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Taxes sur les alcools : face à Trump, l’Europe prise au piège de son excédent commercial
information fournie par The Conversation 20/03/2025 à 11:37

Des bouteilles de vin français exposées à la vente chez Total Wine & More à Laurel, dans le Maryland. Donald Trump a menacé d'imposer des droits de douane de 200% sur le vin, le champagne et les produits alcoolisés en provenance des pays de l'Union européenne, en représailles aux taxes prévues par le bloc sur le whisky produit aux États-Unis. (Photo : Jim Watson / AFP)

Des bouteilles de vin français exposées à la vente chez Total Wine & More à Laurel, dans le Maryland. Donald Trump a menacé d'imposer des droits de douane de 200% sur le vin, le champagne et les produits alcoolisés en provenance des pays de l'Union européenne, en représailles aux taxes prévues par le bloc sur le whisky produit aux États-Unis. (Photo : Jim Watson / AFP)

En menaçant de taxer les alcools européens à hauteur de 200 %, Donald Trump fait peser une menace sur le secteur. Les Européens ont encore des cartes dans leur jeu.

Trump a fait de la principale faiblesse de l'économie des États-Unis un atout majeur dans ses relations internationales. Cette faiblesse réside dans son déficit commercial qui atteignait près de 1 000 milliards d'USD l'an passé, avec notamment des déficits bilatéraux records avec la Chine, l'Union européenne et le Mexique.

Par définition, ces déficits états-uniens sont autant d'excédents pour ses partenaires commerciaux. En menaçant de taxer les importations, Trump menace de priver ses partenaires commerciaux de débouchés extrêmement importants, voire vitaux, dans certaines filières. À ce jeu comptable, renvoyant à la doctrine mercantiliste des XVIe et XVIIe siècles, à tous les coups il gagne. Ce qui pose par ricochet la question de la pertinence de la réponse à apporter à cette politique agressive.

Une mauvaise mesure ?

En particulier, fallait-il taxer le bourbon « made in USA » à hauteur de 50% en raison de la symbolique du produit et du fait qu'il serait notamment fabriqué dans les États pro-Trump ? C'est bien ce qu'a décidé de faire l'UE : le whisky apparaît dans une liste assez hétéroclite de produits à portée symbolique (les motos, les jeans, etc.), en réponse à l'imposition de droits de douane étasunien de 25 % sur l'acier et l'aluminium. Cette liste avait été édictée en 2018, déjà en réaction à une mesure similaire prise par le président des États-Unis lors de son premier mandat.

Si la volonté de frapper des symboles américains est compréhensible, il est plus difficile de justifier une taxation dans un secteur où l'Europe a un excédent très fort et où ses producteurs dépendent fortement du marché américain. Ce secteur c'est bien sûr celui des alcools. L'Europe exportait en 2023 environ 10 milliards de dollars de boissons alcoolisées vers les États-Unis contre 1,5 milliard de dollars d'importations. Soit un solde excédentaire européen de 8,5 milliards de dollars.

La France compte pour près de 4,5 milliards dans ce solde et l'Italie pour environ 2,5 milliards. Ces deux pays seraient les deux grands perdants, avec environ 20 % de leurs exportations de vins tournées vers les États-Unis.

Les risques de guerre commerciale

Plus généralement, il convient de méditer la mise en garde de Christine Lagarde qui exhortait l'UE à ne pas s'engager dans une guerre commerciale avec les États-Unis. Comptablement, on voit bien avec l'exemple des alcools que, dans une logique mercantiliste, le combat est déséquilibré. Pour le dire autrement, certains pays européens ont plus à perdre dans cette guerre que les États-Unis. Les Européens doivent d'urgence changer de terrain et chercher d'autres mesures que des représailles commerciales pour frapper les États-Unis. Dans les services financiers ou ceux fournis par les GAFAM par exemple, l'UE est fortement déficitaire.

Les conséquences de droits de douane à 200 % seraient létales dans le secteur des alcools. Les modèles de commerce international qui analysent les exportations françaises de vin affichent des élasticités-prix des exportations autour de -0,7. Cela signifie qu'en moyenne une hausse de 10 % des tarifs d'un vin français diminue sa demande aux États-Unis de 7 %. Une simple règle de trois montre donc qu'au-delà de 140 % de droits de douane (et donc de hausse de prix), la demande américaine devient nulle. C'est ce que l'on appelle un droit de douane prohibitif, au sens où il annule le flux d'export. 200 % de taxe détruirait entièrement les exportations françaises et européennes vers les États-Unis, leur premier marché.

Or, la menace est crédible. La famille Trump y aurait directement intérêt en tant que productrice elle-même. De plus, les États importateurs de vins français sont des États démocrates, Californie en tête. Un précédent exemple est éclairant : la Chine avait ainsi taxé les vins australiens de 116 % à 218 % entre l'automne 2021 et le printemps 2024 par représailles à des prises de position du gouvernement australien sur les origines du Covid. Ce niveau de taxe avait anéanti les exportations vers la Chine, alors premier débouché à l'export de l'Australie. Le secteur australien du vin a énormément souffert de cette mesure.

La solution australienne

Mais plusieurs entreprises australiennes ont fait émerger des stratégies intéressantes qui pourraient s'avérer utiles dans un univers très risqué. Il s'agit de stratégies de contournement pour l'essentiel qui consistent à expédier les vins depuis d'autres pays avec des accords de partenariats, pour que ces vins n'apparaissent pas forcément comme australiens.

Il s'agissait également d'investissements sur place pour produire localement. Ces stratégies de contournement des droits de douane, bien connues, s'apparentent à ce que l'on appelle du tarif jumping. Il est hélas urgent de réfléchir à ce type de stratégies en Europe si aucun accord n'est trouvé rapidement.

Jean-Marie Cardebat
Professeur d'économie à l'Université de Bordeaux et Professeur affilié à l'INSEEC Grande Ecole, Université de Bordeaux

Olivier Bargain
Professeur, Directeur du magistère de sciences économiques, Université de Bordeaux

Raphaël Chiappini
Maître de conférences en économie, Université de Bordeaux


Cet article est issu du site The Conversation

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9 commentaires

  • 26 mars 18:53

    C'est bidon cet excédent commercial... et les GAFAM dans tout ça ?
    Que chaque européen résilie son abonnement Netflix déjà, on pourra commencer à discuter.


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