par Florence Tan et Nidhi Verma
Les sanctions plus restrictives infligées le 10 janvier aux pétroliers russes par Washington ont bousculé les marchés du brut, soutenant les prix et contraignant Moscou à stocker son pétrole sur des navires.
Les acheteurs de brut russe se sont rués sur les alternatives : pendant quelques semaines, le baril en provenance de Dubaï, très soufré et donc plus coûteux à raffiner, est devenu plus onéreux que le Brent, plus léger et à partir duquel est calculé le prix du baril russe.
D'autres producteurs ont tiré parti de ce bouleversement de l'offre, l'écart entre le prix du pétrole produit au Brésil et le Brent ayant plus que doublé, à 5 dollars du baril, tandis que la Chine va importer ses premiers barils en provenance du Kazakhstan depuis juin 2024.
Selon un opérateur de marché singapourien, la division de trading de TotalEnergies a reçu tellement de demandes pour son brut produit au Moyen-Orient que l'entreprise a organisé des appels d'offres plutôt que des négociations privées.
De nombreux courtiers ont par ailleurs eu recours à des vraquiers plus onéreux que les pétroliers, une large partie de la flotte russe étant désormais bloquée en mer.
Les prix plus élevés pèsent en particulier sur les raffineurs indiens, le pays s'étant détourné l'an dernier de ses fournisseurs moyen-orientaux pour acheter davantage de pétrole russe.
Or, cette semaine, le secrétaire d'État indien au Pétrole a déclaré que les raffineurs du pays ne voulaient acheter du pétrole russe qu'en provenance d'entreprises et de navires épargnés par les sanctions américaines.
Le faible nombre de navires correspondant à ces critères a poussé les cours du brut extrait dans l'Oural à la hausse, ajoutant encore aux coûts et limitant l'intérêt pour les raffineurs indiens de risquer d'éventuelles sanctions.
Les volumes de brut russe stockés sur les pétroliers a bondi à 17 millions de baril depuis le 10 janvier, selon une note publiée le 5 février par Goldman Sachs, et pourrait progresser à 50 millions de barils au cours du premier semestre 2025.
"Les volumes de pétrole stocké sur l'eau sont en augmentation. De nombreux pétroliers russes attendent à l'entrée des ports de Shangdong et du sud de la Chine, qui ne sont pourtant pas de grands ports de transit habituellement", explique un cadre supérieur d'un courtier en matières premières.
Les sanctions feront reculer les exportations de brut russe de jusqu'à 1,5 million de baril par jour (mbpj) à court terme, calcule Adi Imsirovic, directeur de Surrey Clean Energy.
En particulier, un analyste souligne que les exportations russes à destination de la Chine reculeraient de 0,7 à 0,8 mbpj à partir de mars, lorsque des exemptions de sanctions seront supprimées. Selon les données Kpler, cela représenterait une baisse d'au moins 70% par rapport aux volumes importés par Pékin en janvier.
A ces pressions sur l'offre de brut russe s'ajoute le repli des exportations iraniennes vers la Chine, premier client de Téhéran, alors que Donald Trump souhaite faire chuter à zéro le nombre de barils quittant l'Iran.
Selon Goldman Sachs, le volume de pétrole iranien stocké sur l'eau a progressé de 14 millions de barils depuis janvier, atteignant un record depuis 14 mois. Si les sanctions étaient appliquées avec plus de fermeté, la production iranienne pourrait reculer de 1 mbpj, tandis que le cours du Brent dépasserait les 80 dollars d'ici mai, selon les analystes de la banque.
Dans ce contexte, l'équilibre entre offre et demande pourrait se retrouver durablement perturbée.
"La seule prévision que nous pouvons faire est que les marchés vont devenir plus volatils. Plus les gouvernements interviendront dans les équilibres de marchés, plus ceux-ci deviendront volatils", conclut Adi Imsirovic.
(Reportage Florence Tan à Singapour et Nidhi Verma à New Delhi, avec Siyi Liu et Chen Aizhu à Singapour, Anna Hirtenstein, Alex Lawler, Ahmad Ghaddar à Londres, version française Corentin Chappron, édité par)
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