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Bénéteau : le cours dans le creux de la vague ?
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 12/07/2024 à 07:50

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

Un voilier First 36 construit par Bénéteau. (crédit photo : Bénéteau /  )

Un voilier First 36 construit par Bénéteau. (crédit photo : Bénéteau / )

C'est ça, le problème : le marché a toujours raison. D'autant que toute l'information est, bien entendu, comme le veut la théorie financière, contenue dans le cours de Bourse du jour. Ce qui fait que si ça monte, c'est que c'est tout bon, et que si ça baisse, c'est que c'est tout mauvais. Et qu'il vaut mieux acheter quand ça monte, et vendre quand ça baisse, même si on ne sait pas toujours vraiment pourquoi, et on ne peut pas être sûr de bien analyser ce que l'on sait, qui n'est éventuellement pas tout ce que le marché sait, d'ailleurs. Même si, bien entendu, toute l'information que publie une société cotée est par construction accessible à tous les investisseurs.

Au vu de cette lapalissade et des fortes considérations qui la précèdent, il est bien évident que l'on ne peut pas toujours prendre que des bonnes décisions d'investissement ou de désinvestissement. Et que pour se prémunir contre l'incertitude, le risque intrinsèque à chaque investissement, qui est loin d'être la simple volatilité de son cours de Bourse comme le veut aussi la théorie financière (qui n'est décidément qu'une théorie de plus) doit être mitigé en le mélangeant à d'autres dans des portefeuilles bien diversifiés. C'est l'enfance de l'art.

Exagération, ou pas ?

Il est évident aussi que le marché peut se montrer très moutonnier, et que l'on peut assister à des mouvements forts d'achats ou de ventes sur un titre ou un autre, auxquels se joignent souvent les spéculateurs (c'est leur métier), quand ceux-ci ne les encouragent pas en plus à coups de commentaires amplement repris et amplifiés dans les médias. Mais si suivre le troupeau est une idée peu attaquable en soi, entraîner son libre arbitre à combattre l'instinct grégaire : essayer de discerner si un mouvement est exagéré, ou pas, et tenter un pari contrariant peut parfois se révéler tout aussi productif.

Un bon exemple récent d'exagération possible ? Bénéteau , dont le cours de Bourse a perdu en gros -20% depuis la publication de chiffres assez décevants pour le 1er trimestre 2024, et dont le cours se traîne à présent près de ses plus bas sur un an, au creux de la vague en quelques sortes. Alors que dans ce beau métier de la plaisance, les 1er trimestres ne veulent pas dire grand-chose en principe, et que Bénéteau semble bien équipé pour continuer à gagner de l'argent et, mieux encore, générer du cash, et autrement dit créer de la vraie valeur tangible. Ce qui doit se retrouver un jour dans la valorisation (pour ceux qui ont encore foi dans le système).

Bénéteau : une offre parmi les plus larges, et presque un "pure player"

Basé à Saint Gilles Croix de Vie, en Vendée, le groupe Bénéteau est un des premiers constructeurs mondiaux de bateaux de plaisance, avec un chiffre d'affaires 2023 de 1 465 millions d'euros et 8 130 salariés environ. Le groupe conçoit et fabrique toutes sortes de bateaux à voile (46% chiffre d'affaires) et à moteur (52% chiffre d'affaires), soit plus de 150 modèles et a nombre de marques à forte notoriété, non seulement Bénéteau, Jeanneau, et Lagoon en France mais aussi XCS Excess et Prestige, ainsi que Delphia en Pologne, Scarab, FourWinns et Wellcraft, aux USA, et Monte Carlo Yacht et CNB Yacht Builders dans le haut de gamme, qui est international comme chacun sait. Bénéteau opère 15 chantiers/sites de production en tout, dont 9 en France, et ses produits sont distribués par un large réseau de 1 255 concessionnaires dans le monde : 50% du chiffre d'affaires est réalisé en Europe, 30% dans les Amériques, 11% en Asie Pacifique, et 9% auprès des loueurs.

On notera que Bénéteau se développe aussi dans les services annexes de la plaisance, comme la location courte durée, avec une participation de 40% dans Your Boat Club aux USA et la reprise de Wiziboat en Europe, et les financements avec la coentreprise SGB Finance avec Société Générale, et a de plus des participations dans des charters tels Dream Yacht WW, et Navigare Yachting depuis 2021.

Mais ce n'est pas tout : le groupe a encore (plus ou moins) une branche Habitat qui conçoit et construit des mobil homes sous les marques O'Hara, IRM et Coco Sweet, lesquels équipent principalement les campings en dur de l'hôtellerie de plein air. Une activité qui n'est pas toute petite, loin s'en faut, puisqu'elle a généré 319 millions d'euros de ventes en 2023, et occupe six usines en France et une en Italie, mais qui a été vendue en principe (on attend le feu vert des hautes autorités anti-trust depuis l'été dernier) à Trigano. Et qui, pour cette raison, et en application de la norme comptable IFRS 5, n'est plus intégrée dans les comptes consolidés du groupe.

Modèle d'affaire : robuste, sans aucun doute

Toute industrielle qu'elle soit, la plaisance n'a apparemment pas cédé aux sirènes (ou au cercle vicieux, au choix) des délocalisations, ce qui peut paraître d'autant plus remarquable qu'il s'agit un métier intense en main d'œuvre. De la main d'œuvre plutôt qualifiée, voire très qualifiée, même si une bonne partie de la construction d'un bateau est de l'assemblage sur une coque d'équipements fabriqués par d'autres. Mais voilà : si les frais de personnel consomment grosso modo 30% du chiffre d'affaires, ceux-ci sont largement absorbé par une bonne marge brute, ou une marge sur coûts variables, de 50% environ, ce qui permet d'envisager sereinement une marge opérationnelle (le rapport Résultat Opérationnel : ce qui reste de l'argent des ventes une fois qu'on a payé toutes les charges et compté les amortissements sur le total des ventes) de 7 à 10% bon an mal an, sauf les années à catastrophe comme 2020.

Et ce métier étant relativement peu intense en capital (puisqu'il est intense en main d'œuvre), et autrement dit ne requérant donc pas d'investissements très lourds dans son outil de travail, il peut aussi générer bon an mal an de la trésorerie libre, autrement dit du free cash-flow en bon franglais financier (ce qui reste du résultat net augmenté de la dotation aux amortissements après avoir fait les investissements qui s'imposent) autrement dit l'augmentation du cash dans la caisse une fois qu'on a tout payé (à ne pas confondre avec le résultat net SVP, même si c'est de l'argent quand même).

Ce bon free cash-flow permettant chez Bénéteau i) de procéder à des acquisitions petites et moyennes, telles Seascape en Slovénie et Delphia Yachts en Pologne en 2018, ou encore GB Portugal en 2021, ii) de distribuer un dividende consistant à ses actionnaires, iii) tout en gardant un bilan très solide, puisque celui-ci affichait une situation de trésorerie nette largement positive au 31 décembre 2023 (+255 millions d'euros, si je compte bien), et une dette financière nette négative avec plus de liquidités en caisse à l'actif que de dettes financières au passif.

Un métier moins reposant qu'il n'y paraît

Un bilan solide qui se comprend bien : le marché de la plaisance n'est pas de tout repos, en fait, car l'activité est naturellement très saisonnière, avec un premier trimestre le plus souvent en perte et consommateur de cash, puisque l'on fabrique mais on ne vend pas grand-chose, alors que, de plus, ce marché est très cyclique, l'acheteur final pouvant décider de décaler son (gros) achat parce que tout d'un coup la conjoncture est rien moins que rassurante : les ventes peuvent baisser de -40% sur un an, rien que ça, comme c'est arrivé en 2009 suite à la crise bancaire.

Tout ceci explique aussi pourquoi une direction largement renouvelée, comme cela arrive de temps à autres dans cette affaire à contrôle familial, a lancé en juillet 2020 le grand plan de transformation : Let's go beyond, qui visait à recentrer l'activité sur quatre grands marchés stratégiques : le Dayboating (les petits bateaux < 40 pieds), le Real Estate on the Water (le moteur de 40 à 60 pieds : la résidence secondaire en quelques sortes), la Voile Monocoque et la Voile Multicoque en faisant un peu le ménage dans les marques, et à refondre aussi l'outil industriel, pour plus de flexibilité avec une re-spécialisation des usines par segments et non plus par marques.

Des chiffre récents un peu compliqués, ce qui n'aide pas

Le chiffre d'affaires du dernier exercice clos fin décembre 2023 est en baisse de -3% en publié avec la déconsolidation de la divisions Habitat, mais progresse en fait de +17% pour la division Bateaux (+19% à change constant), dont +6% grâce aux hausses de prix, et avec une progression de +31% des bateaux à voile et de +9% du moteur, assorti toutefois d'un recul de -23% des volumes en bateaux moteur sur le marché US où les concessionnaires limitent leurs stocks, les taux d'intérêt à court-terme étant ce qu'ils sont, mais avec aussi selon la direction +11% des +17% de progression dus à un effet rattrapage/reconstitution des stocks chez les concessionnaires après deux années de production perturbée par les problèmes d'approvisionnement.

La marge brute progresse de +8,5 points et la marge opérationnelle gagne +3,9 points pour atteindre un niveau record de 14,1%, avec pêle-mêle l'effet volume, les hausses de prix qui plus que compensent les hausses de coûts, l'effet mix positif avec la montée en gamme, et les gains de productivité avec i) les réorganisations de trois sites en France : Cholet, Belleville et Bordeaux, et ii) les nouveaux sites nearshore au Portugal et en Tunisie.

Tout ne se passe pas comme prévu : qui l'eut cru ?

Inutile de préciser que la direction annonçait en mars dernier un exercice 2024 moins flamboyant après un 2023 exceptionnellement bon, pour cause d'une inévitable réduction des stocks chez les concessionnaires, laquelle doit toucher toutes les gammes, sauf peut-être le premium. Une tendance défavorable qu'elle compte bien combattre avec des lancements de nouveaux modèles, 10 en tout, à meilleures marges et plutôt en haut de gamme, toujours le développement des offres annexes Your Boat Club, Wiziboat, Dream Yachts, Navigare Yachting, etc… en plus d'une offre rénovation/refit/retrofit sur les bateaux plus anciens, de nouveaux produits : motorisations électriques et foils (cf les prises de participation dans Seanapps et Candela) et aussi des matières premières moins carbonées notamment des résines recyclées pour produire toujours plus vert, ce qui justifie à tous coups de meilleurs prix. Tout en travaillant toujours la productivité et la base de coûts partout, soit en tout un objectif de marge opérationnelle 2024 prudemment en retrait, compris entre 7 et 10%.

Mais tout a un peu dérapé sur le premier trimestre clos fin mars avec un chiffre d'affaires à -27% d'une année sur l'autre en comptant la branche Habitat et à -39% pour les bateaux seuls, dont -25% pour la voile et -50% pour le moteur, dont -65% en nombre d'unités livrées. Ce qui peut paraître beaucoup, mais se compare à des ventes moteur qui avaient progressé de +47% au 1er trimestre 2023. Ce que souligne la direction, qui réitère imperturbablement son objectif de marge entre 7 et 10%.
Après tout, nous verrons bien : le vrai métier de l'industriel, c'est de produire moins cher tous les ans.
Sinon, à quoi bon ?

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4 commentaires

  • 16 juillet 10:26

    Hello M8074535 et @Vegeta84 Lorsque MITTERAND est arrivé avec ses nationalisations, j'ai gagné beaucoup d'argent.


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