
Le traitement de Neovacs, IFNα Kinoïde, est une immunothérapie conçue pour générer chez le patient, suivant un principe vaccinal, des anticorps polyclonaux ciblant l’interféron alpha, responsable de l’inflammation caractéristique du lupus. (crédit : Adobe Stock)
Les résultats de l'essai clinique de phase IIb évaluant IFN-Alpha Kinoïde, le produit phare de Neovacs, dans Lupus érythémateux disséminé ('SLE' ou « lupus ») une maladie auto-immune, ont été accueillis par une valse-hésitation du titre. Après avoir ouvert en hausse, celui-ci a terminé la séance dans le rouge (-2,6%) et poursuit son repli aujourd'hui.
IFN-Alpha Kinoïde est une immunothérapie conçue pour générer chez le patient, suivant un principe vaccinal, des anticorps polyclonaux ciblant l'interféron alpha, responsable de l'inflammation caractéristique du lupus. Dans l'essai, le produit était évalué auprès de 185 patients. Et la lecture de ces résultats apparait pour le moins complexe.
Sur le plan biologique, le produit montre, de manière statistiquement significative, une diminution de l'expression de la signature interféron, un signal d'activité qui ne laisse pas de place au doute. Sur le plan clinique - celui sur lequel se décidera une éventuelle future approbation - le bilan est plus contrasté. En effet, la société a utilisé plusieurs échelles de mesures des symptômes dans son essai : le BICLA, le SRI-4 et le LLDAS. Ce choix était justifié par l'absence de «consensus absolu pour mesurer l'efficacité clinique dans le lupus et le fait que la plupart des travaux s'appuient sur une combinaison de différents tests», explique un analyste.
Mais IFN-Alpha Kinoïde ne coche pas toutes les cases. Sur le score BICLA, critère primaire de l'essai, il échoue. Avec le score SRI-4, il montre une tendance positive mais sans démonstration statistique (p=0.07). Enfin, il réussit pleinement sur le score LLDAS (p=0,002).
Si ce dernier score est de plus en plus considéré par les rhumatologues, dans cette indication, le seul médicament aujourd'hui prescrit dans le lupus, Benlysta (GSK) a été approuvé sur la base d'un score SRI-4 en critère principal. Quant à son successeur annoncé, l'anifrolumab (AstraZeneca), actuellement en phase III (résultats attendus fin 2018), il est évalué avec SRI-4 et BICLA.
Avis divergents sur le potentiel du produit
«Même s'il est possible de convaincre les autorités sanitaires de concevoir un essai clinique à partir d'un autre score, il reste difficile d'imaginer que BICLA et SIR-4 ne fassent pas a minima partie des critère secondaires», estime un analyste. Plus pessimiste, un autre juge le produit devancé par Anifrolumab qui en phase IIb, avait obtenu des résultats statistiquement significatifs sur ces deux critères (et également positif sur LLDAS, dans le cadre d'une analyse post-hoc) : «Sauf à ce que ce dernier échoue en phase III, il est peu probable qu'un industriel s'intéresse à IFN-Alpha Kinoïde.»
Pour d'autres observateurs, l'horizon reste ouvert parce que les échecs ont été légion dans le lupus, que le pipeline des industriels s'est réduit ces dernières années, que les scores cliniques évoluent, que le «service médical rendu» par Benlysta reste somme toute modeste et enfin que le produit de Neovacs n'a été évalué que 36 semaines. Il pourrait ainsi combler son retard en termes d'efficacité, dans une phase III d'une durée d'un an.
Il est vrai que IFN a quelques atouts à faire valoir. Seul candidat-médicament basé sur une approche vaccinale, il se distingue de ses concurrents, pour la plupart des anticorps monoclonaux. En effet, son administration ne nécessite que quelques injections (cinq dans l'essai) avant que l'organisme ne génère lui-même ses propres anticorps, a priori de façon permanente. Alors qu'un anticorps monoclonal est un traitement à vie. De plus, les anticorps polyclonaux sont «naturels», donc moins susceptibles de générer des résistances au traitement que les anticorps monoclonaux «étrangers». Un intérêt médical autant qu'économique. «S'il ne parvient à convaincre sur la base de ces résultats, il pourrait être évalué dans le cadre de combinaisons avec d'autres médicaments ayant d'autres mécanismes d'actions», estime un analyste.
Les dirigeants comptent faire valoir leurs arguments, dans l'optique d'un partenariat - un accord de licence avec un groupe pharmaceutique - indispensable au lancement d'une éventuelle phase III. Avec IFN-Alpha Kinoïde, Neovacs, qui a abandonné fin 2014, le développement de son premier projet, TNF kinoide, joue son va-tout. Ce programme représente aujourd'hui toute sa modeste valorisation. Les négociations avec les industriels s'annoncent serrées sur la base de ces résultats, et se feront sous la pression d'une trésorerie réduite (5,1M? à fin décembre auxquels s'ajoutent le crédit impôt recherche) qui ne permet guère de se projeter au-delà de la fin d'année.
L'avis de Martial Descoutures, analyste chez Invest Securities
"Les résultats montrent une efficacité biologique statistiquement significative définie par la diminution de l'expression de la signature interféron à 36 semaines, soit une baisse certainement de 20% au vu du nombre de patients inclus dans l'étude (185). Le score SRI-4 bien que non statistiquement significatif (p=0.07) montre une tendance positive claire. Enfin, l'administration de l'IFN-Kinoïde permet une réduction importante des traitements par corticostéroïdes, ce qui est bon point. Seul ombre au tableau, le manque de réponse clinique chez les patients traités vs placebo, mesurée par le score BICLA. Aucun chiffre n'est présenté. Ce manque de visibilité clinique pose question car ce score test reste avec SRI-4 une des références de validation des autorités de santé. Les dirigeants considèrent qu'ils pourront entrer en phase III. Bien que les résultats complets permettront d'affiner notre vision sur la suite du protocole, la performance boursière de la société est dorénavant suspendue à un partenariat fort. Une évaluation du produit en combinaison avec d'autres médicaments ayant d'autres modes d'action est aussi une hypothèse à envisager."
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