De Michael Burry à l’emploi ADP, la mémoire du poisson rouge a encore frappé
06.11.2025
Hier on ne parlait QUE de Michael Burry et du fait qu’il s’était mis « short » sur l’IA. La baisse de la séance de mardi et le bain de sang sur certaines valeurs tech était uniquement basée sur le fait que le visionnaire qui avait vu les SUBPRIMES arriver en remettait une couche, mais cette fois sur l’IA… Et puis ce matin ; PLUS RIEN. Exit Michael Burry, plus un mot sur l’IA, il a disparu des écrans radars et en l’espace de moins de 12 heures nous sommes passés des stratégies des hedges funds, à la narration macro-économique à deux balles sur les chiffres de l’emploi ADP et aux décisions à venir de la Cour Suprême sur les droits de douane de Trump. Il faut suivre et être attentif.
Le retour des chiffres de l’emploi magiques
Hier, Wall Street était en mode presque euphorique, après avoir vécu un mardi compliqué sur l’Intelligence Artificielle suite aux commentaires de Michael Burry. Mais en ce mercredi, tout était différent, puisqu’en l’espace d’un chiffre économique et de quelques doutes émis par la Cour Suprême qui se prépare au combat du siècle contre le Président Trump, les intervenants ont effacé leur mémoire de poisson rouge pour passer à autre chose. Le Nasdaq reprenait 1,1 %, le S&P 500 0,8 % et le Dow 0,6 %. Bref, tout le monde était dans le vert et tout allait soudainement beaucoup mieux, même si les secteurs qui se s’étaient fait défoncer la veille n’ont pas encore tout récupéré. Nvidia était « même » encore en baisse hier. C’est assez rare pour être signalé. Pour faire simple, hier le marché s’est souvenu qu’il préférait monter que réfléchir et que si on lui présentait les bons arguments, il n’allait pas se faire prier. Le S&P500 a encore une fois passé sa journée au-dessus de la moyenne mobile des 50 jours et ça fait 131 jours qu’il est au-dessus. Ça n’était plus arrivé depuis 2007, époque où il avait tenu 149 jours avant de s’enfoncer dans les gorges de l’enfer du Subprime.
La question que l’on peut se poser est donc : « Mais pourquoi cette soudaine bonne humeur hier alors que l’ensemble du marché et des experts en Bear Market et en Kra chs boursiers étaient en PLS il y a encore 24 heures ? »…
Eh bien tout simplement parce que les chiffres de l’emploi ADP sont sortis meilleurs que les attentes !!! Oui c’est génial ! L’emploi repart, l’Amérique engage à tours de bras et ça rigole dans les bureaux du chômage, il n’y a tellement plus personne qui va se présenter là-bas qu’ils sont en train de réfléchir à transformer les bureaux en fitness ou en McDonald’s. L’Amérique frise le plein emploi et le plan Trump fonctionne. Bon. D’accord. J’exagère un poil. Mais j’exagère un poil parce que je ne peux m’empêcher de me souvenir que les chiffres de l’emploi ADP n’intéressent généralement personne et que souvent, peu importe le ratage entre le chiffre officiel et les attentes des économistes, le marché s’en fout comme de l’an 40. SAUF QUE LÀ… Ahahaha, là c’était pas pareil. C’était pas pareil parce que les NFP’s ne seront pas là vendredi à cause du SHUTDOWN et que faute de grives, on mange des merles. DONC ; le rapport ADP annonce 42’000 postes créés en octobre, mieux que les 32’000 attendus. Rien de spectaculaire, vous en conviendrez (surtout qu’en octobre, Amazon a viré 30’000 personnes qui ne sont pas encore entrés dans les chiffres, mais c’était LARGEMENT SUFFISANT pour relancer la narration classique : “le marché du travail ralentit, mais pas trop, donc la Fed ne sera pas trop sous pression”. Il y a même des gars qui pensaient qu’à cause de ce chiffre, Powell peut calmer ses angoisses et « devrait » pouvoir conserver les taux là où ils sont pour les deux prochaines réunions.
Nous sommes formidables
Alors bon, je ne vais pas dire du mal de tout ça, mais disons que si on creuse deux minutes sur les chiffres précédent du même ADP, on observe que chaque fois que ces chiffres ont été publié en dessous des attentes, c’était bien plus violent. Et que lorsque nous sommes « meilleurs » que les attentes, c’est minime. Si l’on regarde ces mêmes chiffres depuis le début de l’année, les mois de destruction de l’emploi sont nettement plus violents, ce qui aurait tendance à vouloir dire deux choses : la première c’est que la qualité de ces publications est à peu près aussi bonne que l’analyse de l’emploi basée sur l’interpolation entre la culture des huîtres dans le bassin d’Arcachon et le nombre de ministres français qui ont des casseroles au cul et l’autre, c’est que ça reflète un marché du travail qui semble “fragile” : les entreprises n’embauchent pas vraiment “au-delà des attentes” de façon robuste, mais peuvent largement faire pire.
Mais peu importe. Comme on n’a pas de NFP, on ne peut pas comparer, on ne peut pas tirer de plans sur la comète de l’emploi, il ne nous reste plus qu’à nous contenter de trouver ça cool, parce que c’était mieux que les attentes. Ces chiffres ont, en tous les cas, suffi pour faire effacer la « peur du gra nd-mé chant Michael Burry ». L’ISM des services, lui, montrait un secteur qui repart, des prix qui regonflent un peu, et un marché du travail “plus faible”. Ce qui, paradoxalement, rassure tout le monde. Donc si je résume tout ce m.....r de chiffres économiques : l’emploi ADP va mieux – donc pas besoin de se précipiter pour baisser les taux vu que l’économie va « bien ». D’aileurs l’ISM le prouve, mais par contre il montre aussi que l’emploi est faible (visiblement pas d’accord avec l’ADP). Donc Powell peut baisser les taux en décembre. Ou pas. En résumé et pour « essayer » de faire simple, les chiffres économiques nous montrent absolument tout et son contraire et nous, on prend le meilleur et on l’utilise pour acheter. Le monde merveilleux où les mauvaises nouvelles deviennent de bonnes nouvelles est de retour.
Et puis y a la Cour Suprême et le m.....r politique made in Trump
Et pendant ce temps, pendant que l’on fait débat sur la macro économie, le cirque politique américain continue : le shutdown en est à son 36ème jour — un nouveau record. Le Sénat ne vote rien, la Maison-Blanche s’énerve, et les fonctionnaires bossent gratis depuis plus d’un mois. L’Amérique dans toute sa splendeur. La FAA annonce que 10% du trafic aérien pourrait être supprimé parce que les contrôleurs ont plus trop envie de bosser gratos et côté justice des tarif douaniers, la Cour suprême s’est à nouveau penchée sur les tarifs de Trump. Les juges doutent sérieusement que le Président ait le droit de taxer la planète entière sous prétexte “d’urgence économique”. Et donc, si la Cour casse ses tarifs, Wall Street sabrera le champagne. Encore. Ce qui est assez fabuleux, parce que lorsque Trump a annoncé ses intentions en avril, le marché s’est kr ac hé, puis s’est repris et aujourd’hui MALGRÉ LES TARIFS, nous sommes au plus haut de tous les temps mais si les tarifs tombent on va aller encore plus haut parce que l’inflation va baisser que Powell va baisser les taux comme jamais !!! La magie de la psychologie boursière ne cessera jamais de me surprendre !
Il semblerait donc que l’on peut attribuer une partie de la hausse d’hier aux doutes de la Cour Suprême et à son combat contre Trump. Oui, le même Donald Trump qui, depuis son retour à la Maison-Blanche, a ressorti l’ar me fatale du protectionnisme pour sauver l’Amérique des méchants Chinois, des perfides Européens et probablement des extra-terrestres, sans oublier les terrifiants helvètes qui voulaient mettre l’économie américaine à genoux à coup de montres et de chocolat. Mais trêve de plaisanteries, aujourd’hui le problème est le suivant : plusieurs juges — y compris ceux qu’il a lui-même nommés — trouvent que son usage de la loi d’urgence économique de 1977, l’IEEPA, ressemble un peu à un sketch de Jimmy Fallon.
Les doutes et la hausse
Et pendant que la Cour suprême pose des questions gênantes, les marchés jubilent. Parce que si la loi de Trump saute, les droits de douane sautent aussi. Moins de tarifs, c’est plus de marge pour les entreprises, moins de pression sur l’inflation, et potentiellement une Fed qui pourrait — ô miracle — baisser les taux plus vite. Bref, les investisseurs se mettent à rêver d’un monde où Trump parle beaucoup, mais ne taxe plus personne. Sauf que… rien n’est simple dans le pays de l’oncle Donald.
Oui, parce que même si la Cour suprême lui met une monumentale claque juridique, Trump a encore tout un arsenal de vieilles lois poussiéreuses dans ses tiroirs : Section 301, Section 232, Section 122, Section 338 — on dirait presque les épisodes d’une série Netflix intitulée “Tariffs Forever”. Autrement dit : le Président peut continuer à taxer tout ce qui bouge, il devra juste changer le prétexte légal. Et lui ne voit pas le problème, bien sûr. Dans une interview surréaliste sur Fox News, Trump a déclaré que si la Cour suprême annulait ses tarifs, ce serait “dévastateur pour le pays”. Il a même ajouté que sans lui, le monde entier serait en dépression. Oui, le monde entier. Rien que ça. Il devrait donc assez logiquement choper le Nobel d’économie l’année prochaine.
Dans sa logique, les tarifs ne sont pas une taxe : ce sont une bénédiction divine. “Je l’ai fait pour le monde”, dit-il. Sauf que pendant qu’il prêche, les entreprises américaines, elles, comptent les dégâts. Des milliers de PME étranglées par des coûts d’importation absurdes, des conteneurs bloqués en Inde parce que les droits de douane coûtent plus cher que les produits qu’ils contiennent, et des patrons qui licencient à tour de bras. Une entrepreneuse californienne raconte qu’elle a dû virer sept de ses douze employés et augmenter deux fois ses prix juste pour survivre. Mais bon, selon Trump, tout ça, “c’est pour le bien du monde”.
Côté macro, c’est aussi le flou artistique. Si la Cour suprême invalide l’IEEPA, plus de 100 milliards de dollars de droits de douane pourraient être remboursés. De quoi faire hurler le Trésor américain, qui s’est habitué à encaisser la manne tarifaire pour boucher un déficit budgétaire toujours aussi abyssal. Et s’il faut rembourser tout ce beau monde, on risque d’avoir un joli trou dans la caisse. Aujourd’hui, la probabilité que la Cour Suprême aille dans le sens de Trump est tombée à 27%. Et tout ce merdier fait plaisir aux marchés qui ont trouvé un bon prétexte pour ne plus parler des shorts de Michael Burry.