Bref, les bourses ont raison de s'inquiéter de ces nouvelles, au moment où les États-Unis donnent des signes d'un ralentissement. (crédit : Brian Glanz)
Aux Etats-Unis, le taux de chômage est resté stable en novembre, à 3,7%, pour le troisième mois consécutif. Mais les créations d'emplois ont été moins fortes que prévu, selon des données publiées par le département du Travail américain. Jean-Paul Betbeze analyse ce dernier facteur qui vient s'ajouter à d'autres éléments, renforçant une tension déjà très vive sur les marchés financiers.
Yo-Yo. Vendredi 7 décembre : 155.000 emplois créés en novembre contre 200 000 attendus aux États-Unis. Les bourses sont déjà mal orientées, suite à l'arrestation le 1er décembre, mais connue le 6, au Canada, de la directrice financière du groupe technologique chinois Huawei (et fille du fondateur). Les autorités judiciaires américaines demandent son extradition aux USA : elle serait soupçonnée d'avoir contourné les sanctions contre l'Iran.
Pourtant, le 3 décembre, Donald Trump tweete : «Ma rencontre en Argentine avec le Président Xi a été extraordinaire.» Ce sera une trêve de 90 jours dans la montée des droits de douane des deux côtés, puis la reprise des achats de soja côté chinois, avec une baisse des taxes sur les automobiles américaines… Les bonnes nouvelles ne manquent pas selon Trump : la bourse devrait adorer.
Mais le 4 décembre, les propres conseillers du Président qui assistaient au dîner tempèrent l'enthousiasme, et des doutes naissent sur les engagements chinois et le calendrier. Mais le 6, la réduction du volume de la production pétrolière, décidée à Vienne, ne va pas sans problème du fait de la Russie qui hésite sur le montant. L'accord serait d'une baisse d'un million de barils par jour, mais les acteurs du marché disent qu'il faut entre 1,2 et 1,4 million pour renverser la tendance, avec la résistance de l'Arabie Saoudite pour porter l'essentiel du fardeau. Elle n'est plus le premier producteur du monde (11 millions de barils/jour) : ce sont les Etats-Unis, vers 12 millions/jour, pétrole de schiste aidant.
Mais le 6, on apprend que le déficit commercial américain a atteint 55,5 milliards de dollars en octobre, contre 54,6 en septembre, le pire chiffre depuis dix ans. L'explication est assez chinoise, avec un creusement du déficit bilatéral de 3 milliards dollars (à 43,1 milliards), avec une forte baisse des importations chinoises, tandis que les États-Unis n'exportent pas plus. Une « économie de commande » obéit plus et plus vite qu'une économie de marché : les Américains achètent plus cher les produits chinois, les Chinois achètent moins de produits américains. Pas ce que Donald Trump cherchait !
Le retournement boursier actuel est géopolitique pour le Nasdaq, et plus économique pour le Dow Jones
L'affaire Huawei est bien plus grave encore que la guerre douanière, car les juges américains sont indépendants, donc indépendants aussi de la pression officielle contre «l'espionnage» chinois que la Maison Blanche mène par ailleurs. Tout s'ajoute, mais le symbole est grave, et la guerre devient technologique.
Bref, les bourses ont raison de s'inquiéter de ces nouvelles, au moment où les États-Unis donnent des signes d'un ralentissement, vers 2,5% de croissance – ce qui est assez modeste. Le creusement du déficit américain est la conséquence de la politique commerciale et fiscale du Président Trump. Le retournement boursier actuel est assez géopolitique pour le Nasdaq (Facebook et Apple), et plus économique pour le Dow Jones, avec l'épuisement des effets des baisses d'impôts de l'an dernier.
La triple question des marchés sera celle des réactions de Donald Trump à la baisse boursière américaine. Pour la part liée aux relations avec la Chine : les tensions vont-elles reprendre avec lui et avec l'affaire Huawei ? Pour la baisse du prix du pétrole : va-t-il pousser sa production quand l'Opep baisse la sienne, pour faire baisser encore le prix du baril, au risque de faire éclater le cartel ? Et avec le ralentissement annoncé, si le président de la Fed, Jerome Powell, cède et réduit ses hausses de taux en 2019 : 2, ou 1, ou 0, contre 3 annoncées, pour être data dependant, va-t-il en profiter pour augmenter les dépenses d'infrastructures, donc le déficit public ? Si la trêve entre Xi et Trump ne prend pas, le Yo-Yo n'est pas fini.
Jean-Paul Betbeze, membre du Cercle des économistes
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