Si on utilise maintenant les moyens destinés à soulager l’économie en cas de récession, que pourront faire les banques centrales si la récession est réellement déclarée ?
Dans la sphère financière, les politiques monétaires très accommodantes veulent anticiper les crises économiques et financières. Choquées par la crise systémique de 2008-2009, elles veulent augmenter la liquidité avant même l'apparition de la crise. C'est l'application du principe : «Mieux vaut prévenir que guérir». Cela se traduit par le «bad news is good news» : toute mauvaise nouvelle économique est considérée comme une incitation à «l'assouplissement monétaire».
Ainsi, en ce milieu d'année 2019, les investisseurs se retrouvent dans une situation où ils ont «le beurre» (la liquidité surabondante qui vient se fixer sur les actions) et l'argent du beurre (les profits des entreprises). En gros, une situation idéale…Sauf que le risque associé est important. Le «tout tout de suite» (tout pour éviter la récession) signifie qu'il n'y aura plus rien après : si on utilise maintenant les moyens destinés à soulager l'économie en cas de récession, que pourront faire les banques centrales si la récession est réellement déclarée ?
Le commerce mondial affecté
Dans la sphère réelle, la nouvelle politique commerciale des USA affecte le commerce mondial en raison de la mise en œuvre de taxes à l'importation et de l'incertitude associé à un engrenage dévastateur. La conséquence naturelle de l'agressivité des USA, est que le risque récessif augmente. Les pratiques condamnées hier par le libéralisme, sont aujourd'hui justifiées par le président des Etats-Unis. Le déclenchement d'une vraie crise économique et financière mondiale pourrait très vite devenir incontrôlable et systémique.
Ces deux éléments contextuels ne sont pas transitoires; on peut les considérer comme permanents, car le premier confirme la mainmise des marchés financiers sur les banques centrales (chantage permanent à la crise systémique), et le second matérialise la confrontation historique entre le leader (USA) et son challenger (la Chine).
Dangereux pour la croissance à court terme
La synthèse de ces deux éléments contextuels, c'est la possibilité de justifier une politique monétaire plus favorable, par les effets récessifs de la nouvelle politique commerciale des Etats-Unis. En d'autres termes, la Fed «donnerait des munitions» à l'administration américaine dans sa guerre commerciale contre la Chine. Le ralliement de Jerome Powell à Donald Trump renforcerait la croisade américaine contre les excédents chinois et allemands.
Le scénario de marché doit prendre en compte des éléments contextuels majeurs
Tout ceci est bien sur particulièrement dangereux pour la croissance à court terme : -0,5% pour le PIB mondial, et une récession à la clé en fin d'année, selon le FMI et les estimations d'un brocker américain. Surtout, ce sont les anticipations de bénéfice des sociétés qui feraient les frais d'une telle situation. Les marchés d'actions seraient probablement tirés à la hausse par une nouvelle phase d'assouplissement monétaire, probablement non conventionnel.
Le divorce entre les Etats-Unis et le reste du monde pourrait se traduire par un cavalier seul de Wall Street. Les bourses américaines pourraient rester modérément haussières, alors que les bourses européennes subiraient une tendance baissière, un peu comme en 2011. Par ailleurs, la divergence entre les Value stocks (plutôt cycliques, dépendantes de la conjoncture économique) et les growth stocks (plutôt défensives, peu dépendantes de la conjoncture) atteindrait son paroxysme…L'hyper liquidité favoriserait plutôt la rente, l'immobilier et les situations acquises, et défavoriserait les entreprises plus risquées, plus dépendantes de la situation économique générale. Ce n'est pas le moindre des paradoxes, dans la mesure où la politique monétaire a justement pour objectif de relancer la croissance économique…
Eric Galiègue, Président de Valquant Expertyse, président du Cercle des Analystes Indépendants
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