Aujourd'hui, l’Allemagne a le sentiment de vivre une trahison historique. Sous Trump, les États-Unis lâchent Berlin : menaces sur l'OTAN, droits de douane brutaux, soutien présumé à l'extrême droite allemande... Comme un coup de couteau dans le dos pour ce pays que Washington a pourtant façonné. La réponse ne s'est pas fait attendre : l'Allemagne prépare une revanche stratégique.
Ce 20 janvier 2025, Donald Trump a fait son grand retour à la Maison Blanche. Dès son investiture, il a adopté une posture agressive à l’égard de l’Europe, critiquant les pays du Vieux Continent et remettant en cause leurs valeurs communes. Plus inquiétant encore : il a ouvertement menacé de retirer les États-Unis de l’OTAN, qui repose en grande partie sur le financement américain (représentant 70 % du budget total de défense de l’organisation). Une sortie des États-Unis plongerait donc l’organisation dans une crise majeure, voire mettrait en péril sa survie. Autre source de tensions : le rapprochement affiché entre Trump et Vladimir Poutine.
L’Allemagne, un héritage américain en crise
Ces derniers jours, Trump a déclaré au monde entier une "guerre commerciale" sans précédent, décidé à imposer des frais de douane exorbitants sur les industries européennes. L’Allemagne, déjà plongée dans des difficultés économiques – elle est en récession pour la deuxième année consécutive, avec une contraction de son PIB de 0,2% en 2024 (Le Monde) –, n’a pas très bien reçu cette initiative présidentielle. Comme l’indiquent nos confrères du Wall Street Journal : "Il n’est pas surprenant que, sur le continent [européen], l’opinion sur Trump et les États-Unis ait chuté".
Si l’Allemagne n’a pas de vieux liens franco-américains ou anglo-saxons, son État moderne est un héritage direct des États-Unis : Constitution, fédéralisme, capitalisme, médias et même le système judiciaire. Pourtant, ce partenariat stratégique – symbolisé par les 35 000 militaires US stationnés dans le pays, qui génère quelque 2,3 milliards d’euros pour l’économie locale – montre aujourd'hui des signes de fracture. Le sentiment de délaissement gagne du terrain. La preuve ? En six mois, la cote de popularité des États-Unis s’est effondrée, passant de 50 % à seulement 33 % des Allemands (YouGov, février). Jochen Balzulat, président d’un club germano-américain, s’est confié au Wall Street Journal en critiquant "l’hostilité" des États-Unis et leur ingérence politique, notamment en apportant son soutien à l’extrême droite européenne.
Berlin se prépare à l’après-Amérique
Certains dirigeants allemands, comme Friedrich Merz, ont notamment appelé à une défense européenne plus autonome pour réduire la dépendance vis-à-vis des États-Unis (Europe 1). Et en réponse aux frais de douane imposés par Trump, l’Allemagne a, ce mercredi, déclaré envisager de rapatrier son stock d’or des États-Unis, qui était gardé dans les réserves de la Banque Centrale Américaine. Bien que les discussions sur le rapatriement aient été relancées récemment, elles s’inscrivent dans une inquiétude plus ancienne sur la sécurité de ces réserves.
En outre, après les déclarations du vice-président américain JD Vance, Merz, futur chancelier allemand, a annoncé un ambitieux plan de réarmement de 1 000 milliards d’euros sur 10 ans. Cependant, ce chiffre n’a pas encore été confirmé officiellement et pourrait faire l’objet d’ajustements.
L’Allemagne, qui a longtemps délégué sa défense à Washington, doit repenser son économie, notamment face à la guerre en Ukraine et à la menace russe.
L’Europe, entre colère et prudence
De son côté, l’Europe a réagi de manière ferme, mais prudente face aux nouveaux droits de douane imposés par Donald Trump, dont l’une des mesures inclut une taxe de 20 % sur les produits européens. Emmanuel Macron a qualifié ces mesures de "brutales et infondées", estimant que les premiers perdants dans ce “jeu” seraient les États-Unis eux-mêmes (Le Monde). Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a exprimé son profond regret face à cette décision, appelant à des négociations équilibrées. L'Europe a toutefois envisagé des contre-mesures, notamment des taxes sur certains produits américains. Cependant, elle privilégie pour l'instant les négociations tout en se préparant à un rapport de force si nécessaire.