Le poids-lourd des data centers est engagé avec des clients majeurs de la course à l'intelligence artificielle. Les incertitudes sur leur capacité à honorer leurs investissements colossaux sèment toutefois le doute.
( AFP / ANDREW CABALLERO-REYNOLDS )
La chute en Bourse du géant américain des centres de données (data centers) Oracle révèle la progression des inquiétudes du marché sur la capacité des géants de l'intelligence artificielle (IA) à poursuivre leurs dépenses massives de développement.
Depuis son plus haut atteint en septembre, l'action d'Oracle a dégringolé d'environ 45%, soit une perte de plus de 400 milliards de dollars de valorisation.
Un temps proche de détrôner Elon Musk pour le titre d'homme le plus riche du monde, Larry Ellison, son patron, a désormais reculé à la quatrième place du classement Forbes des fortunes mondiales.
Le dernier coup de massue a été porté mercredi par un article du Financial Times assurant qu'Oracle aurait perdu le soutien du gestionnaire d'actifs Blue Owl Capital, l'un de ses principaux partenaires, pour le développement d'un centre de données à 10 milliards de dollars dans le Michigan.
Dans un communiqué transmis à l'AFP, Michael Egbert, porte-parole du groupe, assure que Related Digital, qui s'occupe de lancer le projet, "a sélectionné le meilleur partenaire financier parmi un groupe d'options concurrentielles, qui dans ce cas précis n'était pas Blue Owl". Selon M. Egbert, l'avancée des discussions est "conforme au calendrier".
Mais cela a suffi à faire plonger l'action de plus de 5% sur la séance.
Zones d'ombre
Oracle s'est massivement endetté pour être un des leaders de l'infrastructure pour l'IA. Et même si l'entreprise dispose d'un carnet de commandes fourni et en forte hausse, une partie provient d'acteurs aux revenus encore fragiles.
OpenAI, le créateur de ChatGPT, s'est ainsi engagé à lui acheter pour 300 milliards de dollars de puissance de calcul sur cinq ans.
Or, il s'agit "d'une entreprise qui prévoit de réaliser un chiffre d'affaires d'environ 20 milliards de dollars cette année", rappelle auprès de l'AFP Steve Sosnick, analyste d'Interactive Brokers.
Au total, le pionnier de l'IA générative s'est même engagé à payer la somme astronomique de 1.400 milliards de dollars à Oracle et ses concurrents, alors même que son hégémonie est contestée, avec des alternatives de plus en plus puissantes.
Ce décalage "a conduit de nombreux investisseurs à se demander si les prévisions concernant les dépenses en intelligence artificielle pouvaient réellement être réalisées", souligne Steve Sosnick. D'autant que les effets sur les performances financières des entreprises ayant recours à l'IA restent à connaître.
"Oracle est probablement l'exemple type des questionnements relatifs aux dépenses d'investissement (...) et aux interrogations sur les marges réalisées dans le secteur" de l'intelligence artificielle, explique Art Hogan, analyste de B. Riley Wealth Management.
Pour Art Hogan, il faut toutefois relativiser quelque peu les inquiétudes, alors que le cours d'Oracle affiche toujours une progression sur l'année (+7%). Les indices boursiers restent aussi proches de leur record.
Le groupe d'Austin (Texas) n'est pas le seul à faire les frais de l'accès de scepticisme de nombre d'investisseurs quant au rythme de progression de l'écosystème IA mais aussi à la capacité du réseau électrique de répondre à la demande.
CoreWeave, qui propose en location des milliers de puces spécialisées dans l'IA, les fameuses GPU (graphics processing unit), pour développer et utiliser l'intelligence artificielle à distance (cloud), n'est guère mieux loti.
Depuis son pic de juin, la start-up de Livingston (New Jersey) a vu sa capitalisation boursière divisée par trois et a encore lâché plus de 7% mercredi.
A l'incertitude concernant les investissements s'ajoute celle relative à la durée de vie des puces IA, que les géants du secteur évaluent à 5 ou 6 ans en moyenne quand beaucoup de spécialistes ne tablent que sur la moitié.
Une révision à la baisse de cette longévité aurait un impact immédiat sur les comptes d'Oracle ou de CoreWeave.
4 commentaires
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer