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Portée et signification de la baisse des taux de la Fed
information fournie par Le Cercle des économistes 15/12/2025 à 08:22

Philippe Trainar
Philippe Trainar

Philippe Trainar

CNAM

professeur titulaire de la chaire assurance

https://lecercledeseconomistes.fr/

Le bâtiment de la Réserve fédérale, à Washington. (Crédits: Federal Reserve)

Le bâtiment de la Réserve fédérale, à Washington. (Crédits: Federal Reserve)

Avant la trêve de fin d'année, la Fed vient de baisser son taux d'intérêt directeur. Cette stratégie est-elle gagnante dans le contexte économique en général, américain en particulier ? Pour Philippe Trainar, il convient de relativiser les effets attendus

Le 10 décembre dernier, le Federal Open Market Committee (FOMC) de la Federal Reserve a décidé de réduire de 25 points de base le taux des « federal funds », principal instrument d'intervention de la politique monétaire américaine, de 3,75-4%, où il se situait depuis le 29 octobre dernier, à 3,50-3,75%. Parallèlement, le Comité a décidé de mettre fin au Quantitative Tightening et de reprendre la politique de Quantitative Easing (QE) en procédant à des achats de titres du Trésor de maturité inférieure à trois ans, pouvant aller jusqu'à 40 Mrds$ par mois.

Ces deux décisions témoignent de la volonté de la banque centrale américaine de mener une politique monétaire accommodante et, surtout, plus accommodante que ce que suggéreraient les données conjoncturelles (inflation et taux de chômage) dont disposent à ce jour la banque centrale.

En effet, sur la base de ces données, qui montrent un taux d'inflation supérieur d'un point au taux cible de 2% et un taux de chômage très proche de son niveau d'équilibre, et sur la base des règles de politiques monétaires usuelles, la Federal Reserve devrait cibler un taux des Fed Funds entre 4,00 et 4,50% et n'aurait certainement pas dû réduire ce taux lors de la dernière réunion de son comité. Elle aurait encore moins dû associer cette baisse de taux à une reprise du QE, surtout dans une proportion aussi élevée, alors qu'à peine un tiers du QE effectif depuis 2008 a été résorbé à ce jour. Ces deux décisions paraissent d'autant plus surprenantes qu'elles interviennent dans un contexte de brouillard inhabituel sur les tendances récentes de l'inflation et de l'activité aux Etats-Unis, du fait du « shutdown ».

L'influence informelle de Trump

La décision du 10 décembre révèle, en fait, l'influence informelle de Trump, qui joue dans le sens d'une politique monétaire excessivement accommodante et, donc, par voie de conséquence, d'une persistance plus longue que prévue de l'inflation à un niveau supérieur au taux cible de 2%, ainsi que d'une dépréciation du dollar par rapport à son niveau actuel. Elle confirme aussi le changement fondamental intervenu dans la politique monétaire depuis 2008 : la Federal Reserve, comme les autres banques centrales des économies développées, est devenue l'un des principaux détenteurs, si ce n'est le principal détenteur, de la dette publique alors que les banques privées ont substitué à due proportion des créances sur les banques centrales aux créances sur les Etats qu'elles détenaient traditionnellement.

Ce changement entraîne une conséquence économique et financière majeure : les banques centrales, la Federal Reserve en tête, ont très sensiblement accru leur exposition au risque de crédit des Etats alors que les banques privées l'ont réduite au profit d'une exposition accrue aux banques centrales. Il modifie assez radicalement la donne en matière de risque systémique et accroît dangereusement les interconnexions entre politiques monétaire et budgétaire.

Une division accrue au sein du FOMC

A un niveau plus conjoncturel, on peut donc se demander ce que les décisions de la Federal Reserve signifient pour la politique monétaire des mois à venir. De nombreux experts ont insisté sur une division accrue au sein du FOMC sachant que la fraction des opposants s'est notoirement accrue par rapport aux décisions de baisse des taux précédentes (trois opposants sur douze membres). Certains y ont vu un signal d'une possible opposition à toute baisse future.

Il me semble que c'est là une interprétation imprudente. D'une part, parmi les trois opposants, il n'y en a eu que deux qui étaient favorables au statu quo alors que le troisième, Stephen Miran, inféodé à Trump, était favorable à une baisse sensiblement supérieure, de 50 points de base. D'autre part, le processus de désinflation, même s'il devrait prendre du retard du fait des conséquences des tarifs douaniers et du caractère excessivement accommodant de la politique monétaire actuelle, n'en va pas moins se poursuivre à l'avenir, toutes choses égales par ailleurs.

Au terme de ce processus, le taux des Fed Funds devrait se situer aux alentours de 3,00% si l'on en croît les règles de politiques monétaires usuelles… ce qui laisse une marge de baisse de l'ordre d'une cinquantaine de points de base. Les marchés anticipent ainsi deux à trois baisses de 25 points de base chacune sur 2026 voire 2027. Sur la base des craintes que nous avons exprimées plus haut, nous aurions, quant à nous, tendance à penser que cette baisse devrait s'étaler non point sur un à deux ans mais sur deux à trois ans. En tout état de cause, nous ne sommes pas encore au terme de la baisse des taux de la politique monétaire aux Etats-Unis et la vraie question en suspens est celle de son rythme.

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