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Akwel : changement de décor, mais l'histoire reste la même
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 11/10/2018 à 09:00

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

Le marché adore brûler ce qu'il a adoré. C'est le cas des équipementiers automobiles qui affichent des performances boursières négatives.

Le marché adore brûler ce qu'il a adoré. C'est le cas des équipementiers automobiles qui affichent des performances boursières négatives.

Comme le temps passe, et comme le monde change vite ! Il y a un an à peine, le marché aimait manifestement bien les équipementiers automobiles, tels Valeo, Plastic Omnium, Faurecia, PVL, et MGI Coutier, qui s'est rebaptisé Akwel depuis, mais tous affichent à présent des performances boursières très négatives depuis le début de l'année, soit -50% pour les moins bien lotis, et -25% dans le meilleur des cas.

Il y a un an encore, ces industriels bénéficiaient aux yeux des investisseurs à la fois de la belle reprise du secteur automobile en Europe, commencée en 2014 mais toujours aussi soutenue trois ans après, d'une stabilisation à un bon niveau du marché américain, et de la croissance forte dans nombre de pays émergents, la Chine en premier.

Et, profitant de cette conjoncture porteuse, ils avaient tous améliorés sensiblement leurs marges, ce qui pouvait éventuellement relever de l'exploit, puisque leurs clients, les constructeurs automobiles, sont réputés difficile, et peuvent en principe imposer régulièrement des baisses de prix à leurs fournisseurs. Et on s'excitait beaucoup par ailleurs, il faut le dire, sur la révolution en marche de la voiture autonome, promise pour un avenir proche, et dans laquelle on investit lourdement apparemment, et sur la voiture électrique aussi, qui existe vraiment quant à elle, et dont les ventes sont de moins en moins anecdotiques, il est vrai.

Mais l'humeur a bien changé depuis, tout comme la valorisation, puisque les multiples accordés par les investisseurs au secteur ont été plus ou moins divisés par 2 en un an. De fait, et pour ne citer que les plus triviaux, on constate que le PER moyen (cours de Bourse/prévision de résultat net par action pour l'année prochaine) a baissé en gros de 13x à 8x, ce qui n'est pas rien, et les multiples de chiffre d'affaires (capitalisation boursière/chiffre d'affaires) sont passés quant à eux de 1x à 0,5x.

Bref, la fête est bel est bien finie, et ce pour toutes sortes de raisons, parmi lesquelles on peut citer pêle-mêle i) des marchés européen et américain de l'automobile qui vont bien finir par se tasser, voire se retourner un jour, le cycle de renouvellement touchant éventuellement à sa fin, ii) les hausses des coûts de matières premières, notamment le plastique, qui remonte avec le prix du baril de pétrole, iii) une forte volatilité attendue pour les volumes produits en Europe au deuxième semestre 2018 après les soldes de l'été déclenchées par la nouvelle réglementation WLTP, iii) des relèvements de tarifs douaniers par l'Administration Trump qui peuvent dégénérer en guerre commerciale et pénaliser la profession, qui pratique très bien, il faut le dire, la division internationale du travail, iv) la géopolitique en général : Iran, Brexit, etc… v) le recul des ventes de motorisations diésel en Europe, qui oblige à adapter (un peu) l'outil de production, et, pour couronner le tout vi) la montée des doutes sur la future voiture autonome.

Il y a eu de fait récemment quelques accidents avec ce genre d'engin, accidents bien montés en épingle par les médias et qui tendent à montrer, qui l'eut cru ? que conduire n'est pas aussi simple que cela pour un robot. Avec aussi l'émergence d'une question à la fois existentielle et de bon sens : conduire sa voiture étant la plupart du temps un vrai plaisir, pourquoi abandonner cela à un ordinateur, aussi intelligent artificiellement soit-il ? En d'autres termes, c'est le consommateur qui décidera in fine, comme d'habitude.

Akwel, l'ex-MGI Coutier , un équipementier émérite s'il en est, concepteur et fabricant de toutes sortes de systèmes (ventilation, admission d'air, régulation, refroidissement, alimentation carburant, huile, lave-glaces, dépollution/SCR) et de mécanismes pour les voitures, présent dans 22 pays avec 11 500 collaborateurs et 42 usines en tout, et fournisseur primé des grands constructeurs, belle ETI avec un chiffre d'affaires de près de 1,1 milliard d'Euros attendu pour cette année, et belle mid-cap de la cote aussi, est une bonne illustration des évolutions récentes du secteur.

La société a publié des résultats semestriels décevants, avec un net recul du résultat opérationnel, -15%, ramenant la marge de 12,6% à 10,3%, malgré un chiffre d'affaires publié en progression de près de +5%, et, le marché étant ce qu'il est, cette déception a été sanctionnée brutalement par une chute du cours de -10% le jour de l'annonce. Soit en tout une baisse de -50% depuis le début de l'année, ce qui peut paraître beaucoup. Même s'il y a, comme toujours du pour et du contre.

En commençant par les moins, on se doit de noter que ce recul de la marge est dû en bonne partie aux hausses de matières premières : métaux et surtout, plastiques, et que, selon la direction, si ces hausses sont conséquentes, elles ne les sont pas assez pour que les clients acceptent de revoir significativement les prix, ou ne le font qu'après un certain temps, voire un temps certain, et qu'il semble donc qu'il n'y aura pas de rattrapage intégral. Par ailleurs, la conjoncture étant bonne partout, la main d'œuvre qualifiée commence à se faire rare, et les salaires augmentent aussi significativement dans certains pays, pour retenir des salariés de moins en moins loyaux aussi. On peut noter de plus qu'avec cette bonne conjoncture, et le re-basculement du diésel vers l'essence, beaucoup de nouvelles fabrications sont lancées, avec plus de non-qualité au départ, et qu'enfin Akwel a créé trois usines en Chine ces deux dernières années, et une en Thaïlande, lesquelles ne sont pas toutes bien chargées encore, et génèrent des coûts de démarrage.

Mais il y a les plus aussi : tout d'abord, la base de comparaison du 1er semestre 2017 était très élevée, entre une forte activité et des coûts matières et des salaires encore sages, et on peut donc relativiser un peu ce 1er semestre 2018, alors que de plus la croissance reste forte, puisqu'elle a été de plus de +10% hors effet change négatif. Ensuite, la direction est de plus tout-à-fait confiante pour la suite, puisqu'elle table sur un rythme de croissance de +4 à +6% ces prochaines années, rien qu'avec les contrats déjà signés. Elle est confiante aussi dans la capacité de la société à servir les nouvelles demandes de ses clients, avec i) un niveau élevé de R&D (31 brevets déposés depuis janvier), ii) des savoir-faire industriels très variés, et la maîtrise de la transformation de tous les matériaux et de l'intégration des composants électroniques qui truffent nos voitures, et iii) un outil de production renouvelé et robotisé grâce à un niveau investissement élevé en 2017 et cette année.

Un surcroît de dépenses que la société peut parfaitement autofinancer : même si la marge opérationnelle a un peu baissé, elle reste bonne en valeur absolue et très bonne pour le secteur, et Akwel génère largement assez de trésorerie libre (du free cash-flow, bref : du cash) pour ce faire. Et présente un bilan très peu endetté, ce qui n'a rien d'étonnant finalement pour une affaire familiale.

On notera pour finir qu'Akwel a grandi avec quelques belles acquisitions dans le passé, telles Avon, puis Autotube plus récemment, mais n'a réalisé aucune opération ces deux dernières années, les affaires étant devenues trop chères selon la direction, qui se félicite après coup d'avoir su résister à la tentation. Mais qui pourrait reconsidérer la question à présent, éventuellement, puisque le cash disponible au bilan doit avant tout "être utilisé pour avancer".
Bref : le monde change, le décor aussi, mais l'histoire, qui est plutôt bonne, reste la même, finalement.
C'est tout ce qui compte : le long-terme avant tout.

J. Lieury - Analyste Senior - Olier Etudes & Recherche - Membre du Cercle des Analystes Indépendants - www.olier-etudes-recherche.fr

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