par Graham Fahy DUBLIN, 21 mai (Reuters) - Près de trois ans après le vote du Royaume-Uni en faveur du Brexit, le paysage politique nord-irlandais se transforme et l'idée d'un référendum sur l'unification de la province britannique avec la République d'Irlande fait son chemin. Une Irlande unie reste une perspective lointaine et une telle consultation ne verra probablement pas le jour avant longtemps, mais les deux principaux partis d'Irlande, le Fine Gael et le Fianna Fail, tous deux partisans de l'unité, avancent leurs pions au nord de la frontière. Le Fine Gael, le parti au pouvoir à Dublin, a pris l'initiative inhabituelle de choisir l'ancien vice-Premier ministre nord-irlandais Mark Durkan comme candidat aux élections européennes dans la capitale irlandaise. "Le débat sur l'unité a gagné du terrain dans le contexte du Brexit", déclare l'intéressé, ancien leader du Parti social-démocrate et travailliste (SDLP), l'un des deux principaux partis nord-irlandais favorables à l'unité avec le Sinn Fein. Le 23 juin 2016, lors du référendum britannique sur l'appartenance à l'Union européenne, près de 56% des Nord-Irlandais ont voté pour rester dans le bloc communautaire, qu'ils devront quitter malgré tout lorsque le reste du Royaume-Uni s'en ira, à une date qui n'a toujours pas été fixée. L'Irlande, qui s'est détachée du Royaume-Uni il y a un siècle et a rejoint l'UE en 1973, restera dans l'UE. LE FACTEUR DÉMOGRAPHIQUE Depuis de nombreuses années, les sondages en Irlande du Nord attestent d'un faible soutien en faveur de la réunification, mais responsables politiques et analystes observent un certain nombre de facteurs susceptibles de changer la donne. Le premier est le possible rétablissement d'une barrière physique entre Irlande et Irlande du Nord, qui risque de remettre en cause la paix fragile obtenue grâce à l'Accord de paix de 1998, lequel a mis fin aux contrôles de marchandises de part et d'autre de la frontière. La situation économique et politique est aussi à prendre en compte. De récentes études suggèrent qu'en dépit d'un faible taux de chômage, l'économie nord-irlandaise stagne, ce qui est sans doute lié à l'incertitude engendrée par le Brexit et le gouvernement de Belfast, créé par l'accord de partage du pouvoir de 1998, s'est disloqué il y a plus de deux ans. L'évolution démographique de la province pourrait aussi jouer en faveur de la réunification. Les catholiques, qui constituent la base électorale traditionnelle des partis irlandais nationalistes, sont en passe de devenir majoritaires en Irlande du Nord dans une génération. Or l'accord du Vendredi Saint prévoit que le gouvernement britannique est tenu d'organiser un référendum sur l'appartenance de l'Irlande du Nord au Royaume-Uni s'il paraît probable qu'une majorité d'électeurs souhaite l'unification de l'île. Soucieux de ne pas être pris au dépourvu en cas de référendum, le Fine Gael a ouvert un mouvement de jeunesse à la Queens University de Belfast et la candidature de Mark Durkan vise à démontrer que le parti aidera l'Irlande du Nord à faire entendre sa voix au Parlement européen quand les eurodéputés nord-irlandais élus cette semaine devront quitter leur siège, une fois le Brexit consommé. "TRAVAILLER ENSEMBLE" Le Fianna Fail, premier parti d'opposition irlandais, a quant à lui signé un accord de coopération avec le SDLP. Les deux partis dublinois ne réclament cependant pas déjà un référendum sur la réunification, contrairement au Sinn Fein, parti nationaliste irlandais, seul grand parti représenté à la fois aux parlements de Belfast et Dublin. "Nous devons nous concentrer d'abord sur le problème du Brexit et restaurer pleinement les institutions de l'Accord du Vendredi saint", estime Mark Durkan, par allusion à l'absence de gouvernement à Belfast. Le Fine Gael et le Fianna Fail rivalisent de prudence, jugeant qu'il sera difficile d'obtenir la réunification sans une adhésion large de la population au-delà des seuls cercles nationalistes. "Si l'on ne se base que sur la démographie, ce sera une catastrophe pendant 75 ans", déclare Trevor Ringland, un unioniste connu des deux côtés de la frontière pour avoir joué dans le XV d'Irlande de rugby, l'un des rares sports où joueurs irlandais et nord-irlandais sont regroupés dans la même équipe. "L'alternative, c'est de travailler ensemble, de bâtir des relations, et si les générations futures veulent modifier la Constitution, qu'elles le fassent dans une situation positive", ajoute-t-il. Pour Jude Perry, une étudiante de 20 ans qui a créé une branche du Young Fine Gael à la Queens University, autrefois un symbole de la position dominante de l'élite protestante au sein de la société nord-irlandaise, l'installation du parti à Belfast n'est que le commencement d'une nouvelle étape de la politique dans toute l'île d'Irlande. Les élections municipales du 3 mai dans la province en seraient une nouvelle preuve: bien que Sinn Fein d'un côté et DUP (Parti unioniste démocratique) de l'autre aient conservé leur prépondérance, l'Alliance Party, une petite formation inter-communautaire, a nettement progressé. Son chef de file pourrait aussi gagner une place d'eurodéputé. "Beaucoup de jeunes voient les choses différemment, une sorte de juste milieu", explique Jude Perry. "Je ne crois pas que la population soit aussi clanique qu'on l'imagine." (Jean-Stéphane Brosse pour le service français)
Le Brexit bouscule le paysage politique en Irlande du Nord
information fournie par Reuters 21/05/2019 à 13:40
Mes listes
Une erreur est survenue pendant le chargement de la liste
0 commentaire
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer