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Pascal Prigent, DG de Genfit : « Nous n’avons plus la NASH mais ce qui nous reste a de la valeur, et est considérablement dérisqué »
information fournie par Boursorama 21/12/2020 à 11:00

Pascal Prigent, directeur général de Genfit. (crédit : Boursorama)

Pascal Prigent, directeur général de Genfit. (crédit : Boursorama)

Alors que la biotech s'apprête à finaliser le rachat partiel et l'aménagement de ses OCEANEs (obligations convertibles), c'est l'occasion d'interroger le directeur général de Genfit sur le timing et la raison de cette opération, et de faire le bilan de cette année 2020.

Boursorama : pouvez-vous revenir sur le timing et l'objectif de ce rachat partiel d'OCEANEs pour un montant de 47 millions d'euros ?
Pascal Prigent :
Il faut se remettre dans le contexte de l'opération depuis le début. Au départ, Genfit avait levé pour 180 millions d'euros d'obligations convertibles. Il y avait une vraie logique dans cette opération à l'époque : c'était de se dire que si Genfit obtenait des résultats concluants dans la NASH, il y aurait une forte progression du cours qui amènerait les porteurs d'obligation à exercer leur option de conversion, ce qui aurait fait disparaitre la dette immédiatement. Avec l'échec d'elafibranor dans la NASH et la chute du cours de bourse, les porteurs n'ont pas exercé leur option et ne l'exerceront pas avant la maturité puisque la probabilité de revenir à des niveaux de cours leur permettant de le faire est faible à horizon 2022. Sans réaménagement, nous nous retrouvions donc face à un mur dette de 180 millions d'euros en octobre 2022. Nous avions 199 millions de trésorerie à la fin du 3e trimestre dernier, avec entre-temps la nécessité de continuer à développer les programmes et financer le fonctionnement de l'entreprise : nous aurions donc été dans l'impossibilité de payer cette dette en 2022 avec comme conséquence une situation particulièrement difficile pour la Société. Et cette menace à moyen terme est déjà pénalisante aujourd'hui : elle pèse sur notre cours de bourse, et représente une épée de Damoclès quand nous cherchons à nous développer, à lier des partenariats ou à accéder aux prêts bonifiés…

Boursorama : il y a donc cette opération en deux volets, un rachat partiel de la dette, et un prolongement de la maturité.
Pascal Prigent :
plus nous nous approchions de l'échéance, moins il y avait d'options. Il y a donc effectivement deux parties. La première : on rembourse près de la moitié de la dette mais à un prix inférieur. En effet pour 47 millions d'euros remboursés, ce sont presque 90 millions d'euros de dettes qui sont effacés. La seconde : on repousse la maturité de 2022 à 2025, pour la moitié restante de ces obligations convertibles. Cela nous donne davantage de flexibilité financière, et le temps de valoriser les résultats attendus dans la cholangite biliaire primitive (CBP) qu'on espère positifs, avec plus de sérénité.

Boursorama : depuis l'échec d'elafibranor et la chute du cours, les investisseurs individuels sont très critiques sur la stratégie de Genfit avec parfois un peu d'irrationalité, qu'est-ce que vous pouvez leur dire pour les convaincre de la pertinence de l'opération, qu'ils devront approuver en assemblée générale...
Pascal Prigent :
je comprends la déception, on peut être légitimement frustré par les résultats dans la NASH, nous le sommes tous, mais vous l'avez dit, il faut surtout être rationnel. Raisonnons par l'absurde, si nous ne prenons pas cette décision maintenant, on arrivera dans une situation où l'entreprise ne sera plus en capacité de rembourser ses dettes, engendrant une tension encore plus forte sur le cours de l'action. Voter contre ou ne pas voter, c'est un peu se tirer une balle dans le pied. Ça serait d'autant plus dommage que le potentiel restant est réel. Les porteurs d'obligation ont fait un premier effort considérable en acceptant d'effacer une partie de cette dette, avec des pertes importantes pour beaucoup d'entre eux. Aujourd'hui, le geste rationnel pour les actionnaires c'est d'approuver l'accord trouvé pour permettre à Genfit de se réorienter dans la CBP où la création de valeur est objectivement possible.

Boursorama : Justement, là aussi il y a de de la défiance, on pointe souvent le fait que la CBP est une indication bien plus limitée que ne pourrait être la NASH, et qu'aujourd'hui ce seul développement aurait même du mal à justifier la valorisation de 160 millions d'euros de Genfit. Dit crûment, cette indication peut-elle, à elle seule, porter l'avenir du groupe ?
Pascal Prigent : Nous n'avons peut-être pas suffisamment expliqué le potentiel de la CBP. Oui le marché de la CBP est petit si on compare le nombre de malades concernés par rapport à celui de la NASH. Mais le prix du traitement dans la CBP, c'est 65.000 dollars par an. Ce n'est pas une estimation, c'est un prix approuvé, remboursé pour l'Ocaliva d'Intercept, seul traitement à date sur le marché visé, et c'est 10 fois plus que le prix qu'on évalue pour le traitement dans la NASH. Je rappelle par ailleurs qu'il n'y a pas de débat, à l'inverse de la NASH, sur le fait de savoir s'il faut traiter ou non le patient, comment l'identifier, etc. Il y a plus de certitudes, on sait que ce marché vaut actuellement 300 millions de dollars. Il affiche un taux de croissance à deux chiffres et tous les acteurs s'accordent sur le fait qu'il devrait atteindre le milliard de dollars en 2025. Si elafibranor est autorisé dans la CBP, les estimations pour le pic des ventes sont de l'ordre de 500 millions de dollars par an. Les estimations pour dans la NASH étaient à 1,5 milliards de dollars. On voit donc que le marché de la CBP est certes moins important, mais qu'il reste significatif : beaucoup de biotechs rêveraient d'avoir des ventes de 500 millions de dollars par an.

Boursorama : ça répond aussi en partie à ma question sur la valorisation…
Pascal Prigent :
Effectivement. Aujourd'hui, regardez notre concurrent le plus direct dans la CBP, Cymabay, avec un produit basé sur le même mécanisme d'action, des résultats de Phase 2 proches des nôtres et qui s'apprête à relancer une phase 3 : ils sont valorisés 500 millions de dollars… C'est un marché moins connu où il n'y a pour l'instant que trois acteurs, et nous en faisons partie. Et n'oublions pas que Genfit dispose d'un potentiel supplémentaire, avec le diagnostic dans la NASH...

Mais vous savez aussi que certains actionnaires craignent que le scénario d'elafibanor dans la NASH ne se rejoue dans la CBP, avec une phase 2 qui passe… et un échec en phase 3.
Pascal Prigent :
J'entends souvent cet argument… Qu'est-ce qu'on recherche avec une phase 3 ? Reproduire à plus large échelle les résultats obtenus en phase 2. Dans la NASH, nous avions obtenus des résultats positifs mais qui, s'ils n'étaient pas répliqués exactement en phase 3, pouvaient nous faire passer juste en dessous des exigences réglementaires. Dans la CBP, nos résultats sont nettement au-dessus de ce qui a été précédemment demandé par les autorités, la probabilité d'échec nous parait donc beaucoup plus faible. Alors oui, nous n'avons plus la NASH mais ce qui nous reste a de la valeur et nous paraît considérablement dérisqué : on échange un marché énorme avec un gros potentiel – mais aussi beaucoup d'incertitudes – contre un marché certes plus petit mais bien mieux balisé.

Boursorama : Genfit, c'est aussi le diagnostic dans la NASH avec des perspectives qu'on imagine intéressantes… mais encore peu chiffrées. Quand serez-vous en mesure d'être plus précis sur le sujet ?
Pascal Prigent :
c'est encore compliqué d'être précis pour une raison simple. Tout ne dépend pas de nous, c'est intimement lié au développement dans la NASH. Le jour où le marché de la NASH va exploser, et cela arrivera, il sera indispensable d'avoir un test. Et nous sommes extrêmement encouragés par les retours que nous avons dans ce domaine. Nous avons signé deux partenariats commerciaux avec LabCorp, dont le premier a déjà permis à plusieurs acteurs pharmaceutiques de valider l'intérêt de notre technologie NIS4. Nous envisageons désormais de nouer d'autres partenariats à relativement court terme, des partenariats de R&D pour continuer à améliorer notre produit. C'est à partir du moment où le marché de la NASH commencera à se structurer autour des premiers produits lancés que nous pourrons affiner nos perspectives…

Boursorama : l'année 2020 qui se termine a été critique à plus d'un niveau pour Genfit. Quel bilan vous en tirez, comment vous envisagez 2021.
Pascal Prigent :
En cette fin d'année, nous avons des raisons d'espérer. Nous avons validé trois étapes critiques. La première était de lancer l'étude de phase 3 dans la CBP et commencer à recruter des patients, c'est chose faite depuis septembre. La deuxième était de régler le problème de la dette, c'est en passe d'être accompli, même si vous l'avez rappelé, cette décision devra être validée en AG. La troisième, c'était de restructurer l'entreprise et de la recentrer autour de la CBP, c'est là aussi chose faite. Le 1er janvier 2021 verra donc un nouveau Genfit, en ordre de bataille et centré sur ses programmes importants.

Propos recueillis par Laurent Grassin

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9 commentaires

  • 24 janvier 15:47

    Faut-il croire ou pas dans cette fable ?c'est ce que déciderons les actionnaires


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