La directrice générale de CGG, Sophie Zurquiyah, présente les am‐
bitions du spécialiste des géosciences, totalement restructuré après
avoir frôlé la faillite à la fin des années 2010, mais qui peine à re‐
trouver les faveurs des investisseurs.
L’Agefi : Après une lourde restructuration en 2018, quel est le nou‐
veau visage du spécialiste de la sismique ?
Sophie Zurquiyah : CGG a mis en œuvre sa transformation telle
qu’annoncée à l’époque. Nous sommes sortis de l’acquisition de
données sismiques, une activité intense en capital reposant sur
l’exploitation d’une flotte de navires, pour devenir une société de
haute technologie «asset light». Le groupe reste largement exposé
à l’industrie du pétrole et du gaz, que ce soit via la caractérisation
des réservoirs, notre librairie d’images du sous-sol ou nos équipe‐
ments, mais la diversification à d’autres secteurs d’activité est en
bonne voie. Les nouveaux métiers représentent déjà 90 millions de
dollars de ventes, soit environ 8% du chiffre d’affaires. Nous visons
20% d’ici à 2025-2026 et 30% dans trois à cinq ans.
Quels sont ces nouveaux métiers en dehors du pétrole et du gaz ?
Notre expertise en géosciences trouve notamment une application
naturelle dans la détection et la caractérisation de réservoirs en
sous-sol pour le stockage du carbone. Nous avons par exemple été
retenus pour le projet Northern Lights en Norvège. Ce secteur est
voué à une forte croissance même si l’accélération que nous atten‐
dions pour 2024-2025 devrait finalement avoir lieu avec un an de
décalage. Nous devrions pouvoir capter de l’ordre de 5% à 10% de
la valeur des investissements dans le domaine au début puis
quelques pourcents, comme c’est actuellement le cas dans le pé‐
trole et le gaz, lorsqu’il sera devenu plus mature.
Nous visons également l’industrie minière , notamment du lithium,
du cobalt ou du nickel. Les extractions actuelles sont plutôt faites
en surface, mais pour trouver d’autres gisements il va falloir cher‐
cher dans le sous-sol, en utilisant nos technologies de pointe. Nous
nous intéressons aussi à l’hydrogène dit «blanc», disponible à l’état
naturel. Enfin, nous misons beaucoup sur la surveillance des infra‐
structures sensibles comme les ponts suspendus ou les éoliennes
offshore. Cela représente un débouché intéressant pour notre pôle
Sensing ∓ Monitoring car nous pourrons vendre à la fois nos
équipements et des services associés. Au global, tous ces nouveaux
marchés pèseront à peu près la même taille que notre marché his‐
torique à horizon 2026. A nous d’en capter une part substantielle.
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Les dépenses d’investissement de l’industrie pétrolière ont aug‐
menté d’environ 15% en 2023 après une hausse de 20% en 2022.
Est-ce le début d’un nouveau cycle pétrolier ?
Les compagnies pétrolières avaient beaucoup coupé dans leurs dé‐
penses pendant le Covid. Elles cherchent aujourd’hui à augmenter
leur production pour répondre à la demande, en particulier de gaz
naturel . Les compagnies nationales au Brésil, au Mexique, en Ma‐
laisie et au Moyen-Orient relancent des projets d’exploration, mais
globalement, nous ne sommes toujours pas revenus aux niveaux
d’investissement de 2019. Nous nous attendons à ce que
l’environnement reste porteur au cours des trois prochaines an‐
nées, avec une croissance des dépenses comprise entre 5% et 10%
par an (high single digit). CGG devrait profiter de cette reprise no‐
tamment dans l’offshore et, pour la partie terrestre, de son exposi‐
tion au Moyen-Orient.
Dans l’hypothèse où les dépenses d’exploration se tariraient,
quelles seraient les conséquences pour CGG ?
Sur nos métiers historiques liés à l’industrie pétrolière, nous
voyons de la croissance au moins jusqu’en 2026-2027. Ensuite,
nous pourrions avoir moins de croissance, peut-être une stagnation
ou une légère décroissance. Mais l’intensité de la demande pour
nos services ne va pas chuter brusquement. Nous sommes sur un
marché de niche : nous aidons nos clients énergéticiens à mieux
comprendre leurs réservoirs, avec une avance technologique
unique. La demande pour ce type de service va durer encore long‐
temps. Cela nous laisse du temps pour développer nos nouvelles ac‐
tivités, qui croîtront plus vite au cours des prochaines années.
En dépit d’une croissance retrouvée et de la poursuite de votre
plan de transformation, votre titre est proche de son plus bas histo‐
rique. Comment expliquez-vous cette désaffection boursière ?
Les investisseurs se posent encore beaucoup de questions sur notre
environnement de marché, en particulier sur la reprise des dé‐
penses d’exploration. Par ailleurs la transition en cours de CGG
vers de nouveaux relais de croissance devrait permettre
d’améliorer progressivement l’image du groupe auprès des inves‐
tisseurs. Nous avons réalisé une très belle année 2023 avec une
croissance de notre chiffre d’affaires de 21% et un flux de trésore‐
rie positif. Je note qu’un de nos principaux concurrents [ndlr : TGS],
bien qu’il n’ait pas de dettes, a eu des performances boursières si‐
milaires sur l’année écoulée. Cela montre que l’environnement sec‐
toriel est un facteur prépondérant.
La société est-elle considérée comme stratégique par l’Etat fran‐
çais, ce qui empêcherait toute OPA malgré un capital éclaté où seul
Fidelity pointe à plus de 10% ?
Je pense en effet que CGG serait considéré comme stratégique car
le groupe a des activités dans la défense, principalement en Eu‐
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rope. Elles sont marginales à l’échelle des ventes totales, mais il
s’agit de technologies de pointe au caractère stratégique.
Nous commencerons à travailler sur un refinancement d’une partie
de la dette en 2025-2026 Sophie Zurquiyah, directrice générale de
CGG
Comment négociez-vous l’important endettement de CGG ?
A fin 2023, l’endettement financier net devrait ressortir à 875 mil‐
lions de dollars, soit environ 2,2 fois l’excédent brut d’exploitation.
Aucun convenant (ratio d’endettement à ne pas dépasser, ndlr)
n’est attaché à cette dette qui est entièrement à taux fixe et à
échéance 2027. D’ici là, nous allons continuer à améliorer la géné‐
ration de trésorerie libre. Nous prévoyons un cash- flow net de 30
millions de dollars en 2023 et 2024 malgré le paiement de pénalités
de plusieurs dizaines de millions de dollars liées à des engagements
de location de navires qui prendront fin cette année. Pour
2025-2026, nous visons un flux de trésorerie entre 75 et 100 mil‐
lions de dollars par an. Nous n’excluons pas de procéder à des rem‐
boursements anticipés, ce qui permettrait de réduire le coût finan‐
cier qui s’élève à environ 100 millions de dollars, et commencerons
à travailler sur un refinancement d’une partie de la dette en
2025-2026.
L’émergence de l’intelligence artificielle ouvre-t-elle de nouveaux
marchés pour CGG ?
L’intelligence artificielle est déjà présente dans de nombreux as‐
pects de nos activités et nous avons la première puissance informa‐
tique industrielle au monde pour la mettre en œuvre. L’IA permet
notamment d’optimiser nos algorithmes d’imagerie, d’être plus effi‐
cace dans la récupération et l’analyse des données de sous-sol.
Nous l’intégrons aussi dans les outils que nous proposons à nos
clients. Le groupe BP nous a par exemple demandé de les aider à
rendre plus intelligibles les données brutes dont ils disposent, c’est
un projet à très large échelle que nous sommes capables de mettre
en œuvre grâce à l’intelligence artificielle. Nous traitons en perma‐
nence de très gros volumes de données, et l’IA aide à contrôler la
qualité de ces données. Grâce à nos nombreux profils d’ingénieurs
et de physiciens, nous sommes en mesure d’intégrer rapidement
ces nouveaux outils dans nos modes de fonctionnement.