Coheris : une presque start-up, et donc un bon sujet ?
L'édition de logiciels est un bon métier en principe : contrairement à ce qui se passe dans les autres industries, une fois mis au point, ce produit peut être fabriqué en grandes séries sans grands coûts supplémentaires. En dupliquant les lignes de code par copier-coller, tout simplement (ou presque). Autrement dit, et en des termes plus châtiés, c'est-à-dire en s'exprimant comme un économiste, le coût marginal de production d'un logiciel est de quasiment zéro . Et, logiquement, la marge brute dégagée sur ce produit (la différence entre le prix de vente et ce coût direct de production) tend théoriquement vers 100%. Pour peu qu'on arrive à bien le vendre, bien entendu.
Le logiciel peut aussi générer beaucoup de cash : c'est ce que l'on constate chez les éditeurs qui se sont fait une place au soleil, dans les bilans desquels les liquidités s'accumulent habituellement en véritables montagnes. Microsoft, pour ne citer que le plus grand d'entre eux, avait dans ses comptes au 30 septembre dernier rien moins que 136,8 milliards de dollars US de trésorerie, et encore 62,2 milliards en net, une fois la dette financière déduite (source : Google Finance).
Ces quantités colossales sont le plus souvent à peine entamées par les grandes acquisitions réalisées par ces grands éditeurs, qui défraient régulièrement la chronique avec des sommes à 10 chiffres et plus, et qui sont faites avant tout pour acquérir des technologies nouvelles, et avant tout des produits qui peuvent compléter utilement l'offre maison. Ou éventuellement pour mettre la main sur des produits susceptibles de faire de l'ombre à la dite offre maison, et remettre en question la part de marché, quelque fois colossale elle aussi, qu'un grand éditeur peut se construire dans la "High Tech". High Tech qui, à la réflexion, a tout d'un oligopole intelligent, c'est le moins que l'on puisse dire.
Bref : dans de telles conditions, on comprend plus facilement pourquoi tant de start-ups se créent dans le monde merveilleux du logiciel, avec toutes sortes de produits : "apps" pour mobile, algorithmes pointus, etc… qui doivent faire des miracles à tous points de vue. Et on comprend aussi pourquoi ces start-ups semblent trouver sans peine, si l'on en croit la presse économique en tous cas, des financements auprès d'investisseurs, que ce soit des fonds d'investissements de "venture capitalists", ou de particuliers devenus "business angels".
Mais voilà : ce monde de rêve des start-ups n'est pas coté, ce qui peut être frustrant pour l'investisseur boursier de base, avatar (ou héritier) de la fameuse veuve de Carpentras, qui aimerait bien aussi profiter du voyage. Mais si ce monde se tient à l'écart du grand marché public (et organisé, en principe) qu'est la Bourse, c'est parce que le succès d'une start-up est toujours très aléatoire , et que l'on ne peut a contrario coter que des entreprises qui ont accédé à une certaine pérennité . Même dans la biotech, finalement, où le succès probable de la recherche/développement est déjà le plus souvent pré monétisé sous forme de "milestones".
Ceci étant, la vie des affaires étant ce qu'elle est, c'est-à-dire empreinte de risques, et soumise le plus souvent au cycle économique, et à l'évolution rapide des techniques, les sociétés cotées connaissent aussi parfois, voire souvent, des hauts et des bas, bas qui peuvent quelque fois (mais pas toujours) constituer des occasions d'investissement pour qui n'a pas ses entrées dans le monde du "private equity". Après tout, jouer le redémarrage , la "recovery", d'une entreprise n'est finalement pas très éloigné d'investir dans une "start-up".
Coté à Paris, "nano-cap" avec une valeur boursière de moins de 15 millions d'Euros, éditeur de logiciels en phase de redémarrage après plusieurs années de vaches maigres, Coheris rentre assez bien dans ce schéma, ce qui en fait, éventuellement (mais seul l'avenir nous le dira) un sujet intéressant.
Tout d'abord, bien que petit acteur de son secteur avec un chiffre d'affaires attendu pour cette année de 14,5 millions d'Euros et 130 salariés, la société a des produits intéressants semble-t-il, soit une suite de logiciels de CRM qui permettent d'optimiser les tâches dans tous les domaines de l'action commerciale (relation client cross-canal, planification et suivi de campagnes, pilotage des forces de vente, merchandising, etc…), ainsi qu'une batterie de logiciels d' analyse des données/datamining /text mining capables d'exploiter toutes les bases de données, et de produire de l'analyse prédictive, du décisionnel temps réel, de la "Business Intelligence", du scoring, et de la "customer intelligence" aussi.
Proposés tant en mode licence traditionnel qu'en mode SaaS, c'est à dire logés quelque part dans le "cloud" et délivrés par abonnement, ces logiciels ont apparemment une large base installée en dépit de la taille limitée de la société, soit 1 000 entreprises et collectivités clientes (pour plus de 50 000 postes utilisateurs), parmi lesquelles nombre de blue chips , telles Danone, Nestlé, L'Oréal, Sanofi-Aventis, Allianz, AG2R La Mondiale, LBP ou BNP-Paribas, etc..., etc...
De plus, Coheris est aussi une vraie "recovery", si l'on en croit les résultats du 1 er semestre 2016 publiés fin septembre : i) après quatre exercices de suite de déclin, les ventes ont vraisemblablement passé un point d'inflexion, avec l'aide d'un gros contrat il est vrai, et, ii) après deux années de pertes et deux années juste à l'équilibre, le résultat opérationnel retrouve de la hauteur, la marge opérationnelle passant de -6,8% l'année dernière à 9,2%, ce qui est bien dans l'absolu. Et reste encore très améliorable selon la direction qui a repris la société en main il y a deux ans, et qui commence à recueillir les fruits de ses efforts après avoir refondu l'offre, réorganisé la R&D et le commercial, et aussi bien abaissé les coûts fixes. Notons que Coheris a toujours eu un bon bilan, c-à-d un bilan avec un vrai matelas de liquidités en caisse, même à ses heures les plus sombres. De fait, et on ne le répétera jamais assez : le logiciel génère du cash.
Enfin, cerise sur le gâteau, le dossier Coheris offre un petit attrait spéculatif , avec un nouvel actionnaire : DevFactory, société qui a acquis sans crier gare 16,8% du capital il y a deux ans. Et qui est ensuite montée à 22%, et de façon plus amicale puisqu'elle a à présent un représentant au conseil d'administration. DevFactory est une filiale d'un groupe privé, Trilogy, basé à Austin (Texas), spécialisé dans les développements spécifiques de logiciels de gestion pour une clientèle de grands comptes. Fait intéressant à noter, DevFactory a par ailleurs pris une participation, toujours sans crier gare, dans Cast , un autre petit éditeur français de logiciels pointus.
L'occasion fait le larron, c'est bien connu, mais un tel intérêt exprimé par un professionnel du secteur semble plutôt rassurant, et, mieux encore, est un signe probable de qualité pour les produits Coheris.
Que demander de plus ?
Jérôme Lieury
Analyste Senior
Olier Etudes & Recherche, bureau d'études membre du Cercle des Analystes Indépendants, et éditeur de la première cyber-échoppe d'analyse financière à Paris : www.olier-etudes-recherche.fr
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