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Obligations vertes: quel avenir pour le greenium ?
information fournie par TRIBUNE LIBRE 14/10/2021 à 10:43

Johann Plé, gérant obligations vertes chez AXA Investment Managers. (Crédit photo : DR)

Johann Plé, gérant obligations vertes chez AXA Investment Managers. (Crédit photo : DR)

Tribune libre. Par Johann Plé, gérant obligations vertes chez AXA Investment Managers


La part des obligations vertes dans l'univers obligataire n'a eu de cesse de grandir ces dernières années, et la récente émission du Royaume-Uni, le dernier pays européen à émettre ce type d'obligation, vient conforter cette tendance.

L'émission britannique, 10 milliards de livres sterling de dette verte arrivant à échéance en 2033 , représente un record mondial pour une émission d'obligations vertes, attirant plus de 100 milliards de livres sterling de demande. On estime que cette dette a été émise avec une prime de 2.5 points de base par rapport aux autres émissions conventionnelles britanniques ; c'est ce qu'on appelle le « greenium ».

Le greenium est une tendance qui s'est matérialisée progressivement depuis quelques années, reflétant le déséquilibre entre l'offre et la demande. La taille du greenium peut varier et évoluer dans le temps. C'est en effet une dynamique que nous avons observée au sein de l'univers des émissions d'obligations vertes souveraines, quasi-souveraines et corporate. Et cela peut avoir des conséquences importantes pour les investisseurs sur le marché des obligations vertes.

Savoir évaluer le greenium

L'Allemagne a émis sa première obligation verte en septembre 2020. Et ce pays a la particularité d'associer chaque émission verte à celle d'une obligation conventionnelle de même échéance, ce qui permet de mesurer directement la prime verte. En 2020, l'obligation verte était alors cotée à 1 point de base plus chère que son homologue conventionnelle. Fait intéressant, ce greenium atteint aujourd'hui plus de 6 points de base.

Mais ce mouvement n'a pas été linéaire : le greenium s'est ainsi particulièrement matérialisé au cours du mois de décembre de l'année dernière et cet été. Nous en déduisons que lorsque le niveau d'émission diminue sur le marché primaire, le greenium a tendance à augmenter.

Mais l'Allemagne n'est qu'un émetteur et peu de marchés offrent une comparaison aussi nette entre obligations vertes et obligations conventionnelles. Ainsi, nous avons analysé chaque segment de l'univers et avons calculé le prix théorique des obligations vertes par rapport à leurs homologues classiques. En évaluant les émissions d'obligations vertes senior émises en Euro et en Dollar, soit près de 90 % de l'univers, on conclut rapidement que le greenium est bien réel mais qu'il n'est ni structurel ni équivalent pour toutes les émissions et secteurs.

Prenons l'univers dans son ensemble. Nous estimons que le greenium est d'environ 3 points de base. Pour les dettes souveraines, le greenium se situe autour de 7 points de base, environ 4 points de base pour la dette corporate et environ 2 points de base pour le quasi-souverain.

Si l'on va plus loin, la situation devient encore plus nuancée. Au sein de la dette corporate, il existe une différence significative entre un secteur comme les services publics, où le greenium est d'environ 2 points de base, et le secteur automobile, où il est d'environ 11 points de base.

Cette disparité reflète le nombre d'obligations vertes et d'émetteurs dans chacun des secteurs. Par exemple, les obligations vertes sont courantes dans les services publics, le secteur financier ou chez les quasi-souverains, ainsi si une émission semble chère par rapport à son homologue conventionnelle, les investisseurs choisiront simplement celle dont le greenium est le plus faible...

Cette dynamique est cependant beaucoup moins visible dans les secteurs où les options sont moins nombreuses. Dans le secteur automobile, par exemple, il n'y a que peu d'obligations vertes, ce qui contraint les investisseurs qui cherchent à diversifier leurs expositions avec ce secteur à payer un prix plus élevé.

La dynamique de prix est la même sur les obligations souveraines. Elles peuvent être tout aussi rares et donc relativement chères. Il n'y a, par exemple, eu que deux émissions en France, et seulement une en Belgique et aux Pays-Bas.

Au sein des secteurs corporate, il est intéressant de noter que le greenium peut être affecté par la récurrence des émissions d'un même émetteur. Une obligation verte d'un émetteur qui n'est pas actif sur ce marché depuis un certain temps pourrait s'avérer relativement rare et difficile à trouver sur le marché secondaire, se traduisant ainsi par un greenium plus important.

A l'inverse, un émetteur d'obligations vertes récurrent est susceptible de voir son greenium baisser, reflétant un meilleur équilibre offre-demande. Il est clair que plus un émetteur émet d'obligations vertes, plus le greenium sera réduit.

Le greenium devrait perdurer

Dans l'ensemble, nous nous attendons à ce que cette disparité persiste. Certaines parties de l'univers convergeront à mesure des émissions, mais celles-ci seront contrebalancées par des obligations émises par des sociétés qui ne sont pas encore entrées sur le marché. On peut ainsi s'attendre à ce que les entreprises des secteurs de l'automobile, de la distribution ou des biens de consommation, par exemple, deviennent des émetteurs majeurs au fil des ans. Au début, ces obligations se négocieront probablement avec une prime importante, soutenant le niveau actuel de greenium

L'offre devrait davantage venir des souverains, comme le montrent les récentes émissions espagnoles ou britanniques. L'Allemagne devrait continuer de construire sa courbe d'obligations vertes, et la plupart des pays européens devraient, dans un même temps, utiliser les obligations vertes dans le cadre de leurs engagements pour lutter contre le changement climatique. Les souverains ont représenté 20 % des émissions d'obligations vertes en 2021 avec plus de 15 pays différents , une évolution significative alors que la première émission souveraine ne date que de 2016.

Du côté des entreprises, nous nous attendons à ce que les banques et les services publics continuent d'émettre une offre régulière d'obligations vertes. Mais la croissance réelle devrait venir de nouveaux secteurs comme l'automobile, les télécoms ou les biens de consommation, avec dynamique soutenue dans le secteur immobilier. Nous nous attendons également à voir beaucoup plus d'émissions aux États-Unis, qui pourraient devenir un véritable moteur de croissance, le marché des obligations d'entreprises américaines faisant trois fois la taille du marché européen.

Payer une légère prime pour une obligation verte peut inquiéter certains investisseurs, mais l'obligation verte devrait leur permettre de bénéficier d'un meilleur rendement ajusté du risque sur le long terme. En offrant des coûts de financement potentiellement inférieurs pour les projets verts, les émetteurs investissent dans la transition vers une économie bas de carbone et devraient être plus à même de faire face aux risques et aux opportunités qui se présentent dans un monde en transition. Le greenium est cependant un autre argument pour que les investisseurs adoptent une approche active et dynamique. Comme sur tout marché obligataire, les investisseurs veulent éviter les émissions coûteuses et obtenir une performance supplémentaire des obligations dont la valeur (ou le greenium) augmente après l'achat. Les obligations vertes offrent aux investisseurs un moyen de contribuer au financement de la transition énergétique et écologique, et une gestion active leur permet de le faire de la manière la plus efficace selon nous.

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