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Les "coups" diplomatiques de Macron, une stratégie à haut risque
information fournie par Reuters 17/09/2019 à 17:41

    par John Irish et Robin Emmott
    PARIS/BRUXELLES, 17 septembre (Reuters) - Prenant acte de
l'isolement britannique et de la fragilisation de l'Allemagne,
Emmanuel Macron a saisi l'occasion offerte pour s'emparer du
leadership diplomatique en Europe, quitte à irriter ses
partenaires.
    Cette stratégie à haut risque, mise en oeuvre sans véritable
concertation avec Londres, Berlin ou Bruxelles, témoigne de sa
volonté d'accroître l'influence française dans les affaires
européennes, observe la sphère diplomatique.
    L'inflexion a trouvé une illustration fin août lorsque le
président français s'est efforcé d'atténuer les tensions entre
Téhéran et Washington. L'initiative lui a valu les éloges de
certains mais elle a pu agacer les alliés européens de la France
et a mis en péril l'équilibre déjà fragile de la diplomatie
européenne, soulignent les observateurs.
    "Nous parlerons à tous ceux qui sont aux responsabilités et
s'il s'agit de Macron, très bien", a commenté Gordon Sondland,
l'ambassadeur américain auprès de l'Union européenne. "Mais à la
place de la République tchèque ou de l'Italie, je me demanderais
quelles sont ses priorités", a-t-il ajouté.
    Boris Johnson, accaparé par le Brexit, et Angela Merkel, qui
s'apprête à lâcher les rênes du pouvoir et dirige un pays
économiquement fragilisé, ont laissé le champ libre à Emmanuel
Macron qui a pu profiter de l'organisation du G7 à Biarritz, en
août, pour mettre en musique sa partition.
    Déjeuner privé avec Donald Trump, rencontre avec le ministre
iranien des Affaires étrangères Javad Zarif ou encore entretien
téléphonique avec le président iranien Hassan Rohani, Emmanuel
Macron a revêtu sa nouvelle panoplie de diplomate en chef et
émis l'hypothèse d'une rencontre Trump/Rohani fin septembre en
marge de l'Assemblée générale des Nations unies à New York.
    Selon plusieurs sources diplomatiques, Emmanuel Macron ne
s'est pas embarrassé d'en prévenir la Grande-Bretagne et
l'Allemagne, deux pays signataires en 2015 de l'accord de Vienne
sur le programme nucléaire iranien. 
    
    À L'ÉCART
    Loin de s'arrêter là, le président français a envoyé début
septembre à Moscou son ministre des Affaires étrangères
Jean-Yves Le Drian, sans en référer aux autorités diplomatiques
européennes au moment même où elles accueillaient le secrétaire
d'Etat américain Mike Pompeo, selon trois sources diplomatiques.
    "L'issue du référendum sur le Brexit a entraîné un recul
spectaculaire de l'influence de la politique étrangère
britannique", note Jalel Harchaoui, chercheur à l'institut
Clingendael. "Lorsqu'Emmanuel Macron s'est installé au pouvoir
en 2017, l'idée générale était que la France et l'Allemagne
formeraient une alliance étroite en matière d'affaires
étrangères", rappelle-t-il.
    "En réalité, l'Allemagne de Merkel (...) a largement négligé
la diplomatie internationale. Pendant ce temps, la France de
Macron s'est sans cesse mise à l'écart de la diplomatie
européenne."
    La France argue que l'Union européenne, premier contributeur
mondial à l'aide au développement, a une influence diplomatique
négligeable et explique qu'elle n'a pas été en mesure d'apporter
des solutions aux problèmes syrien, yéménite ou ukrainien.
    
    "COUP DE FOUET"
    Le solo diplomatique d'Emmanuel Macron lui a valu aussi des
déconvenues, notamment lorsqu'il a décidé d'une médiation dans
le conflit libyen, suscitant l'irritation de l'Italie qui se
pose en intervenant naturel dans son ancienne colonie.
    Une concurrence qui fragilise l'UE, incapable de parler
d'une seule voix aux géants chinois, russe et américain, prompts
à en profiter pour promouvoir leurs propres intérêts.
    Le style Macron ne déplaît pas à tous, notamment auprès des
diplomates étrangers basés à Paris. "Avec ce que fait Macron,
j'ai l'impression d'être au centre des choses", confie
l'ambassadeur d'un pays du Proche-Orient récemment nommé dans la
capitale française.
    Pour ces diplomates, les initiatives présidentielles
incitent au rapprochement avec Paris.
    "L'Europe avait besoin d'un coup de fouet. Macron nous a
donné une place sur l'échiquier mondial alors qu'on nous
ignorait. Paris est pour nous le premier endroit où il faut être
pour que les choses soient faites", témoigne un diplomate
occidental en poste à Paris.
    
    "DIPLOMATIE DE L'AUDACE"
    En s'adressant le mois dernier aux ambassadeurs français, 
Emmanuel Macron a prôné une "diplomatie de l'audace" et souligné
la nécessité pour la France de jouer pleinement son rôle pour
éviter un effacement de l'Europe.  
    "Nous sommes les seuls pour qui l'immobilisme est mortel.
Les autres peuvent avoir une stratégie non multilatérale,
unilatérale ou bilatérale, nous non", a-t-il dit, invitant la
France et l'Europe à revisiter "leurs schémas de pensée, leurs
automatismes, réinvestir les instances internationales."
    Des diplomates européens soulignent par ailleurs que
l'Allemagne s'accommode de voir la France prendre la main dans
le dossier iranien, ce qui lui évite d'essuyer les critiques
israéliennes ou d'affronter directement les Etats-Unis avec
lesquels Berlin entretient une relation commerciale compliquée.
    
    CONTRADICTIONS
    L'approche d'Emmanuel Macron n'est toutefois pas sans
contradiction pour un homme qui n'a de cesse de vanter la
refondation européenne.
    "Il prend des risques. Macron est comme les anciens
présidents Sarkozy ou Chirac. On retrouve les mêmes réflexes",
relève un ancien haut fonctionnaire français qui continue de
dispenser ses conseils au gouvernement.
    "D'un côté, il dit 'l'Europe, l'Europe!' Mais de l'autre
côté, dès qu'on parle de grande politique il oublie complètement
qu'il est européen."
    Ce paradoxe transparaît dans le plaidoyer d'Emmanuel Macron
pour un rapprochement avec Moscou en dépit des objections
d'autres capitales européennes.
    "Il va à l'encontre des Polonais, des Scandinaves et donne
l'impression que l'Europe ne nous intéresse pas", déplore un
diplomate européen.
    "Il y a là une contradiction fondamentale. Comment être
l'homme qui combat les populistes en Europe tout en donnant
l'impression que tout ce que Moscou fait de pire peut être mis
sous le tapis?"

 (Nicolas Delame pour le service français, édité par Sophie
Louet)
 

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