
Etats-Unis europe (Crédits: Adobe Stock)
Le spectre de la guerre commerciale refait surface. Le président élu américain Donald Trump a confirmé lundi, par le biais de son réseau Truth Social, qu'il entendait bien augmenter les tarifs douaniers des biens étrangers exportés vers les Etats-Unis. En ligne de mire pour l'instant: le Mexique, le Canada et la Chine.
Si l'Europe n'est pas visée cette fois-ci, la plupart des investisseurs estiment qu'elle est la prochaine sur la liste. "En matière commerciale, Trump prévoit une forte élévation des droits de douane sur l'ensemble des importations de produits étrangers ainsi que l'intensification des restrictions technologiques contre la Chine. Pour la zone euro, qui dégage près de 200 milliards de dollars d'excédents commerciaux vis-à-vis des Etats-Unis, c'est une menace directe pour sa croissance", affirmait récemment dans une note Bruno Cavalier, chef économiste d'Oddo BHF.
"Un tel choc serait surtout dommageable pour l'Allemagne, un pays à la fois très ouvert au commerce international et fortement dépendant des marchés américains. Ces dernières années, l'Allemagne a en effet compensé le repli de ses exportations vers la Chine par une hausse des ventes aux Etats-Unis", soulignait Bruno Cavalier.
"Historiquement, les valeurs européennes sous-performent les valeurs américaines. La politique de Donald Trump va encore renforcer ce phénomène", juge pour sa part Christopher Dembik, conseiller en stratégie d'investissement chez Pictet AM, dans un entretien accordé à l'agence Agefi-Dow Jones.
"Chez Pictet AM, on estime qu'il y a davantage de biais géographiques que de biais sectoriels avec les hausses de tarifs douaniers. Cela va encore accentuer la concentration des capitalisations du côté de la tech américaine. Or, les 7 Magnifiques pèsent déjà plus que l'intégralité des Bourses européennes", précise Christopher Dembik.
"Les valeurs les plus petites vont être asséchées en termes de liquidités en Europe. Par ailleurs, certains secteurs européens déjà en difficulté sont plus exposés, comme les spiritueux avec Pernod Ricard ou l'automobile avec Stellantis", analyse-t-il encore.
En attendant d'avoir plus de détails sur la future politique douanière américaine, voici les grands secteurs qui paraissent les plus vulnérables en Europe.
AUTOMOBILE
Les constructeurs automobiles américains General Motors et Ford devraient souffrir des mesures douanières annoncées par Donald Trump. Environ 16% des voitures, pick-up et SUV vendus aux Etats-Unis cette année auront été construits au Mexique et 7% au Canada, selon la société d'études Wards Intelligence. Sur le Vieux Continent, Volkswagen et Stellantis pourraient également être pénalisés.
"Les constructeurs européens ont des bases de fabrication aux Etats-Unis (sauf pour certains modèles) et réalisent 20% à 30% de leurs ventes totales sur ce marché", indiquaient récemment les économistes de Fitch. "Les exportations vers les Etats-Unis, en particulier pour les modèles de luxe, pourraient être affectées par un renforcement du protectionnisme commercial américain", poursuivaient-ils.
LE RESTE DE L'INDUSTRIE
"L'industrie européenne va souffrir, alors que le coût de l'énergie est déjà quatre fois plus élevé en Europe qu'aux Etats-Unis", pointe Christopher Dembik. Les industriels très énergivores, à l'instar des aciéristes ou des groupes de chimie, vont se retrouver en première ligne. Par ailleurs, "le choix des membres du futur cabinet de Donald Trump laisse envisager un protectionnisme accru dans le secteur aéronautique, au détriment des entreprises européennes comme Airbus et ses sous-traitants", souligne auprès de l'agence Agefi-Dow Jones Gabriel Karaboulad, directeur du conseil en investissement chez Neuflize OBC.
"L'idée peut être de soutenir Boeing , en grande difficulté, et Lockheed Martin. Il y aura sans doute des remous dans la gouvernance de ces deux entreprises dans les prochains mois, jusqu'à ce que Donald Trump soit satisfait de la direction prise par les entreprises et annonce des mesures de soutien", ajoute-t-il.
VINS ET SPIRITUEUX
Les Etats-Unis sont les premiers consommateurs de vin français dans le monde avec 14,4% des ventes totales et l'activité vins et spiritueux se situe en deuxième position des excédents dans la balance commerciale française, a rappelé lundi Antoine Fraysse-Soulier, responsable de l'analyse de marchés chez eToro.
Le retour d'une taxe douanière de 25% sur les "vins tranquilles" (autrement dit sans bulles), comme lors du précédent mandat de Donald Trump, serait une mauvaise nouvelle pour la France, mais aussi pour Rémy Cointreau et Pernod Ricard. Cette taxe avait en effet provoqué une chute de 40% des exportations de vins Français vers les Etats-Unis, a indiqué Antoine Fraysse-Soulier.
ENERGIE
"L'Europe a encore un coup à jouer à l'international sur le nucléaire, avec une expertise reconnue et un environnement plutôt favorable. En revanche, sur toute la chaîne des renouvelables, à l'instar des panneaux solaires ou des batteries, la guerre semble avoir déjà été gagnée par la Chine, qui a acquis un avantage technologique considérable face à l'Europe", estime Gabriel Karaboulad, directeur du conseil en investissement chez Neuflize OBC.
Concernant les prix de l'énergie, "les nouveaux droits de douane pourraient rendre le pétrole brut et le gaz naturel plus chers aux Etats-Unis, le Canada étant l'un des principaux fournisseurs de produits énergétiques", résument Ewa Manthey et Warren Patterson d'ING dans une note consultée par le Wall Street Journal. "D'un autre côté, l'insuffisance de l'offre sur les marchés extérieurs pourrait conduire à des investissements plus importants dans les forages de schiste, ce qui pourrait contribuer à augmenter la production nationale", ajoutent-ils. Les effets seront donc mitigés.
FINANCE
De potentielles hausses de tarifs douaniers contre les entreprises européennes devraient encore renforcer les difficultés économiques du Vieux Continent. Face à cela, "la Banque centrale européenne va devoir baisser plus rapidement que prévu ses taux directeurs pour soutenir l'économie européenne", anticipe Gabriel Karaboulad. En parallèle, la Réserve fédérale (Fed) pourrait au contraire davantage temporiser dans ses réductions de taux.
"Cela va pénaliser les valeurs de la banque et de l'assurance en Europe. En face, la dérégulation du secteur financier aux Etats-Unis va avantager les banques américaines, notamment dans les fusions-acquisitions. Les actifs risqués vont en profiter et le flux d'épargne européen va continuer de se diriger de plus en plus vers les Etats-Unis, ce qui va peser sur des acteurs comme Amundi ", juge-t-il.
-Jean-Louis Dell'Oro et Vincent Alsuar, Agefi-Dow Jones; jldelloro@agefi.fr ed: ASO
"Le Market Blog" est le blog économique et financier de l'agence Agefi-Dow Jones.
Agefi-Dow Jones The financial newswire
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