États-Unis, Grande-Bretagne, Japon : les observateurs de politique monétaire feront le tour du monde les prochains jours alors que trois des plus grandes banques centrales se réunissent pour statuer sur leurs taux.
Tour d'horizon des perspectives des marchés les jours à venir :
1/ LA FED FACE À L'ÉNIGME DES MARCHÉS DE L'EMPLOI
Les marchés seront suspendus à la prochaine décision de la Réserve fédérale (Fed) mercredi, qui marquera le début du cycle d'assouplissement de la banque centrale américaine.
Pourtant, l'enjeu ne porte pas tant sur la décision de la Fed que sur sa posture à moyen terme. Les derniers chiffres d'emploi mitigés - le nombre de nouveaux postes a surpris à la baisse en août - font craindre que l'équilibre des marchés du travail ne s'avère fragile.
"Le contexte actuel dans lequel embauches et licenciements sont à de faibles niveaux (...) rend le marché du travail plus vulnérable aux chocs", constate Xiao Cui, économiste chez Pictet Wealth Management, et qui attend trois baisses de 25 points de base cette année.
Le risque étant qu'un ralentissement des embauches n'entraîne une réduction des coûts de main-d'œuvre et des licenciements massifs, une boucle de rétroaction que la Fed aurait du mal à briser, ajoute l'observateur.
Pour autant, Goldman Sachs, qui prévoit également trois baisses de 25 points de base en 2024, juge que la croissance de l'emploi, l'activité et les ventes au détail demeurent "relativement fortes" aux États-Unis.
"L'augmentation du taux de chômage aux États-Unis depuis avril 2023 reflète principalement une forte offre de main-d'œuvre et l'expansion économique, et non une faible demande de main-d'œuvre et un risque élevé de récession", estiment les économistes de la banque.
Tout l'enjeu mercredi sera donc de déterminer si la baisse de taux de la Fed est destinée à soutenir l'économie, ou à retrouver le taux neutre. Les marchés monétaires jugent équiprobable une baisse de 25 ou 50 points de base. FEDWATCH
L'institution mettra par ailleurs à jour mercredi ses prévisions économiques et son "dot plot", qui permet de visualiser les projections de taux directeurs des membres du comité de politique monétaire. Ces éléments pourraient aider les investisseurs à trancher entre normalisation et récession.
2/ LA BANQUE D'ANGLETERRE PRUDENTE
La Banque d'Angleterre a baissé ses taux en août, mais la décision était loin d'être unanime au sein du conseil des gouverneurs, certains d'entre eux évoquant une décision "délicate".
"Depuis la réunion d'août, les données ont évolué dans la bonne direction, mais elles restent trop élevées. La majorité des membres du comité de politique monétaire ne seront probablement pas assez confiants pour réduire à nouveau les taux en septembre", explique Sam Cartwright, économiste chez Société Générale, qui prévoit une nouvelle hausse en novembre.
L'inflation en Grande-Bretagne sera publiée mercredi et devrait, selon le consensus, s'afficher stable. D'autres indicateurs, dont les prix de ventes et de production, aideront la banque centrale à comprendre l'avancée du processus de désinflation.
La banque centrale devrait par ailleurs statuer sur son rythme de réduction quantitatif entre octobre 2024 et septembre 2025, et qui devrait, comme au cours des deux dernières années, s'élever à 100 milliards de dollars de Gilts. La décision n'est pas triviale, car des ventes importantes de titres contribueraient à pousser les rendements, et donc les coûts d'emprunts pour le gouvernement, à la hausse.
Le non-réinvestissement du capital des titres arrivés à maturité représenterait 87 milliards de livres sur la période, le solde étant constitué de ventes directes de titres aux marchés.
3/ LA BOJ À CONTRE-COURANT
Les plus grandes banques centrales ont vaincu l'inflation et baissent leurs taux - sauf la Banque du Japon (BoJ), qui devrait vendredi confirmer une nouvelle fois que la dynamique des prix est sur une trajectoire haussière, après une trentaine d'années de déflation.
Les marchés n'attendent pas de hausse de taux à cette occasion, bien que l'institution japonaise soit habituée des surprises - là encore à rebours des autres grandes banques centrales, attentives à guider les marchés.
L'inflation demeure supérieure à 2%, cible de la BoJ, tandis que l'inflation sous-jacente devrait continuer à progresser, soutenue par le secteur des services et les hausses de salaires. Les chiffres de la dynamique des prix pour août sont attendus vendredi.
" Malgré les récentes turbulences de marché, le gouverneur Kazuo Ueda a réitéré son intention de continuer à augmenter les taux d'intérêt. Le ton plus restrictif de la BOJ suggère que les risques sont orientés à la hausse" et que la banque centrale pourrait relever ses taux plus rapidement et plus fortement qu'attendu, estiment les économistes de Fitch.
L'agence de notation parie sur une hausse en octobre et une autre en 2026.
Les problématiques de stabilité financières pourraient néanmoins inciter l'institution à davantage de prudence : après l'envolée du yen début août, qui a fait vaciller les marchés mondiaux, les observateurs s'inquiètent d'un rebond du rendement des titres souverains japonais, qui inciterait les investisseurs nippons à vendre leurs actifs étrangers pour se rapatrier sur les titres domestiques.
4/ FIN DE L'EXCEPTIONNALISME AMÉRICAIN
La baisse des taux de la Fed actera le début de la convergence des politiques monétaires mondiales, ce alors que la résistance économique des États-Unis ces deux dernières années avait découplé la trajectoire monétaire américaine du reste du monde.
Les banques centrales du monde entier pourront donc assouplir leurs politiques monétaires sans craindre une dévaluation trop importante de leur devise : si cela simplifie notamment la tâche de la Banque centrale européenne, ce seront surtout les économies émergentes, qui ont rapidement relevé leurs taux, qui profiteront de ce recouplage.
"Les taux réels sont trop élevés pour ces économies (émergentes) alors que la désinflation y est bien plus avancée que dans les marchés dits développés", constate Kevin Thozet, membre du comité d'investissement de Carmignac, ajoutant que le rythme d'assouplissement, dans ces économies, sera plus important qu'anticipé par les marchés.
"Nous pensons toutefois que les problématiques d'atterrissage en douceur ou brutal (de l'économie américaine) et d'autres événements importants, comme l'élection américaine et ses implications, contribueront davantage aux mouvements de marché", nuance Antonio Gabriel, économiste chez BofA.
(Rédigé par Corentin Chappron, édité par Kate Entringer)
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