Atos :
Si Onepoint avait pu impressionner par sa capacité à réunir suffisamment de fonds, d’expertises et de réseaux, malgré une taille et un apport en capital modeste, pour espérer sauver Atos, c’est tout simplement parce qu’il ne l’avait finalement pas totalement fait… Et l’abandon du projet, aussi soudain et surprenant fût-il, pourrait être condidéré comme un retour à une certaine logique…
Atos finit par se retrouver aujourd’hui dans une négociation bipartite avec ses créanciers, et un pool de porteurs obligataires et de banques détenant quasiment 3 milliards d'euros de dettes pourrait bientôt en devenir le principal actionnaire. Ce type de négociation/issue reste relativement rare sur le marché obligataire français car le plus souvent les différences de seniorité entre banques et obligataires, la difficulté à regrouper des pools d’investisseurs ou les vides juridiques sur le sujet ont tendance à pousser vers le défaut ou à privilégier les banques ou les actionnaires existants dans les restructurations.
Attention cependant car le pool de porteurs obligataires ne négocie ici que pour ses membres et non comme le « représentant de la masse », terme utilisé communément dans les années 80/90. Ainsi, si l’entreprise peut être sauvée, recapitalisée et désendettée, les investisseurs obligataires actuels non-membres du pool ne doivent pas espérer, si tant est qu’ils aient conservé leurs obligations jusque là, un retour à meilleure fortune pour leur investissement. Au contraire, cette négociation bilatérale devrait même dégrader encore plus leur valeur de recouvrement dans la mesure où plus de la moitié de la dette, faisant partie de la négociation, se retrouve prioritaire de facto sur l’autre moitié. Le marché l’a d’ailleurs immédiatement pris en compte et les obligations Atos, qui ne valaient déjà plus grand-chose, ont encore trouvé quelques points à perdre à la suite de l’annonce de l’accord, passant de 15% du nominal à 10% environ.
Evolution du rendement à maturité de ATOFP 1 11/12/29
(Sources : Bloomberg, Octo AM)
Comme dans les faillites précédentes que nous avons commentées, et à l’image de celle de Casino, rien à espérer donc pour les porteurs « lambda » qui se retrouvent, avec Monsieur Layani qui devra céder sa position avec une perte substantielle, les grands perdants de l’opération, leurs obligations se retrouvant remboursées proche de zéro ou prolongées ad vitam avec une subordination telle qu’il sera quasi impossible d’en faire un investissement raisonnable. Alors bien sûr, il est possible de voir des rebonds aléatoires ou de croire à sa bonne étoile mais cela relèvera plus du casino que de l’analyse et nous conseillons, même sur les prix actuels, à ceux qui l’auraient encore de céder leur position. Enfin, notons que les créanciers ayant participé au projet sont de trois types : des banques prêteuses, des gros porteurs institutionnels de long terme des obligations, des fonds spécialisés dans les situations de faillite et de négociation judiciaire. Autant dire que ces trois types d’investisseurs ne sont pas des actionnaires structurels, ce qui implique deux choses :
l’action Atos subira une pression vendeuse durant plusieurs mois à la suite de la conversion de la dette en actions, les créanciers actuels ayant matérialisé leur opération et n’ayant pas vocation à rester actionnaires
la gestion d’Atos dans les mois à venir sera celle d’une maximisation de la valeur pour des « créanciers-actionnaires» plutôt que d’une vision long terme, ce qui pourrait être plus synonyme de dépecage que de construction, d’autant plus que certains créanciers spécialisés ayant acheté la dette à bas prix dans le seul but de la négociation voudront matérialiser rapidement une potentielle plus-value plutôt que de rester dans ce qui restera probablement pendant longtemps un bourbier, qualificatif que nous avions employé lors de notre premier hebdo sur le sujet, il y a tout juste deux ans.