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Stellantis veut renouer le dialogue avec les concessionnaires et autres parties prenantes
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Son retour dans l'Acea, signe d'une plus grande unité sur le CO2
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Les décisions d'Elkann rassurent les investisseurs, l'action reprend 18%
par Giulio Piovaccari et Nora Eckert
Sous la houlette de son président John Elkann, Stellantis STLA.MI , propriétaire de 14 marques dont Fiat, Peugeot et Jeep, est revenu rapidement sur plusieurs actions héritées de l'ancien directeur général Carlos Tavares et a entrepris de renouer le dialogue avec ses concessionnaires, ses partenaires industriels, ses salariés et ses interlocuteurs gouvernementaux.
Carlos Tavares a brutalement démissioné le 1er décembre, près de 18 mois avant la fin de son mandat, à cause de divergences croissantes avec le conseil d'administration et les actionnaires de référence sur une stratégie immédiate pour redresser le 4e constructeur automobile mondial.
Jusqu'à ce qu'il trouve un nouveau directeur général, Stellantis est dirigé désormais par un comité exécutif intérimaire présidé par John Elkann.
Après un avertissement spectaculaire sur ses prévisions financières fin septembre, confronté à un gonflement de ses stocks et à une baisse des ses parts de marché, Stellantis n'a pas une minute à perdre, même sous un management temporaire.
John Elkann, 48 ans, représentant de la famille Agnelli qui a fondé le groupe Fiat plus d'un siècle plus tôt, est aussi le président de Ferrari RACE.MI et dirige également Exor
EXOR.AS , la holding de la famille.
L'impact de ses coups de volant pourra être testé dès mardi, quand des représentants de Stellantis rencontreront le ministre italien de l'Industrie Adolfo Urso et des syndicats pour tenter de se mettre d'accord sur un plan de production à long terme pour l'Italie.
Stellantis, unique constructeur généraliste du pays et dont les relations avec Rome se tendent de manière récurrente, pourrait s'engager à produire davantage et à préserver l'emploi sur le sol italien en échange d'une amélioration des conditions industrielles et d'un soutien public à la transition vers l'électrique.
Selon une source proche de Stellantis, le moment est propice pour signer un tel accord.
RETOUR DANS LA TRIBU
Moins d'une semaine après le départ de Carlos Tavares, Stellantis a également annoncé qu'il rejoindrait l'Association des constructeurs européens d'automobiles (Acea), l'instance de lobbying de la filière en Europe.
L'ex-directeur général avait quitté l'Acea en 2023, préférant à la place une stratégie solo au sein d'un nouveau "Forum sur la liberté de mouvement", sans consulter le conseil d'administration, a dit une deuxième source.
Des administrateurs s'en étaient étonnés à l'époque, a ajouté la source, mais le conseil n'avait rien dit jusqu'à ce que cette stratégie du cavalier seul commence à apparaître risquée à l'approche d'un durcissement des objectifs européens de CO2, en 2025, sur lesquels la filière doit parler d'une seule voix si elle veut espérer obtenir des aménagements et échapper à plusieurs milliards d'euros d'amendes.
Stellantis prévoit maintenant de s'aligner sur les positions de l'Acea, a dit la semaine dernière le directeur général délégué pour l'Europe élargie de Stellantis, Jean-Philippe Imparato.
"Stellantis rejoint la tribu des constructeurs automobiles européens", a ajouté la deuxième source.
Carlos Tavares s'opposait systématiquement aux demandes de souplesse sur le calendrier en matière de CO2, arguant qu'on ne changeait pas les règles à la dernière minute pour satisfaire les constructeurs qui n'étaient pas assez préparés.
Les concessionnaires européens de Stellantis ne partageaient pas cette position, qu'ils jugeaient dangereuse. Mais quelques jours après le départ de Carlos Tavares, une rencontre à Amsterdam avec Jean-Philippe Imparato les avait rassurés et conduits à déclarer dans un communiqué que "la coopération avec Stellantis (...) est solide."
"Il semblerait que l'entreprise veuille se présenter comme une structure moins centralisée, et donner davantage d'autonomie à ses pays, y compris dans les relations avec les concessionnaires", a déclaré Alberto Di Tanno, président du groupement de concessionnaires italiens Intergea.
"L'idée est d'avoir un management plus collégial durant cette phase (...) tranchant avec le style du patron unique sous Tavares", a ajouté une troisième source.
TAVARES PARLE D'UN DÉPART A L'AMIABLE
Cette volonté de réparer les relations avec la filière aval se ressent aussi aux Etats-Unis, où Stellantis a rappelé de sa retraite Timothy Kuniskis pour reprendre la direction de la marque Ram.
La semaine qui a suivi le départ de Carlos Tavares, John Elkann s'est rendu coup sur coup aux Etats-Unis, en Italie et en France, les trois grands pays d'origine de Stellantis, né en janvier 2021 de la fusion entre PSA-Opel et FCA.
Après être tombée à son plus bas niveau depuis juillet 2022 au lendemain de l'annonce du départ de l'homme fort de PSA et de
Stellantis pendant une décennie entière, et avoir effacé depuis le début de l'année plus de 40% de sa valeur, l'action du groupe a repris des couleurs depuis, avec un rebond de 18%.
Dans sa première interview depuis son départ, le vétéran franco-portugais de l'automobile a déclaré que son départ, motivé par des désaccords avec le conseil, s'était fait "à l'amiable" et d'un commun accord avec John Elkann.
"Une entreprise qui a 250.000 salariés, un chiffre d'affaires de 190 milliards d'euros, 15 marques - avec la chinoise Leapmotor - vendues à travers le monde, n'est pas une entreprise qui peut être dirigée avec un manque d'alignement - celui-ci a immédiatement un impact sur la direction stratégique", a-t-il dit au journal portugais Expresso en fin de semaine dernière.
Connu pour faire une chasse impitoyable aux coûts, ce passionné de compétition automobile est parvenu à redresser PSA, Opel, et à maintenir une marge à deux chiffres à la naissance de Stellantis, une performance réservée jusqu'ici aux constructeurs premium.
Mais la performance du groupe s'est dégradée cette année à cause notamment d'un positionnement prix trop élevé et pas assez en phase avec plusieurs marchés importants de Stellantis, selon des concessionnaires, des experts du secteur et des clients.
Dans son interview, Carlos Tavares a dit qu'il n'était "pas du tout" blessé par la façon dont les choses se sont terminées, ajoutant que la période qui s'ouvre est le début de la période "darwinienne", qu'il diagnostique depuis longtemps.
"Quand vous faites face à une tempête, vous devez piloter le navire selon les vagues. Vous ne pouvez pas avoir une discussion sur la meilleure façon d'y faire face", a-t-il déclaré.
(Giulio Piovaccari à Milan et Nora Eckert à Detroit, avec Gilles Guillaume à Paris, Alessandro Parodi à Gdansk, David Latona et Patricia Vicente Rua à Lisbonne, Gilles Guillaume pour la version française)
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