Les élites européennes, trop longtemps enivrées par les succès économiques des trente glorieuses, se sont enferrées dans des choix politiques et économiques erronés, avec surtout un manque de vision. (crédit : Adobe Stock)
En l'espace de deux semaines après l'élection présidentielle américaine du 5 novembre, la valeur des entreprises cotées à la Bourse de New-York a gonflé de 1.800 milliards de dollars. Dans le même temps, quelque 600 milliards quittaient les Bourses européennes et asiatiques. Pour Bertrand Jacquillat, le décrochage s'explique principalement par l'absence de stratégie européenne.
Les qualificatifs ne manquent pas pour souligner le décrochage de l'entreprise France et des autres économies de l'Union européenne au cours des quarante dernières années, synthétisés par le terme de «quarante piteuses». Ce décrochage est d'abord le miroir renversé de l'irruption sur la scène économique mondiale de pays autrefois à l'aune de leur développement. Les marchés boursiers ne font que refléter les dynamiques économiques sous-jacentes.
C'est ainsi que la capitalisation boursière de l'Inde qui était proche de zéro il y a 40 ans a dépassé celle de la France, et la capitalisation boursière de la Chine lui est plus de quatre fois supérieure. Ce qui est paradoxal, c'est la comparaison entre deux économies à un stade de développement initial proche, la France et les Etats-Unis : dans ce même temps la capitalisation boursière du premier a été multipliée par 25 et celle du second par 40.
Un décrochage européen qui ne date pas d'hier
Ce décrochage européen est observé quelles que soient les statistiques économiques utilisées, il ne date donc pas donc d'hier. Il ne date pas non plus de l'élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, même si Wall Street y a réagi favorablement par une hausse qualifiée de «Trump Trade». Ce recul français et européen est aussi la conséquence d'un virage manqué pour adapter le modèle de croissance européen, quelles que soient ses variantes, à la crise des années 1970, puis à l'ère d'un monde globalisé.
Les élites européennes, trop longtemps enivrées par les succès économiques des trente glorieuses, se sont enferrées dans des choix politiques et économiques erronés, avec surtout un manque de vision. Elles ne se sont pas rendues compte que la nature des investissements nécessaires pour favoriser le rattrapage d'économies meurtries par la guerre, n'était plus la même que celle requise pour devenir compétitif à la frontière des secteurs industriels d'avenir, notamment dans les nouvelles technologies et leur avatar très prometteur, l'intelligence artificielle. Ces élites sont restées persuadées que la croissance pouvait être accélérée par des procédés relevant de leur sphère d'influence, plutôt que par les millions de décisions d'entreprises privées sur lesquelles elles ont peu de prise.
La microéconomie a pris le dessus sur la macroéconomie
Mais avec l'ouverture continue des frontières ayant conduit à la globalisation, les décisions et actions décisives sont de plus en plus du ressort de la microéconomie et de stratégies entrepreneuriales, et de moins en moins du ressort du macro-management. La microéconomie a pris le dessus sur la macroéconomie.
La plupart des observateurs sérieux sont d'ailleurs bien conscients des défis de compétitivité auxquels la France et l'Europe doivent faire face. C'est ce qui ressort des solutions, nombreuses et variées, présentées dans le rapport Draghi. Celles-ci ne peuvent être efficaces qu'au niveau européen, dans un marché unique à la fois plus grand et plus concurrentiel. Ce marché unique devra être caractérisé par une intégration réelle des marchés de capitaux pour retenir en Europe son bassin d'épargne, le plus élevé du monde.
Cette intégration des marchés de capitaux devrait faciliter la titrisation des dettes des entreprises et des banques, ainsi qu'un recours prioritaire aux actions pour financer les formidables investissements nécessaires. Ceux-ci devront se faire par une gouvernance davantage pilotée par des scientifiques et des entrepreneurs, et une régulation simplifiée et intelligente. Mais il faut faire vite. Les mesures annoncées par Donald Trump depuis son élection à la présidence des Etats-Unis et qui mettent l'accent sur l'innovation, la déréglementation, la débureaucratisation pourraient accentuer le décrochage boursier des pays de l'Union européenne. Peut-être que ce chamboule-tout américain annoncé agira comme un «wake up call». Il en va de la pérennité de l'Union européenne.
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