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CAC 40 : « Tout ce sur quoi repose l’humanité est à terre à Gaza » : entretien...

27 sept. 2025 01:54

« Tout ce sur quoi repose l’humanité est à terre à Gaza » : entretien avec l’écrivaine libanaise Dominique Eddé


Elle a écrit cet essai « comme on tente de se frayer un chemin dans un paysage dévasté » et elle ne veut pas « laisser la colère l’emporter sur le goût de l’autre et l’envie de paix ». Avec La mort est en train de changer, l’écrivaine libanaise Dominique Eddé livre un texte bouleversant et salutaire, une réflexion d’une justesse et d’une lucidité édifiantes.

Sa recherche, assure-t-elle, se situe en dehors du débat que la majorité des médias propose. À la fois au plus près et au-delà de la tragédie de Gaza, elle porte sur la menace de désintégration de l’être. La romancière et essayiste relève que « plus les frontières tombent, plus les murs se redressent » et s’indigne : « Comment parler de réveil des consciences quand le réveil arrive après l’irréparable ? » Face au délitement en cours, conclut-elle, c’est notre responsabilité collective en tant qu’espèce qui est engagée.

À propos du titre de votre ouvrage, depuis la tragédie de Gaza, qu’est-ce qui est en train de changer dans la mort ?

L’entreprise d’e.xte.rmin.ation à Gaza est inédite en ce sens qu’elle est aussi méthodique et brutale que foutraque. Il y a chez ce pouvoir israélien une telle rage, une telle impatience à faire place nette et à en finir avec les Palestiniens, que même leur mort ne lui suffit pas. Ce qu’il veut, c’est qu’ils n’aient jamais existé.

Ceci dit, le titre de ce livre ne se rapporte pas seulement à Gaza. Il se rapporte à un effondrement général. La mort n’existe pas en dehors de la vie. Ce qui change dans la mort, c’est ce qui change dans la vie. Or, la vie – qu’il s’agisse de la nature, des animaux ou des êtres humains que nous sommes – est de plus en plus infiltrée par des pouvoirs qui agissent sans elle. À commencer par celui de l’intelligence artificielle qui gagne en puissance à une vitesse de bolide et qui, par définition, ne connaît ni la vie ni la mort.

Les moyens de la destruction écologique et de la guerre combinent désormais un redoutable mélange d’abstraction et d’insensibilité, dû à la technologie, et d’archaïsme, dû aux hommes qui en décident. L’addition des deux crée un choc physique et mental que nous commençons à peine à appréhender.

Pouvez-vous nous en donner un exemple ?

Lorsque, au Liban, en septembre 2024, les services de renseignements israéliens ont réussi à faire exploser à distance et au même instant des milliers de téléphones portables dans les mains ou les poches de membres ou proches du He.zbol.ah, il s’est passé quelque chose d’inédit et de glaçant dans le passage de la vie à la mort.

On a vu des corps exploser alors qu’ils étaient occupés aux tâches les plus banales du quotidien. L’un en train d’acheter des boîtes de conserve dans un supermarché, l’autre au volant d’une voiture. La cécité ou la mort ont été données, en un fragment de seconde, comme dans un jeu vidéo.

Atteindre un tel degré de précision, d’intrusion dans l’intimité, de confusion en termes de valeurs, de critères… tout cela à la fois, c’est vertigineux. C’est notre rapport à la réalité tout entière qui a pris un énorme coup ce jour-là. À Gaza, ce coup est porté, jour après jour, depuis deux ans, à son degré maximal.

La mort est distribuée n’importe comment. Quand un enfant amputé ne meurt pas sous une bo.m.be, il meurt de ses blessures et quand il ne meurt pas de ses blessures, il meurt de faim. Je dis, à un moment donné dans ce livre, que la mort s’est liquéfiée, qu’elle a infiltré le langage.

Vous écrivez : « De point final qu’elle était, la mort s’est muée en point-virgule, en virgule… elle est entrée là où elle était censée se borner à conclure »…

Oui. Elle est entrée dans le temps comme l’humidité pénètre les murs. Les progrès scientifiques l’accélèrent d’un côté, la ralentissent de l’autre. Et pendant ce temps, des milliardaires dépensent des fortunes à essayer de l’anéantir.

Est-ce cela que vous voulez dire lorsque vous écrivez : « Nous ne vivons pas un changement d’époque, nous vivons un changement de temps » ?

En effet. Une époque, c’est une période historique déterminée. Or, nous vivons actuellement un temps indéterminé dans lequel le passé, le présent et l’avenir sont sens dessus dessous. Notre espèce est actuellement à la merci de ses pulsions les plus primaires. Le désir d’immortalité et le désir d’extermination se disputent le temps.

Vous avez comme pensé en silence un certain temps. Qu’est-ce qui vous a conduite à briser ce silence et à parler, à « penser à voix haute » ?

La suffocation. Et, plus prosaïquement, la proposition réitérée de l’éditeur Henri Trubert. Mais pas seulement. J’ai eu le sentiment, en vieillissant, que ma colère n’était pas synonyme de haine. Qu’elle pouvait même être quelque chose contre la haine. Et donc être utile.

L’humanisme, l’altérité et la perte de l’être sont au centre de vos réflexions. En quoi l’horreur qui se déroule à Gaza est-elle la défaite de l’humanité, comme l’indique le sous-titre de votre essai ?

Tout ce sur quoi repose l’humanité est à terre à Gaza. Lorsqu’en octobre 2023, le ministre israélien de la Défense a traité les Palestiniens « d’animaux humains », il annonçait clairement qu’il les traiterait comme tels.

Cette déclaration, madame von der Leyen, présidente de la Commission européenne, n’y avait rien trouvé à redire. Le pouvoir américain non plus bien sûr. La voie était ouverte. Le cauchemar a dépassé tout ce que l’on pouvait redouter. Sachant que le cauchemar ne date pas de ce jour funeste du 7 octobre. Il est infligé sous une forme méthodique et lancinante depuis des décennies dans les territoires occupés.

Cela veut-il dire qu’il peut y avoir d’autres Gaza ? Que nul n’est à l’abri ?

À partir du moment où plus aucun levier du droit international ne fonctionne, pourquoi échapperait-on à la loi du plus fort, à la loi de la jungle ? Il n’est pas un jour, depuis le prétendu cessez-le-feu signé par Israël et le gouvernement libanais, il y a près d’un an, où l’armée israélienne ne bombarde le sud du Liban.

La politique internationale est devenue synonyme de tractation financière.

L’abdication de l’Europe – bastion supposé de la démocratie – a constitué une catastrophe dont on ne mesure pas encore les conséquences. À partir du moment où la loi de l’argent l’a emporté sur toutes les autres, la politique internationale est devenue synonyme de tractation financière.

La guerre au Soudan serait-elle aussi sanglante si elle n’était le champ de bataille d’une ruée vers l’or ? Avec pour exploitant intermédiaire, les Émirats arabes unis qui, soit dit au passage, sont devenus les grands alliés d’Israël. Alliés sur quelle base ? Le désir de faire la paix ? Non, bien sûr. Le désir d’avoir la paix ! Autrement dit : d’accroître indéfiniment le profit à un minimum de frais.

Peut-on dire que le verrou de l’accusation d’antisémitisme est en train de sauter aujourd’hui, alors même que le droit d’Israël à se défendre a pris la tournure ainsi que vous l’écrivez d’un « droit à tout détruire » ?

Oui et non. Regardez. Même Emmanuel Macron en fait les frais aujourd’hui. Il est accusé depuis peu par Netanyahou de favoriser l’antisémitisme en prônant la création d’un État palestinien. Il n’a pourtant pas ménagé ses efforts pour défendre l’équation lapidaire, soufflée par les avocats aveuglés d’Israël : antisionisme = antisémitisme. Le terrorisme intellectuel a beau tourner au grotesque, il opère, il intimide, il fait des dégâts pour tous.

En plus de la mort, il y a l’avilissement, l’humiliation de la souffrance à laquelle vous consacrez un chapitre de votre essai. Quel sort, quel avenir désormais pour les Palestiniens ? Un État où, comment, sans territoire ?

L’avilissement de la souffrance est une expression que j’emprunte à Kafka. C’est ce qu’il y a de pire. C’est ce qui affecte notre capacité humaine à transformer la douleur en quelque chose d’autre. Que vont pouvoir faire les Palestiniens du mal sans nom qu’on leur a infligé depuis 1948 ? Sans doute le meilleur et le pire.

Le meilleur consistera notamment à développer une pensée critique sur le fonctionnement de la résistance à l’occupation, à la faire aller de pair avec une bataille sans concession sur le droit. Sachant, quand je dis « le droit », qu’une pleine justice ne sera jamais rendue au peuple palestinien, compte tenu de l’échelle de la dépossession.

Il faut toujours se demander, quand on s’enferme dans le déni, si l’on n’est pas en train de reproduire le comportement de l’ennemi.

Le Hamas n’est certes pas responsable du génocide programmé par le pouvoir israélien. Il n’est pas moins responsable du massacre du 7 octobre et d’erreurs monumentales commises au fil des ans. Il faut toujours se demander, quand on s’enferme dans le déni, si l’on n’est pas en train de reproduire le comportement de l’ennemi.

L’islamisation du pouvoir politique est à mes yeux la plus mauvaise riposte qui soit à la judaïsation du pouvoir israélien. Le pire scénario étant évidemment l’enfermement dans la haine, le désir de vengeance. Je ne sais pas quel sera l’avenir. Je sais seulement qu’il n’aura de sens dans cette partie du monde que s’il place, à terme, l’identité citoyenne au-dessus de l’identité confessionnelle. Cela a beau relever du bon sens élémentaire, nous en sommes loin. Les constructeurs de ponts devront déployer des efforts de titans.

Vous relevez un « phénomène inédit gravissime : l’accouplement de la conscience et de l’algorithme ».

Nous savons tous que le calcul automatique à grande vitesse est un outil aussi utile que dangereux. Que d’esprits cèdent déjà à la tentation de livrer la liberté de leur conscience à l’efficacité de la machine. La conscience réclame du temps et même de l’hésitation : elle se construit lentement, au même titre que la pensée.

Elle passe par le corps, elle négocie avec soi, avec l’autre, avec le désir, le plaisir, la souffrance. Tout ce avec quoi l’algorithme n’a pas à traiter. À moins d’un très fort retour de la conscience sur la scène du politique, il suffit désormais d’un rien pour que la machine l’écrase.

Vous convoquez souvent Kafka, vous adressant à lui. Pourquoi ?

Il est l’auteur de la conscience par excellence. Celui pour qui elle n’est jamais au bout de ses peines. Il est venu à mon secours dans cet essai, au même titre que Dostoïevski, par la porte qui consiste à questionner les réponses. À ne pas se satisfaire de ce que l’on a trouvé. Je dirais même à s’en méfier.

Si différents soient ces deux écrivains, ils nous mettent en garde contre certains travers de l’intellectualisme. Je veux dire quand la défense d’une thèse l’emporte sur le mouvement et l’ambivalence du propos.

La mort est en train de changer, de Dominique Eddé, Les liens qui libèrent, 112 pages, 10 euros.

10 réponses

  • 27 septembre 2025 02:00

    Article très intéressant, c'est long mais je vous le recommande vivement !

    Bonne lecture 🙂​

    Lien : https://urlr.me/nCaGVd


  • 27 septembre 2025 03:06

    Nous y avons cru avec Arafat

    Le 13 novembre 1974, Yasser Arafat, « porteur d'un rameau d'olivier et d'un fusil de combattant », fait un discours écrit par Mahmoud Darwich et Edward Saïd[61] devant l'Assemblée générale des Nations unies[62]. Il y définit le sionisme comme une idéologie « raciste », « impérialiste » et « colonialiste », il y justifie la cause palestinienne en la comparant aux luttes nationalistes d'autres peuples du monde, et il y défend l'idée d'un État unique démocratique où vivraient chrétiens, Juifs et musulmans[63]. Cependant, il rejette toute forme de reconnaissance d'un état israélien[62]

    Le 22 novembre 1974, l'Organisation est admise comme membre observateur à l'ONU[64], faisant d'Arafat le premier représentant d'une organisation non gouvernementale à participer à une session plénière de l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies. Le droit des Palestiniens à l'autodétermination, à l'indépendance nationale et à la souveraineté est également reconnu dans ce même mouvement par l'ONU[62].


  • 27 septembre 2025 04:46

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Assassinat_d%27Yitzhak_Rabin


  • 27 septembre 2025 10:31

    Merci bien mollomomo de ton intérêt et de ce rappel historique important :)

    Bon week end à toi .


  • 27 septembre 2025 10:37

    L'assassinat de Yitzhak Rabin

    Alain Dieckhoff dans mensuel 220
    daté avril 1998 Réservé aux abonnés du site

    Artisan de la paix israélo-arabe, Yitzhak Rabin, accuse de brader la «Terre promise», est assassiné. Par un Israélien...

    Celui qui met en danger le peuple mourra. » C'est par ces mots qu'Ygal Amir justifia l'assassinat du Premier ministre israélien, Yitzhak Rabin, le 4 novembre 1995. Ce geste homicide, accompli au nom de Dieu, fut sans doute le fait d'un individu exalté. Mais il était bel et bien l'expression ultime d'un climat particulièrement délétère.

    Dans les manifestations de l'opposition de droite, Rabin apparut en effet fréquemment, sur des photomontages, attifé d'un keffieh palestinien ou, plus odieux, d'un uniforme SS. Les cris vengeurs - «à mort», «traître», «collaborateur» - n'étaient pas rares. Une hostilité sans fard contre le Premier ministre, accusé de brader la « terre d'Israël », s'était développée dans le camp nationaliste israélien, et en particulier parmi les sionistes religieux.

    https://urlr.me/8p93PH


  • 27 septembre 2025 11:39

    Je plussoie, tous tombe par terre, on parle d'égalité il n'y en a pas, on parle de liberté il n'y en a pas, on parle de paix il n'y en a pas .... La violence devient la norme, le mensonge devient la norme, la corruption devient la norme, le blabla au lieu de l'action devient la norme, la haine de l'autre devient la norme.
    Vous oubliez tous que un humain est un humain et que l'on doit respecter ceci .... vive la paix et non la guerre


  • 27 septembre 2025 11:50

    Attention Brunel2 , l'humain est humain, mais ce que tu désigne c'est la Société, nuance


  • 27 septembre 2025 12:05

    Cette violence arrive et est déjà chez nous. Elle montera progressivement. Alimentée par une violence politique. Nous ne parvenons même plus à établir un budget. Pendant ce temps là, des morts tout les jours, règlements de comptes nous dit on, pourquoi en est on arrivés là ?


  • 08:36
    27 septembre 2025 12:05

    Cette violence arrive et est déjà chez nous. Elle montera progressivement. Alimentée par une violence politique. Nous ne parvenons même plus à établir un budget. Pendant ce temps là, des morts tout les jours, règlements de comptes nous dit on, pourquoi en est on arrivés là ?

    Un trop plein sans vidange depuis assez longtemps.


  • 11:00
    08:36

    Un trop plein sans vidange depuis assez longtemps.

    Donc on va devoir finir par changer le moteur... 🤔


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