime de risque pour un pays dont on pense qu'il peut y avoir potentiellement un problème, notamment si l'issue du scrutin présidentiel n'est pas celle qui serait attendue. Donc on spécule sur la valeur de la France, il y a une prime de risque sur les valeurs de la France, ce qui crée cet écart.

La France aujourd'hui, avant-même que l'un des deux candidats soit potentiellement élu, se finance à un niveau beaucoup plus cher (70 points de base) que l'Allemagne. L'écart augmente de plus en plus et s'ils sont élus, cet écart sera encore plus important. C'est un marqueur de défiance qu'ont les investisseurs envers la France et plus cette défiance va augmenter, plus cet écart va augmenter.

Jean-Luc Mélenchon a la main lourde sur la fiscalité, une taxation jusqu'à 90 % des revenus supérieur à 33 000 euros, ça fait 4 points de prélèvements obligatoire, ça fait près de 90 milliards d'euros de plus d'impôts…

Cela fait 90 milliards d'euros de plus d'impôts, et plus de 200 milliards de dépenses publiques supplémentaires. On peut revenir à l'économie d'État, mais il se trouve que dans la société moderne, aucun pays n'a réussi à en mettre en place une qui soit viable. Rappelons par ailleurs qu'une référence de Mélenchon en termes de valeurs, c'est Hugo Chavez qui a ruiné le Venezuela. Donc son programme économique et son programme en termes de valeurs ne sont pas susceptibles de rassurer les marchés

Il est important de regarder un programme dans son ensemble. Evidemment, Mélenchon comme tout autre candidat peut avoir de bonnes idées. Il est clair que ce qui fait son succès en ce moment, c'est son regard social critique de la France qui, effectivement, est très divisée. Néanmoins, quand on regarde l'économie générale du programme de Mélenchon, on se retrouve avec un programme qui augmente fortement les impôts, qui augmente fortement les prélèvements obligatoires et qui va ruiner les entreprises, pour lesquels vous allez décourager les hauts revenus et qui va se traduire par une hausse de l'exil fiscal et une difficulté à rembourser la dette puisque vous allez avoir des taux qui vont augmenter très fortement et un endettement public qui va continuer à augmenter.

Mais préparer l'avenir avec un plan d'investissement de 100 milliards d'euros ca peut se défendre, les taux d'intérêts sont bas, c'est le moment de s'endetter.

Le risque Mélenchon n'est pas le même risque que le risque Macron qui est le candidat préféré des Européens. Il y a eu plusieurs grands politiques européens qui se sont positionnés en faveur de la candidature d'Emmanuel Macron parce qu'il veut redessiner une Europe positive et s'inscrit dans un schéma pro-européen. On a donc là un facteur très important pour permettre des taux bas qui vont financer les investissements.

Si demain M. Mélenchon ou Mme Le Pen arrivent au pouvoir et brandissent le spectre de la sortie de l'euro, vous allez avoir une défiance considérable vis-à-vis de la France et des investisseurs, rappelons que les deux tiers de la dette sont détenus par des investisseurs étrangers. Ils auront du mal à financer leur projet, et ils le feront à des taux qui ne seront pas tenables pour les finances publiques. On est sur un programme irréaliste et qui n'est même pas cohérent. Rappelons que la dépense publique et les impôts, c'est la politique que l'on mène depuis 30 ans et dont on est en train de faire la démonstration qu'elle nous mène droit dans le mur.

Quand il parle d'augmenter les salaires en moyenne de 6%, d'augmenter le smic, pour les personnes qui ont du mal à joindre les deux-bouts, ça rentre en résonnance.

Toutes les mesures des populistes sont là pour plaire au peuple. Donc on peut raconter n'importe quoi. Alors que l'espérance de vie n'arrête pas d'augmenter, on propose de remettre l'âge de la retraite à 60 ans et avec 40 ans de cotisations. Ce sont des régimes de retraites qui imploseront dans les 5 années qui viennent.

C'est vrai que l'augmentation de 6% des salaires proposée par Jean-Luc Mélenchon, quand on la met en parallèle avec la direction vers les 32 heures par semaine, on se dit qu'il y a un effet ciseau.

Si on prenait le cumul Jean-Luc Mélenchon et Benoit Hamon, on serait dans un pays dans lequel on va sortir de l'Europe, on va revenir au franc, avec une monnaie dévaluée, avec un revenu universel qui va permettre à chacun de toucher 600 ou 800 euros et qui va couter 200 Milliards à La France, avec des fonctionnaires en plus, avec des impôts qui empêchent de gagner plus de 400 000 euros en France sinon on est un délinquant fiscal. En bref, c'est quelqu'un qui oppose les classes les unes par rapport aux autres. On est sur un programme qui ressemble considérablement aux programmes communistes des années 60, ni plus ni moins. On peut dire que les communistes ont eu des bonnes idées, ils ont pu faire avancer socialement les choses durant les 100 dernières années, mais néanmoins, on est sur des prises de positions qui ont conduit toutes les sociétés qui l'ont mis en œuvre dans le mur et dans la faillite.

H24 a analysé la réaction des marchés selon les résultats à la fin du premier tour de l'élection présidentielle.